L écriture d Amin Maalouf à la lisière de deux langues
390 pages
Français

L'écriture d'Amin Maalouf à la lisière de deux langues , livre ebook

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390 pages
Français

Description

Cette étude se penche sur la question du métissage linguistique et notamment sur le bilinguisme récurrent dans les ouvrages d'Amin Maalouf. Il met l'accent sur la complexité et l'intérêt de certains aspects linguistiques, stylistiques et sociolinguistiques des emprunts qui figurent dans huit romans de Maalouf. Pourquoi ce dernier a-t-il choisi de s'exprimer en français sans renier sa langue maternelle ? Comment assumer une identité et une appartenance perdues du fait de ce pluriculturalisme ?

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Informations

Publié par
Date de parution 15 mars 2017
Nombre de lectures 33
EAN13 9782140031977
Langue Français
Poids de l'ouvrage 30 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

concret à l’abstrait et engendrant un langage uctuant, une mutation
emprunts qui Igurent dans huit romans de Maalouf.
Les romans donnent une réponse à ce conit, celle d’une double citoyenneté assumée et, pourquoi pas, de la déInition de l’homme
Màyà Khaled
L’ÉCRITURE D’AMIN MAALOUF À LA LISIÈRE DE DEUX LANGUES
UnE àpprocHE pLuriDiscipLinàirE
À LA LISIÈRE DE DEUX LANGUES
L’ÉCRITURE D’AMIN MAALOUF
À LA LISIÈRE DE DEUX LANGUES
CollectionHistoire, Textes, Sociétésdirigée par Monique Clavel-Lévêque et Laure Lévêque
Pour questionner l'inscription du sujet social dans l'histoire, cette collection accueille des recherches très largement ouvertes tant dans la diachronie que dans les champs du savoir. L'objet affiché est d'explorer comment un ensemble de référents a pu structurer dans sa dynamique un rapport au monde. Dans la variété des sources – écrites ou orales –, elle se veut le lieu d'une enquête sur la mémoire, ses fondements, ses opérations de construction, ses refoulements aussi, ses modalités concrètes d'expression dans l'imaginaire, singulier ou collectif. Déjà parus Laure Lévêque, Philippe Bonfils, Yusuf Kocoglu, Thierry Santolini, Delphine van Hoorebeke,Les échanges dans l’espace euro-méditerranéen. Formes et dynamiques, 2016. Daniel Faivre,De l’acte fondateur au mythe de fondation.Une approche pluridisciplinaire, 2016. Laure Lévêque, Philippe Bonfils, Yusuf Kocoglu, thierry Santolini, Delphine van Hoorebeke (dir.),L’espace euro-méditerranéen entre conflits et métissages. Rencontres, échanges, représentations, 2015. Marie-Claude L’Huillier et Anne Jollet (dir.),Guerre et paix. Troisièmes rencontres d’Histoire critique, 2015. Antoine Casanova,Figures de Dieu, entre masculin et féminin : la longue marche, 2015. Monique Clavel-Lévêque,Autour de la Domitienne. Genèse et identité du Biterrois gallo-romain, 2014. Enrique Fernández Domingo, Xavier Tabet (textes réunis et présentés par), e e Nation, identité et littérature en Europe et Amérique latine (XIX -XX siècles), 2013. Laure Lévêque (éditeur),Les voies de la création. Musique et littérature à l’épreuve de l’histoire, 2012. Sidonie Marchal (éditeur),Belfort et son territoire dans l’imaginaire républicain, 2012. Lydie Bodiou, Florence Gherchanoc, Valérie Huet, Véronique Mehl,Parures et artifices : le corps exposé dans l’Antiquité, 2011. Stève Sainlaude,Le gouvernement impérial et la guerre de Sécession (1861-1863),2011. Laure Lévêque (éditeur),Paysages de mémoire. Mémoire du paysage, 2006. Laure Lévêque (éditeur),Liens de mémoire. Genres, repères, imaginaires, 2006.
MayaKHALED
L’ÉCRITURE D’AMIN MAALOUF
À LA LISIÈRE DE DEUX LANGUES
Une approche pluridisciplinaire
À la mémoire de mon père…
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-11296-1 EAN : 9782343112961
INTRODUCTION
