Jusqu'à ce que la vie...

Alain Becquet

Description

C'est la rencontre entre deux hommes que tout oppose. Ils échangent, se parlent et sympathisent.
Leur cinquantaine dépassée les fait se retourner sur leurs parcours, évoquer leurs itinéraires respectifs, prendre la mesure des illusions perdues et de celles qui perdurent. Le courant passe et ce moment est une parenthèse qui va, de toute manière, vite se refermer. Alors pourquoi ne pas se confier à cet inconnu que jamais l'on ne reverra ?

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Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 05 novembre 2018
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782140104572
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

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Alain Becquet

Jusqu’à ce que la vie… Roman

/ Littérature

Rue des Écoles

JUSQU ’ À CE QUE LA VIE …

Rue des Écoles La collection « Rue des Écoles » est dédiée à l’édition de travaux personnels, venus de tous horizons : historique, philosophique, politique, etc. Elle accueille également des œuvres de fiction (romans) et des textes autobiographiques. Déjà parus

Mencès (Marianne),Les exils contrariés, 2018. Brun (Olivia),L’enfant de la guerre, récit, 2018. Cazaux-Ribère (Pierre),Les fantômes de la rue Bab Azoun, roman, 2018. Andréa (Elis)Les gens de nulle part, nouvelles, 2018. Baltazar (Nicolas),À la recherche de Georges,récit, 2018. Descendre (Jean-Pierre),Je n’étais pas né Français, récit, 2018. Sana (Valérie),L’envol ou de l’union sacrée des cœurs, roman, 2018. Icart-Barat (Sylvie),Bleu Garance, roman, 2018. Murice (Patrice),Quand les loups sortent de la ville, roman, 2018. Sorin (Olivier),Les parallèles finissent toujours par se croiser, roman, 2018. Fernandes (Aurore),La couleur des repentirs, récit, 2018. Geai (Olivier),De la cité au Galibier,roman, 2018.  Ces douze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.editions-harmattan.fr

Alain Becquet Jusqu’à ce que la vie… Roman

© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-15877-8 EAN : 9782343158778

Jeudi 23 octobre 2008 – 9 h 30 –ans et je suis mort il y a septJe m’appelle Christian Rival, j’ai 53 mois. Je n’ai pas pu m’en empêcher, j’ai fait le cabot. Bien sûr, tout le monde m’a regardé avec un drôle d’air et j’ai vu l’animatrice du stage, une jeune femme prénommée Séverine, dans les trente ans à vue de nez, pâlir quelque peu, sourire mécaniquement et commencer à bredouiller : – Voyons, c’est un peu exagéré, une perte d’emploi n’est… Je l’ai interrompue avec un large sourire en étendant la main pour lui signifier gentiment de se taire : – Quand je dis « Je suis mort », c’est parce que les licenciements chez nous se passaient dans une pièce qu’on appelait le « placard » parce qu’elle n’avait pas de fenêtre, c’était un ancien débarras réaménagé, bref… et notre vieux comptable maison, un Alsacien pur jus m’avait dit quelque temps avant que c’est mon tour, parce que je n’étais pas le premier : « Si tu es convoqué là-haut, tu sais, dans la chambre noire, quand t’en ressors, t’es mort ». Mon imitation de l’accent alsacien de Monsieur Hummel était censée produire son petit effet mais elle tomba à plat ou presque ; deux ou trois stagiaires esquissèrent un sourire dont il était difficile de dire s’il était poli ou vraiment amusé. Je me résignai à poursuivre en déclinant un rapide curriculum vitae :

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– Bref, je suis marié, j’ai deux grands enfants et j’étais directeur commercial pour une usine chimique qui fabrique des produits d’entretien de collectivités. C’était le boulot d’une vie puisque j’ai été embauché comme commercial il y a… vingt-huit ans et que j’ai pratiquement recruté, formé et mis en place toutes les équipes françaises à l’exception du secteur Paris Île-de-France. Et j’ai abrégé, à la fois parce que j’ai pensé à toi en disant : «Je suis marié» et parce que je n’avais plus envie de faire le pitre. – L’usine a été rachetée par une énorme firme américaine qui s’appelle la Net Industry Chemical, un nom que tout le monde ignore mais dont les marques commerciales sont connues partout et… j’ai fait partie de la charrette des restructurations. Voilà. Voilà ! C’est ainsi que l’on peut résumer la chose en quelques secondes et soulager Dame Séverine, animatrice au strict tailleur anthracite, chemise blanche à large col et jupe assortie, desdigressions inappropriées d’un stagiaire fantasque. J’étais le quatrième à prendre la parole, quatre sur huit en tout dont une femme. J’ai écouté distraitement la présentation des trois premiers, un comptable dont la boîte avait été délocalisée en Chine, un directeur d’hyper remercié après que la chaîne ait été rachetée et l’unique représentante féminine du groupe dont je ne me souviens déjà plus de la fonction précédente. Taille moyenne, un peu empâtée, ni jolie ni laide, large paire de lunettes qui lui bouffent le visage, une voix douce qui transpire la lassitude. Quelle équipe disparate ! Tous cadres bien sûr, tous sur le carreau, tous espérant que le stage va leur permettre de mieux se vendre ensuite à un futur employeur. Misère, c’est moi qui suis là ? Qu’est-ce que je fous là ?

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« Faire le point pour rebondir après une perte d’emploi ».Stage destiné aux cadres et cadres sup, organisé par l’ APEC . J’ai failli mettre le courrier à la poubelle puis un truc a attiré mon attention, le lieu : hôtel Ibis, zone de la Plaine à P. Souvenirs, souvenirs… Si je connais cet hôtel ! Je le connais depuis pratiquement sa construction, il m’a servi de QG vingt ans pour y pendant loger d’abord, tenir des réunions de recrutements ensuite, animer des stages quand les équipes ont été équilibrées et y venir un peu trop souvent, plus qu’il n’aurait été nécessaire, ces trois dernières années, parce que… parce que Marianne, bien sûr. Sept ou huit mois que je n’y ai mis les pieds, depuis ma « mort » symbolique, ce fameux 3 mars 2008 que je ne suis pas près d’oublier. Alors j’ai laissé traîner le courrier sur la table de la cuisine, tu l’as trouvé et tu m’as dit : – Tu y vas ? – Qu’est-ce que tu veux que j’aille foutre à ce genre de stage ? – Te changer les idées, voir du monde, te bouger un peu ! J’ai senti ton air agacé. Tu as souvent eu l’air agacé ces dernières semaines, à me voir traîner dans la maison, souvent pas rasé, parfois de mauvaise humeur. Un jour, un matin avant de partir au cabinet, tu as mis les points sur les « i » : – Christian, Net-Chim c’est fini, terminé, out, tourne la page, tu peux faire mille choses. J’ai dit : – Oui, j’y pense, il n’y a pas le feu.

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