Jovis
208 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Les couleurs du temps se transforment quand Jovis enroule ses mains en longue-vue et observe le monde. Homme de coeur, proche de la nature, il initie son petit-fils à sa vision de la vie. Devenu reporter, Thomas utilise ce précieux héritage avec plus ou moins de bonheur sous le regard bienveillant d'un passeur de vie. Récit sur l'apprentissage chaotique de la vie, vibration poétique sur les détails du quotidien, Jovis se déroule entre Bordeaux, le Sud-Ouest, Les Pyrénées, Le Larzac, l'Afrique Noire, la Guyane et les Cyclades.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 61
EAN13 9782296929388
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JOVIS
Pierre Pommier


JOVIS


roman


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattanl@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09848-0
EAN : 9782296098480

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A mes filles
Véronique et Nathalie
Prologue
L ’écho d’un fracas métallique ricoche sur l’aiguille de Jupiter. Un éclair zèbre le ciel. La foudre s’engouffre dans une excavation du pic, ressort en spirale de feu, continue sa course folle sur les pentes abruptes.

Un homme sort de l’anfractuosité, un sac de randonneur sur le dos. La démarche souple, le regard singulier, il semble appartenir à un autre monde.

Le silence reste le maître des lieux. Seuls résonnent le crissement des chaussures de l’homme dans la neige et les notes surettes d’un oiseau des cimes.

Le randonneur quitte un paysage de brillance et s’enfonce dans la pénombre de la forêt. Le silence abandonne sa souveraineté, se colore du froissement des feuilles, du ruissellement des gaves, du chant des oiseaux en jacasserie. Résonnent la circulation des véhicules, les cloches d’un village, le passage d’un train.

L’homme laisse le sentier forestier, rejoint la route, découvre un attroupement de curieux. Deux voitures se sont percutées de plein fouet, elles sont dans le fossé. Il s’approche du cercle des badauds. Les commentaires vont bon train et les conjectures les plus fantasques s’échangent sur l’accident et ses conséquences.

L’homme s’apprête à poursuivre son chemin quand il remarque une photo qui brille dans la mousse. En noir et blanc, format six huit, elle représente un vieil homme assis à une table de ferme. Calme et jovial, une bouffarde à la main, il lit un journal. Assis en face de lui, un jeune homme le regarde au bout de ses mains enroulées en longue-vue. Quelques mots écrits au dos de la photo situent le lieu et l’époque : « Jovis et Thomas. Les Coquelicots. 1985 ».

L’homme montre la photo à un témoin de l’accident qui lui indique un village où il pourra en savoir plus.

En chemin, il respire l’odeur parfumée des jacinthes bleues qui poussent au bord de la route.

La maison se trouve au centre du village, juste à côté de l’église, une belle demeure en pierres avec un toit pentu recouvert d’ardoises du pays. L’homme agite la clochette du portail. Un chien aboie dans le proche cimetière.

Quelqu’un de haute stature, au visage cordial, s’approche de la grille. L’homme montre la photo au maître des lieux qui le conduit dans un jardin recouvert d’herbe verte fraîchement coupée. La vue qui s’offre au regard dévoile la majesté des chaînes pyrénéennes où se dresse le Montaigu, surmonté de sa calotte de neige

Sous un tilleul centenaire, une femme est assise. Les traits tirés, le visage enflé, elle a le teint pâle. Le maître des lieux lui caresse les cheveux en lui parlant à l’oreille. Elle tourne un regard d’une langueur indicible vers le randonneur qui lui tend la photo.

Elle glisse les doigts sur les contours crénelés de la photo et ferme les yeux. Dans les prés verdoyants de la vallée, résonnent les clarines des bovins en pâture. La brise fait onduler les longs cheveux noirs de la femme. Des larmes coulent sur ses joues.

Elle finit par endiguer ses pleurs et regarde l’homme comme s’il ne lui était pas étranger, comme s’ils se connaissaient, d’ailleurs, sans se reconnaître.

Des mots sortent soudain. Vifs et nerveux dans un premier temps, plus calmes ensuite.

