Histoires de départ, rêves de retour
124 pages
Français

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Histoires de départ, rêves de retour , livre ebook

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Description

Ce recueil est le cri d'une âme déchirée, par deux fois déracinée, de la Palestine terre de ses ancêtres d'abord et de la Syrie patrie de substitution. Sur un ton de poésie à la fois vif, cruel et délicieusement sensuel, cinq nouvelles racontent les tourments qui secouent le monde arabe d'aujourd'hui : les jeunes victimes de la guerre, la hantise de l'arrestation tapie dans l'ombre et les pressions sociales, les sous-sols des prisons politiques ... mais aussi la passion et l'amour, la puissance de l'espoir...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 51
EAN13 9782296931442
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Histoires de départ,
rêves de retour
Collection « Libre Parole »
dirigée par Ephrem-Isa Yousif
SADEK ABOU HAMED



Histoires de départ,
rêves de retour



Traduit de l’arabe par Sarah Rolfo




L’H ARMATTAN
© L’H ARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10702-1
EAN : 9782296107021

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Histoires de départ, rêves de retour
A Othman,
Un enfant entré en prison avant d’être en âge d’aller à l’école…
A lui qui veille sur sa petite sœur et détruit les barreaux de ses deux rêves :
Le retour et le départ

Un jour…
Lorsque je ressuscitai au pied d’un olivier, je soulevai les paupières pour parcourir le monde qui m’entourait, je ressentis une terrible ignorance et une peur profonde. Je me mis à tourner autour de l’arbre, puis d’un autre ; je sentais une joie débordante danser dans ma poitrine et sur mon visage. Au loin, j’aperçus un vaste fleuve miroiter tel une mer et je m’élançai vers lui. Je courus, mû par une vitesse incroyable. Lorsque je parvins à la berge, je sautai et je fus surpris par l’altitude que je prenais. Je m’élevai, m’élevai, je sentais deux ailes se déployer, deux ailes blanches, les miennes ! Je compris alors que j’avais atteint le paradis.
Un temps indéterminé passa. Je virevoltais au-dessus du gigantesque tableau à la recherche d’amis dans cette magnifique étendue. Je ne dis pas que je m’ennuyais mais j’ai pensé que le bonheur qui ne me quittait pas serait sans doute plus beau si je le partageais avec d’autres. Dans mon cœur, une voix lointaine me rappelait une ancienne soif d’amitié.
Ce n’est pas moi qui les trouvai mais eux, qui m’aperçurent tournoyant dans le ciel à leur recherche. Ils me suivirent formant une nuée derrière moi et chantèrent de leur douce voix. Et quelle allégresse enveloppa mon corps comme du duvet ! Je rebroussai chemin et me joignis à eux. Nous volâmes un temps ensemble, chantant pour tout ce qui est rond et tout en courbes, grand ou petit, même le ver nous ne l’oubliâmes pas. Nous étions tous des enfants. Il paraît qu’avant le jugement dernier, le paradis n’accepte qu’eux. Et nous, à qui le monde n’avait pas accordé d’interminables années, nous étions honorés d’une vie plus longue dans l’au-delà. Lorsque nous nous sommes posés dans une prairie de fleurs, nous avons déployé nos ailes pour leur faire respirer la lumière du soleil. Nous étions devenus amis avant d’avoir prononcé un seul mot.
Un jour, quelques-uns d’entre nous se rassemblèrent et une discussion, que nous n’avions commencée que pour le plaisir, raviva en nous les souvenirs. Comme le paradis n’accepte pas les secrets, les discussions de l’assemblée se propagèrent, et bientôt tout le monde s’était joint à nous. Nous ne nous rap pelons pas qui a prononcé le mot « souvenirs ». Tout a changé alors, c’était comme si nous vivions un accouchement, enfantant les souffles du passé les uns après les autres. Les histoires s’élevèrent de leurs tombes, la séance se prolongea, longtemps, longtemps, si longtemps que nous ne savions pas quand elle prendrait fin...

