Histoire d un berger de kabylie pendant la guerre d Algérie
175 pages
Français

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Histoire d'un berger de kabylie pendant la guerre d'Algérie , livre ebook

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Français

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Description

Au début des années 50, Chaban est mobilisé pour défendre les intérêts coloniaux de la France en Indochine. A la fin de son service, marqué par les atrocités vécues, il regagne son village de Kabylie où il se voit forcé de rejoindre les groupes armés du FLN. Il y mène avec ses hommes des embuscades acharnées contre l'armée française. Déjouant un complot contre lui, il négocie sa reddition à l'armée française et devient un des harkis les plus sanguinaires qu'a connu la guerre d'Algérie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2007
Nombre de lectures 440
EAN13 9782336255101
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296028067
EAN : 9782296028067
Histoire d'un berger de kabylie pendant la guerre d'Algérie

Ali Mebtouche
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Rue des Ecoles Chapitre I. Chapitre II. Chapitre III. Chapitre IV. Chapitre V. Chapitre VI. Chapitre VII. Chapitre VIII. Chapitre IX. Chapitre X. Chapitre XI. Chapitre XII.
Rue des Ecoles
Cette collection accueille des essais, d’un intérêt éditorial certain mais ne pouvant supporter de gros tirages et une diffusion large, celle-ci se faisant principalement par le biais des réseaux de l’auteur.
La collection Rue des Ecoles a pour principe l’édition de tous travaux personnels, venus de tous horizons : historique, philosophique, politique, etc.

Déjà parus
Maryse VUILLERMET, Et toi, ton pays, il est où ? , 2006.
Ahmed KHIREDDINE, Rocher de sel. Vie de l’écrivain Mohamed Bencherif , 2006.
Pierre ESPERBÉ, La presse : à croire ou à laisser , 2006.
Roger TINDILIERE, Les années glorieuses , 2006. Jacqueline et Philippe NUCHO-TROPLENT, Le moulin d’espérance , 2006.
Sylviane VAYABOURY, Rue Lallouette prolongée , 2006.
François CHAPUT, À corps et à cris , 2006.
Cédric TUIL, Recueil d’articles sur Madagascar , 2006.
Maguy VAUTIER, Vents de sable , 2006.
Olivier DOUAL, Impossible n’est pas africain , 2006.
Yves-Marie LAULAN, Un économiste sous les cocotiers , 2006.
Louis-Marie ORAIN, Le blé noir , 2006.
Chapitre I.
Chaban avait quinze ans lorsque son père fut emporté par la tuberculose, maladie incurable à l’époque. Il resta avec sa mère, ainsi qu’avec son frère cadet Méziane. Cette femme, nommée Fatima, était une femme exceptionnelle. Pendant qu’elle assurait le travail de la maison avec son jeune fils Méziane, son aîné, Chaban, travaillait comme berger chez un paysan du coin. Du matin au soir, il gardait le bétail ( lmal ) dans les champs et, pour gagner quelques bouchées de pain supplémentaires, tout en faisant paître son troupeau, il ramassait du bois et aidait les paysans aux travaux agricoles.

