L Ange de tes yeux
242 pages
Français

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L'Ange de tes yeux , livre ebook

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Description

A la suite d'un accident de ski, Jenny, opérée des yeux, change de regard sur les autres et sur elle-même. En quête d'un père qu'elle n'a pas connu, elle décide, malgré son handicap, de partir à sa recherche en Égypte où elle pense qu'il a trouvé refuge. Au fil des rencontres, sa vie prendra enfin tout son sens...

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312039404
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Ange de tes yeux
Marie Hermant
L’Ange de tes yeux
Roman













LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
« Le rêve est une seconde vie »
Gérard de Nerval

































© Les Éditions du Net, 2015 ISBN : 978-2-312-03940-4
Première partie
L’I NCONSOLÉ

I
J’ai toujours aimé Jenny. Je la connais depuis qu’elle est petite. Tout ce que je sais, c’est elle qui me l’a raconté. Mon imagination a brodé le reste. Elle m’a demandé d’écrire pour que l’on se souvienne de son fils : « Je suis sûre qu’il me guidera, c’est l’ange de mes yeux. »
Tout a commencé à Chamonix, en haut d’une piste noire, un matin glacé de décembre. Tandis que mon stylo glisse sur la page blanche, il me semble entendre le crissement de la neige et le murmure du vent dans ses cheveux. Je la vois toute seule, immobile entre ciel et terre. Minuscule au milieu de l’immensité, elle contemple les sommets qui l’enserrent. Des larmes de froid coulent au coin de ses yeux verts. Au-dessus d’elle, un unique nuage, tracé d’un coup de pinceau précis, projette une ombre sur la pente abrupte. Le temps est suspendu. John, l’homme qu’elle aimait, s’est élancé sans attendre qu’elle ait fini de chausser ses skis. Elle admire le style de cet acrobate aux cheveux scintillants qui bondit d’une bosse à l’autre, jouissant de sa souplesse et de sa force. Son corps de sportif se contracte et se détend comme un ressort. Tel un voilier virant de bord, il dessine des vagues sur la poudreuse immaculée. Ses skis calligraphient de fines traces sur la neige vierge. Il n’est déjà plus qu’un point au bas du champ de bosses et Jenny regrette d’avoir tardé à le suivre. Plus elle attend, plus son appréhension augmente. Il finira bien par l’attendre, espère-t-elle. La jeune femme n’arrive pas à se décider. La piste des Chamois noirs est beaucoup trop difficile. Elle avait exprimé ses réticences mais John lui avait assuré qu’elle avait le niveau. Comment lui résister ? Il est tellement persuasif. Elle s’en veut de n’avoir pas refusé. Maintenant c’est trop tard, elle doit le rejoindre. Les genoux tremblants, elle s’applique à effectuer chaque virage. A travers ses yeux embués, les bosses déformées paraissent encore plus grosses. Quelle idiote ! Elle ne pouvait pas lui dire non pour une fois ? Il faut donc toujours lui céder ! Ce n’est plus de l’amour, cette histoire, c’est de la tyrannie ! Si tout se passe comme il veut, monsieur est satisfait et de bonne humeur. Sinon, il boude. Et moi qui lui obéis comme un chien ! fulmine-t-elle.
Le sang bourdonne dans ses tempes. Elle skie trop lentement. Il est capable de ne pas l’attendre et, sans lui, elle sera perdue. Elle ne connaît pas la station des Grands Montets et c’est lui qui a le plan des pistes. La panique s’empare d’elle. Elle se penche pour foncer tout schuss. Le sol se dérobe. Elle voltige dans les airs, retombe sur la piste gelée et dévale la pente à toute allure sur le dos. Son crâne se cogne contre les bosses glacées. Un voile noir endeuille ses yeux.
Au troisième étage de l’hôpital des Quinze-Vingts, Jenny dort, les paupières recouvertes de compresses blanches. Tandis que le Génie de la Liberté en bronze doré s’illumine au sommet de la Colonne de Juillet et qu’à l’Opéra Bastille, le rideau s’ouvre sur le décor de La Flûte enchantée de Mozart, il fait nuit derrière les bandelettes qui, en comprimant ses globes oculaires, font surgir d’étranges visions, des anges aux grandes ailes argentées puis un prophète en djellaba blanche. Les volutes du narguilé qu’il fume dessinent des arabesques et des lettres brillantes en écriture arabe. L’anesthésie l’a transformée en une belle au bois dormant. Après un siècle de sommeil, elle tente d’ouvrir ses yeux scellés. A son réveil, le prince charmant est absent.