 La notion de « bilinguisme » désigne l’usage de deux langues par un individu, par un groupe ou par un ensemble de populations sur un même territoire. Certains linguistes considèrent que les « vrais » bilingues sont aussi bien capables de s’exprimer dans une langue que dans l’autre et ont une connaissance identique des deux langues. D’autres pensent que l’utilisation correcte de phrases dans les deux langues pour la communication courante suffit pour les qualifier de « vrais » bilingues. L’emploi de mots appartenant à deux langues différentes peut se révéler parfois difficile dans la mesure où la complexité des processus de contact efface, par l’usure progressive, la définition et la présence de deux systèmes de communication distincts. Certaines difficultés langagières tendent ainsi à s’imposer : celle de la situation linguistique complexe et celle se rapportant au phénomène socio-culturel du pays dont il s’agit. Ce phénomène est fréquent dans les œuvres littéraires : certains écrivains choisissent de s’exprimer en français sans renier leur langue maternelle. Ce cas est très fréquent au Liban. Anis Abou Ghannam le mentionne dans son ouvrage intituléFarjallah Haïk,un romancier entre deux cultures: « Le bilinguisme est un phénomène bien enraciné dans l’histoire du Liban. Ses manifestations variées témoignent des changements qu ’il a subis au cours de son évolution et des influences qu ’il a exercées sur l’esprit des “usagers”, écrivains et locuteurs à la fois. L’influence la plus évidente semble celle qui s’est manifestée durant la e première moitié du XX siècle, en raison du développement des moyens de communication, des missions scolaires, des médias et de l’instauration du Mandat français. Ces différents facteurs ont contribué à la création de deux sortes de bilinguisme. Le bilinguisme qui s’actualise dans le domaine des affaires, des loisirs et des réceptions mondaines se distingue nettement de celui qui se réalise dans le style des écrivains libanais de langue française. Le premier varie entre l’emploi alterné de deux langues, l’une arabe, l’autre française, et leur usage simultané. Le second apparaît comme l’actualisation relativement consciente et volontaire, dans le 1 vocabulaire et la syntaxe, de ces deux langues » . L’objet de notre étude porte sur certains aspects linguistiques, stylistiques et socio-linguistiques des calques et des emprunts qui figurent dans e huit romans d’Amin Maalouf, écrivain libanais francophone du XX siècle :Les 2 3 4 5 Croisades vues par les Arabes,Léon l’Africain,Samarcande,Les Jardins de lumière,Le 6 7 1 Premier Siècle après Béatrice,Le Rocher de Tanios,Les Échelles du LevantetLe Périple 1 Anis ABOU GHANNAM,Farjallah Haïk,un romancier entre deux cultures, Beyrouth, 1992, p. 29. 2 Les Croisades vues par les Arabes, Paris, Jean-Claude Lattès, 1983. 3 ricainLéon l’Af , Paris, Jean-Claude Lattès, 1986. 4 Samarcande, Paris, Jean-Claude Lattès, 1988. 5 Les Jardins de lumière, Paris, Jean-Claude Lattès, 1991. 6 Le Premier Siècle après Béatrice,Paris, Grasset, 1992. 7 Le Rocher de Tanios,Paris, Grasset, 1993.
Maya Khaled
2 de Baldassare. L’origine du bilinguisme littéraire tient essentiellement au phénomène du contact des langues et des cultures, phénomène socio-linguistique qui reste toujours vivant au Liban. Tout d’abord, l’apprentissage de la langue française est une nécessité pour les Libanais puisque notre langue ne figure pas parmi les grandes langues de communication. Cet apprentissage se situe dans le cadre d’une éducation bilingue qu’imposent les réalités économiques, sociales et politiques. En plus de ce qu’implique ce bilinguisme comme ouverture sur le monde extérieur et comme enrichissement qu’engendre le contact avec d’autres cultures, une telle situation pose des problèmes linguistiques en passant d ’une communauté linguistique à une autre. En effet, nous remarquons actuellement dans le langage des enfants, des jeunes et des adultes aussi, un phénomène bizarre mais en même temps très original : un mélange de deux langues (arabe / français) ou de trois langues aussi (arabe / français / anglais). Donc, l’option pour un bilinguisme, voire un plurilinguisme parfois, découle de l’accélération du développement scientifique et technologique et des impératifs d’une réelle communication entre les peuples. Ensuite, les différentes étapes historiques qu’a connues le Liban ont favorisé la pénétration de la langue française qui s’est mêlée à la culture indigène du pays. Anis Abou Ghannam explique que « le bilinguisme arabe-français au Liban n’est pas un phénomène exclusif et subit. Il est le résultat d ’une longue e 3 évolution qui […] trouve sa forme actuelle à partir du XIX siècle » : e « Vers la fin du XIX siècle, le français devient “la langue prépondérante dans tout l’Orient”. Cette situation privilégiée sera consolidée sous le Mandat français (1920 – 1943) […]. Le français est élu comme outil de 4 communication