La mort aux portes
Voilà que je me souviens chers amis. Les événements du passé me parviennent tels des oiseaux revenant de leur migration. Je les ai aimés sans savoir s’ils représentaient toute ma vie sur terre, une partie seulement, ou plus.
Je vais vous conter mon histoire que je n’ai, jusqu’à aujourd’hui, confiée à personne, peut-être parce qu’elle n’a pas existé ou parce qu’elle a eu lieu lorsque je n’étais pas encore de ce monde.
Cela s’est passé sur une terre dont je ne me rappelle pas le nom, et qui ressemblait à laden sans l’être. Mon père me réveilla tôt, j’étais triste chaque fois que mon père me réveillait avant que je ne sois rassasié de sommeil. Je lui demandai ce qui se passait et il me répliqua que ce n’était pas le moment de parler. « Lève-toi, me dit-il, la mort est aux portes ». Il ne me dit pas quelles portes et ne m’expliqua pas pourquoi l’enfant de sept ans que j’étais devait fuir la mort. Il se mit à rassembler nos bagages éparpillés dans la maison tandis que ma mère m’enfilait vêtement sur vêtement à tel point que je faillis étouffer. « Maman, pourquoi tout ça ? » protestai-je. Elle me regarda, et je compris qu’elle avait passé la nuit en pleurs. À cette idée, j’éclatai en sanglots. Je n’avais plus envie de poser de questions…
Mon père enfourcha son âne, ma mère et moi un autre. Des paroles de mon père je compris que mes frères nous avaient précédés avec mes oncles. « Ton cœur aurait-il la force de voir tes enfants massacrés devant tes yeux comme cela s’est passé pour nos voisins ? N’aie-pas peur Badiaa, si les sages n’avaient pas juré sur leur honneur que nous reviendrions bientôt, expliqua-t-il à ma mère, je n’aurais pas quitté cette maison. »
Avant que nous ayons atteint la limite de notre petit village, le ciel explosa sous le fracas des balles. L’aurore se raidit de frayeur. Au son de ce bruit, mon père, ma mère et les deux ânes devinrent fous, et nous nous lançâmes dans une course contre un temps insaisissable. Quant à moi, je me mis à me lamenter à grands cris. Plus le sifflement des balles s’élevait, plus je hurlais, plus je pleurais. Mais je ne pus leur tenir tête plus longtemps, je me tus. Les balles continuèrent à déchirer l’aube.
Lorsque nous atteignîmes une petite colline, mon père regarda au loin et vit la traîne humaine de ceux qui étaient partis avant nous. « Nous sommes sauvés ! » dit-il, et il mourut. Une balle s’était logée dans sa tête. Je ne sus pas si elle lui était destinée ou pas. Je restai bouche bée de stupeur et d’ignorance. A cet instant, je crus que ma mère allait s’évanouir mais la mort de mon père l’avait rendue plus forte. Elle bondit vers lui telle une cavalière et lorsqu’elle se rendit compte que la balle s’était logée là où aucun retour en arrière n’était possible, elle nous fit regagner les abords de notre village. Elle me fit entrer dans la demeure de notre voisin sans demander la permission à ses propriétaires. Ensuite, elle souleva le couvercle du vieux puits. Elle me fit assoir sur un morceau de bois posé en travers de la margelle. « Mon fils, mon trésor, ne bouge pas d’ici. Attends mon retour, mon cœur. Ne bouge que lorsque je reviendrai ou que quelqu’un t’appellera par ton nom… Sois tranquille, je ne tarderai pas. Reste seulement à ta place », me dit-elle en m’embrassant de ses larmes, et elle referma le vieux puits...
Je n’avais jamais obéi à ma mère comme il le fallait. Chaque fois qu’elle me réprimandait ou me battait sévèrement, je me montrais soumis mais aussitôt, je lui désobéissais songeant instantanément à la manière dont j’enfreindrais ses recommandations. C’est pourquoi j’ai tout de suite pensé quitter le puits, surtout que le couvercle faisait pression sur ma tête et que les aspérités de la poutre en bois me dérangeaient. Pourtant, je n’ai pas transgressé la recommandation de ma mère car le temps n’était ni à la jovialité, ni à la controverse. Je demeurai à l’étroit à ma place dans l’attente du sauveur qui m’apporterait mon nom et m’emmènerait avec lui…
Je ne me souviens plus combien de temps j’ai attendu mais je me rappelle la faim qui me tenaillait l’estomac et la soif qui m’asséchait la langue. En réfléchissant, j’étais arrivé à la conclusion que celui qui avait abattu mon père ne mettrait pas longtemps à tuer ma mère aussi. Donc, le sauveur ne viendrait que dans une autre vie, là où je pensais que mes parents étaient partis.
Avec tant de peine que je faillis changer d’avis, je soulevai le couvercle en bois du puits et je me faufilai, tel un renard, dans la maison de notre voisin à la recherche de nourriture. Avant même d’avoir pu goûter au festin, j’entendis à nouveau le crépitement des balles. La peur m’envahit et se distilla en moi. Je me dis qu’il fallait que je pense à un moyen de me sauver mais mon esprit était incapable de réfléchir. Le fracas des balles reprit, et je me dirigeai vers la porte. Peut-être que je pourrais comprendre ce qui se passait. Avant d’y parvenir, j’entendis le bruit de pas s’approchant et je me dis que c’était la fin. Croyez-moi, je n’avais pas peur de la mort mais ne pouvant m’imaginer à quoi elle ressemblait, j’avais peur de la manière dont elle surviendrait. La gifle d’un adulte me semblait bien plus terrible…
Je m’empressai de me cacher der

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