En hiver, Chaban était chargé de transporter sur le dos d’un âne, dans le froid glacial, et en passant par des sentiers très escarpés, des sacs d’olives fraîchement ramassées par la famille de son maître, pour les livrer quelques kilomètres plus loin dans une huilerie. En échange, le paysan accordait à sa mère quelques maigres rations de maïs, de blé et d’huile, tout juste de quoi survivre misérablement. Jamais d’argent liquide. C’était une sorte de troc. Comme tous les fils de pauvres à l’époque, Chaban avait un statut spécial : il était commis ( acherik ).
Mais lorsqu’il atteignit l’âge de dix-neuf ans, un autre destin vint frapper à sa porte. Comme tous les Algériens de son âge, les Français le sollicitèrent pour aller se battre et défendre la France en Indochine.
Ce jour-là, Chaban se trouvait en contrebas de son village, nommé Imkecherene (Imqecren), non loin de Tizi-Ouzou, capitale de la grande Kabylie, en train de faire paître le bétail de son maître, quand l’amine (représentant du village, élu par les hommes adultes) frappa à la porte de sa maison. Il venait remettre à sa mère une convocation délivrée par la gendarmerie nationale :
« C’est pour ton fils Chaban. Il doit se rendre à la gendarmerie de Tigzirt-sur-Mer le plus rapidement possible pour son service militaire, lui dit-il. »
La vieille Fatima prit dans sa main la convocation, puis elle l’observa très attentivement de ses yeux effarouchés. Elle ne savait pas lire le français, ni aucune autre langue, mais elle avait compris que ce bout de papier, là, dans sa main, allait peut-être la ruiner : « Qui va me nourrir, se disait-elle ? » Mais surtout, elle pensa à son fils qui allait partir en guerre au-delà des mers.
Quand elle eut retrouvé ses esprits, Fatima s’adressa au représentant de l’autorité française :
« Ah ! Sidi l’Amine ! Vous savez que je suis veuve et pauvre. Seul mon aîné travaille pour me nourrir, moi et mon autre enfant… Si vous l’emmenez à la guerre, comment ferons-nous pour survivre, ajouta Fatima en sanglots ?
- Je comprends bien votre situation, mais je n’y peux rien. Je ne fais que respecter les ordres du Caïd (l Qaïd). Il m’a chargé de te remettre cette convocation. Si tu veux faire une réclamation, va te plaindre auprès du représentant de la France M. le Caïd Aït Ali, à Boudjimaâ, lui répondit-il. »
Au temps des Français, les hommes de la tribu de Aït Ali du village de Tikobaïn étaient les plus puissants de la commune de Ouaguenoun. Dès l’arrivée des Français en Kabylie, vers l’année 1857, ces derniers désignèrent l’un de ces hommes comme administrateur, en lui attribuant le titre de Caïd, nom d’origine turque. Depuis lors, les Caïds se succédèrent au sein de la famille des Aït Ali. Ils représentaient, auprès de l’administration coloniale, une commune de trente mille habitants environ. Le Caïd et sa famille vivaient confortablement sans se soucier d’une population miséreuse. En plus d’une rétribution, fournie chaque mois par la France, le Caïd exigeait des pots-de-vin (tijuaâl) de la part de ses concitoyens et il recevait de la part de quelques nantis une quantité non négligeable de cadeaux. Pour obtenir une autorisation pour inscrire son fils dans la seule école de la commune, par exemple, il fallait lui offrir de l’huile d’olive, du miel, des perdrix (tissukrin) ou des lièvres (iwtal) fraîchement abattus. En 1954, lors de l’éclatement de la guerre d’indépendance, pour défendre leurs privilèges, une partie des hommes de la tribu des Aït Ali, dont le Caïd Ahmed Aït Ali, choisirent de se ranger du côté de la France…

Quand l’amine se fut éloigné de quelques mètres pour rentrer chez lui, la vieille Fatima poussa des cris déchirants qui résonnèrent jusqu’au village de la vallée d’en face nommé Aït Khelfats :
« Mon fils s’en va-t-en guerre ! (ay ammi ad irruh algira)  ! » Elle pensa soudain à tous ces Kabyles dont elle avait entendu parler, morts au combat pour la France pendant les deux dernières guerres mondiales. Quelques anciens du village, qui avaient eu la chance de revenir vivants, comme Hend Ou Saïd, ou Moh n Amar Kaci, racontaient souvent l’enfer qu’ils avaient vécu sur les champs de bataille…
Pour l’instant, Chaban se trouvait en contrebas de son village, en train de faire paître ses animaux : une paire de bœufs, des moutons et des chèvres, dans l’immense plaine dite Azzaghar, traversée par une grande rivière qui sépare deux montagnes et qui jette son torrent dans celui de l’Oued Sibaou. C’est par ici que Chaban passerait, à pied, pour aller à son rendez-vous à la gendarmerie. Depuis son village, il devrait marcher une journée entière, aller et retour, pour se présenter aux autorités françaises. En grimpant la pente, de l’autre côté de la montagne, jusqu’au sommet de la crête, l’œil distingue la mer Méditerranée, bordée par la ville de Tigzirt-sur-Mer. Avant d’arriver dans cette ville, alors administrée par les Français, on devait traverser le village de Chorfa, cerné par une forêt très dense, et dont les habitants étaient tous issus d’une confrérie religieuse. On les appelait « les marabouts de Sidi Boubkeur (imrabten n Sidi Bubkeur ) », ce dernier étant leur ascendant direct.

Avant même de rentrer chez lui, à la tombée de la nuit, Chaban savait ce qui l’attendait. Sur la place du village, des villageois l’avaient informé de l’événement. Soudain, il avait hâte d’arriver chez lui pour entendre la nouvelle de la bouche sa mère.
En quelques minutes, il parcourut les quelque trois cents mètres qui séparaient son domicile de la place du village. Pour lui, une issue venait de s’ouvrir devant ses yeux ! Il pouvait enfin fuir la misère de son village :
« Il vaut mieux aller à la guerre plutôt que de rester ici à faire l’esclave, se disait-il. »
Après avoir consolé sa mère en lui disant :
« De toute façon, je serai nourri, habillé, logé et mon solde du mois sera pour toi. », sa mère se calma. Durant toute la nuit, Chaban se retourna sous sa couverture étalée sur sol de sa maisonn

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