Sur l’écran de sa mémoire, le film des événements repasse en boucle : l’accident, le transfert en hélicoptère à l’hôpital de Chamonix, la remontée vers Paris en ambulance, l’opération en urgence. Sur le chariot cliquetant poussé sans ménagement dans l’ascenseur, elle claquait des dents et tremblait comme un animal qu’on emmène à l’abattoir. Pendant que le chirurgien recollait minutieusement les parcelles déchirées de ses rétines, elle rêvait dans un royaume de glace. Cette fois, elle descendait la piste noire sans tomber et rejoignait John. Il la serrait contre elle, riait en lui montrant la pente et son rire effaçait jusqu’au danger. Il faisait fondre sa peur et sa rancune. Son baiser brûlant la réchauffait jusqu’au ventre. Elle riait avec lui, persuadée qu’elle s’était effrayée pour rien, heureuse de se sentir vivante, illuminée par l’or qu’il déversait de ses yeux de mensonge.
Jenny tente de soulever ses paupières. Si seulement elle pouvait apercevoir ne serait-ce qu’une lumière. Elle se souvient de la main que le chirurgien a posé sur elle dans la salle de réveil pour la rassurer. Elle avait ressenti sa chaleur, sa fatigue aussi. Est-ce que désormais elle sentirait les autres au lieu de les voir ? Et John, où avait-il disparu ? Pourquoi n’était-il pas là ? Durant le trajet en ambulance entre Chamonix et Paris, il n’avait pas desserré les dents, furieux d’avoir dû écourter son séjour aux sports d’hiver. Et dire qu’elle avait failli se tuer pour ne pas lui causer de frustration ! Si elle s’imaginait qu’il allait perdre son temps à jouer les garde-malades… Ne plus penser à lui, ne penser à rien. S’arracher le cerveau et le jeter à terre.
Le temps s’est arrêté. Dans trois jours et trois nuits, le docteur Kreutzer lui ôtera ses pansements. Allongée sur le dos, immobile, les paupières closes, Jenny n’attend rien. Personne n’a été prévenu. Elle préfère traverser seule cet incident et reparaître ensuite auréolée de la gloire des rescapés. John n’aura pas le courage de venir à son chevet, elle le pressent. Leur histoire d’amour n’aura duré que trois ans. Il parait que c’est la norme. Elle aurait dû se douter qu’il la jetterait comme il jetait ses assiettes à peine ébréchées. Lorsqu’il était venu chez elle dans son petit deux-pièces, près de la place de la Bastille, il s’était étonné qu’elle ait acheté de la vaisselle dépareillée dans des brocantes simplement pour les jolis motifs anciens peints sur la porcelaine et qu’elle ait récupéré des meubles sur le trottoir. Lorsqu’elle séjournait chez lui, elle était stressée à l’idée d’abîmer quoi que ce soit dans son appartement de Manhattan décoré par un designer en vogue. A force de faire attention à tout, elle en devenait incroyablement maladroite. Une fois, elle avait laissé échapper sa tasse pleine de café qui avait maculé de taches imperceptibles l’épais tapis noir du salon, déclenchant la colère froide et silencieuse de John. Une autre fois, en voulant cuisiner avec lui dans sa cuisine ultramoderne, elle avait rayé l’émail de l’évier. Il ne lui avait plus adressé la parole de tout le dîner tout en se montrant aimable et spirituel avec ses amis. Pour son apparence, c’était la même chose, il lui fallait être impeccable. Surtout, ne pas grossir ! Ils avaient fêté ensemble les trente ans de John, trop mangé, bu du champagne et dansé jusqu’à l’aube. Le lendemain, il s’était pesé et n’avait rien avalé de la journée. Lui qui ne supportait pas la moindre éraflure sur un meuble, comment pourrait-il l’aimer si elle restait handicapée ? Aussi dure que soit cette pensée, elle la tourne et la retourne dans son esprit. Sa lucidité lui procure un étrange soulagement. A présent qu’elle ne voit plus rien, la réalité lui apparaît nettement.
Quand leur histoire a-t-elle cessé d’être un enchantement ? Quand a-t-il commencé à la déstabiliser ? Quand a-t-il exigé pour la première fois qu’elle se change trois ou quatre fois avant qu’il la juge enfin présentable pour ses amis ? La première année, il lui répétait qu’elle était magnifique et, soudain, ce soir-là, le soir de son anniversaire, aucune tenue ne trouvait grâce à ses yeux. Il n’av

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