La femme raconte l’histoire de la photo. Des gestes accompagnent ses paroles, des silences ponctuent le récit. De temps à autre, elle s’arrête de parler pour porter un regard interrogateur vers le randonneur.
Première partie
Chapitre 1
L e nez collé à la vitre de l’autorail, Thomas embellissait la campagne, les champs, les villages, les maisons. Dans les petites gares où s’arrêtait le train, l’enfant accrochait des sourires aux visages des voyageurs. Le ciel, tacheté de nuages translucides, le ramenait en permanence aux récits de Jovis, un homme bon, simple et jovial, son grand-père. Il allait le voir chaque fois que survenaient les vacances.
Généralement, la grand-mère de Thomas l’attendait sur le quai, à Libourne. Chaque fois, avant même d’embrasser son petit-fils à la descente du train, elle inspectait sa tenue, jetait un œil sur ses lacets, ajustait le col de l’enfant. Cette traditionnelle vérification, accompagnée d’un regard mécanique, précipitait chez Thomas son désir de revoir Jovis.
Jovis, lui, ne regardait ni les lacets, ni le col. Il fixait les yeux de l’enfant, bourrait sa pipe et c’était parti pour des récits, des rires, des fables. Le fantastique et le quotidien.
C’est ça le monde, petit… Le paysage, les plantes, les animaux, les villages, les gens… Regarde bien autour de toi. Remplis-toi de la vie.
Jovis enroulait ses mains, formait une longue-vue et décrivait à Thomas un paysage transformé, embelli. Nanti de ses deux diplômes dont il était si fier, le certificat d’études et le permis de chasse, Jovis avait une certitude : « les deux bienfaits de la vie sont l’humour et le sourire », « les deux méfaits sont le pouvoir et l’argent ». Ces idéaux, érigés en absolu, émaillaient les récits qu’il faisait à Thomas.
Au fil des ans, Thomas imitait son grand-père, enroulait ses mains, formait une « lunette Jovis », dépeignait des objets, des gens et des animaux qui étaient le pur produit de son imagination.
Une forte complicité s’installa entre Thomas et Jovis. Tous deux communiaient aux vibrations des éléments du quotidien, comme autant de poussières d’éternité.
Jovis commença sa vie professionnelle comme wattman à Bordeaux. Il parlait souvent des usagers qu’il voyait tous les jours et dont il devenait le confident. Il leur laissait évider l’écheveau de leurs joies, de leurs peines, de leurs désillusions. Jovis n’était jamais avare de conseils… parfois décalés, mais toujours réconfortants.
Certaines de ces histoires marquèrent Thomas, surtout celle de ce boucher milliardaire. Un jour, l’artisan joua à la loterie nationale les chiffres de la date anniversaire de Louise, sa femme. De façon distraite, le boucher écouta le résultat à la radio. Il venait de gagner le gros lot et fut invité au siège social de la loterie nationale à Paris avec sa femme et sa fille. Louise, superstitieuse, n’avait pas voulu accompagner son mari. Elle lui avait simplement recommandé de déposer le chèque dans une banque de la capitale, sur leur compte commun, au cas où des personnes mal intentionnées seraient tentées de le voler.
Au restaurant où il avait été invité, après la remise du chèque, le boucher remarquait, embarrassé, tous ces gens qui s’affairaient comme des fourmis autour de lui. Cela lui coupa l’appétit. Les autres clients le dévisageaient avec un mélange d’envie et de dédain. Ce monde, décidément, n’était pas le sien. Emprunté, maladroit, il ne savait pas comment jongler avec tous ces couverts, couteaux, fourchettes et assiettes. Les vins étaient excellents. Il les connaissait. Mais il n’avait pas remarqué qu’un serveur restait à l’affût derrière lui, afin que son verre ne soit jamais vide. Cela eut quelques conséquences sur sa façon de sortir du restaurant.
Le boucher reprit le train de nuit en mettant le chèque dans son slip. Quand il arriva à Bordeaux, au petit matin, point de femme ni de fille. Mais, la maréchaussée. Menotté, il dut s’asseoir dans le fourgon cellulaire.
Persuadée que son mari avait déposé le chèque dans une banque parisienne, sur le compte commun, sa femme l’avait aussitôt dénoncé comme pervers sexuel, coupable du viol de leur fille de douze ans.
Arrivé à la prison de Bordeaux, le boucher, hébété, fut fouillé de fond en comble. Stupéfaits, les gardiens découvrirent le chèque et, de ce fait, la duperie de sa femme. Elle fut sévèrement condamnée. Son mari lui rendait souvent visite. Quant au chèque, il l’avait donné aux petits frères des pauvres. Quand Louise sortit de prison, elle demanda le divorce.
Jovis raconta cette histoire à Thomas, un soir d’été, après une journée de chaleur. Une nuée de moucherons tournoyait sous le tilleul, dans les volutes de fumée.
Tu vois, petit, la vie ne suit pas une ligne droite, mais des pleins et des déliés.
Le boucher reprit chaque jour le tram et le cours de sa vie. Il n’en voulait pas à celle qui avait sali son honneur. Elle appartenait à un monde qui n’était pas le sien. Il l’y laissa.
Un samedi sur deux, il amen

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