et moyen d’expression » . Le bilinguisme, compris dans ce sens, est donc un phénomène socio -culturel de communication. Dans son ouvrageL’emprunt linguistique, Louis Deroy essaie d’expliquer le phénomène de l’emprunt : « Quand un groupe d’hommes parlant une langue définie se trouve en relation avec un autre groupe utilisant une langue distincte, il arrive presque toujours que des mots, des éléments grammaticaux, des significations s’introduisent d’un parler dans l’autre. Cette diversité des formes de l’emprunt justifie la définition suivante que je reprends, en la traduisant, à Vittore Pisani :l’emprunt est une f orme d’expression qu’une 5 communauté linguistique reçoit d’une autre communauté».
1 Les Échelles du Levant,Paris, Grasset, 1996. 2 Le Périple de Baldassare,Paris, Grasset, 2000. 3 Anis ABOU GHANNAM,op. cit., p. 8. 4 Ibid., p. 11. 5 Louis DEROY,L’emprunt linguistique, Paris, Les Belles Lettres, 1980, p. 18 8
L’écriture d’Amin Maalouf à la lisière de deux langues
Dans ce contexte bilingue, le français a pu conserver sa place privilégiée pour les raisons qu’on vient de citer, et il est arrivé à concurrencer l’arabe. Supposé être étranger, le français s’est transformé en langue « maternelle » pour certains écrivains libanais pour qui l’arabe est devenu langue « étrangère ». Cette situation particulière se révèle clairement dans les romans d’Amin Maalouf qui apparaissent truffés de calques et d’emprunts d’origines diverses : arabe, turque, persane et anglaise. La langue arabe, langue indigène de l’auteur, domine nettement les autres langues. Elle révèle un style marqué de couleurs orientales qui ne peuvent qu’impressionner le lecteur occidental. Amin Maalouf qui affirme, dansLes identités meurtrières, qu’il se situe à la frontière de l’arabe et du français, et qu’il peut y avoir interférence d’une langue sur l’autre, s’oppose à Julien Green (1900 – 1998) qui n’admet pas que l’on écrive dans deux langues, bien qu’il soit lui-même bilingue. Cet écrivain d’origine américaine employait le français en France et l’anglais aux États-Unis ; il dit que quand on écrit dans une langue, il ne peut pas y avoir interférence d’une langue sur l’autre. Il explicite cette nécessaire distinction dans son ouvrageLe langage et son double: « En juillet 40, arrivé en Amérique, j’eus l’idée d’écrire sur la France […]. J’écrivais en français […] quand, après dix pages, une pensée troublante me vint : “Qui publiera ces mots ?”. Je ne voyais pas d’éditeurs français publiant des livres français en Amérique. Alors je mis de côté ce que j’avais fait et recommençai le livre en anglais, mon intention étant de reprendre les mêmes mots, c’est-à-dire de me traduire moi-même. Là, l’inattendu arriva. […] Je m ’aperçus que j’écrivais un autre livre. […] En anglais, j’étais devenuquelqu’und’autre […] La ressemblance entre ce que j’écrivais maintenant en anglais et ce que j’avais écrit en français était si petite qu’on aurait pu douter que ce fût du même auteur. Cela m ’intrigua et m’intrigue toujours, mais en aucune façon ne m’a aidé à comprendre la relation entre la pensée et le langage, et même l’a rendue plus mystérieuse encore que je ne la croyais, mais j’ai compris beaucoup mieux le problème des écrivains étrangers qui doivent en quelque sorte renaître dans une langue qui 1 n’est pas la leur » . Nous tenterons, dans la mesure du possible, tout au long de cette étude, de tenir compte de l’aspect important des difficultés langagières qu’engendre le bilinguisme ou, d’une manière générale, le contact linguistique, et de décrire les faits linguistiques observés et recueillis sur les plans les plus importants de l’analyse linguistique, sémantique et socio-linguistique dans les huit romans de Maalouf, étudiés selon un ordre chronologique.  Malgré l’originalité du style et les prix qu’a obtenus Amin Maalouf (Prix Goncourt en 1993, Prix Prince des Asturies des Lettres en 2010, etc.), les articles et les études critiques sur ses romans sont très rares, surtout lorsqu’il s’agit d’études linguistiques et sémantiques. Nous pouvons nous demander pourquoi l’œuvre romanesque de Maalouf n’a pas fait l’objet d’une étude linguistique. Anis Abou Ghannam essaie d’expliquer cette situation : 1 Julien GREEN,Le langage et son double, Paris, Seuil, 1987, p. 161. 9
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