L été, le ciel et autres bonheurs
204 pages
Français

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L'été, le ciel et autres bonheurs , livre ebook

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Français

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Description

Par une belle nuit d'été, un thérapeute fatigué d'un long travail s'endort. Il rêve et rencontre des personnages énigmatiques, bien réels dans leur humanité et riches d'enseignements nouveaux pour le professionnel de la psyché. A son réveil, il ne sera plus jamais comme avant! Ce roman est un conte poétique et spirituel; il ouvre des portes et des fenêtres dans nos représentations de l'homme et de la vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 47
EAN13 9782296471245
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’ÉTÉ, LE CIEL
ET AUTRES BONHEURS
Bernard Chevalley


L’ÉTÉ, LE CIEL
ET AUTRES BONHEURS


Roman
Du même auteur

Essais
Meurs et deviens, psychothérapie et entretien pastoral,
Éditions du Centurion (épuisé), Paris 1992.
La pédagogie de Jésus, Éditions Desclée, Paris, 1992.
La foi en ses termes, nouvelles définitions des mots chrétiens,
Éditions Labor et Fides, Genève, 1992.

Roman
Nicodème, Éditions L’Harmattan, Paris, 1997

Conte
Dakington, Prince du monde à venir, en collaboration
Avec Mopélia Chevalley, Éditions Persée (épuisé), Paris, 2010.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55534-1
EAN : 9782296555341

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
À Anne et Serge Ginger, mes formateurs en Gestalt-thérapie.

À Élisabeth Kremer, ma formatrice en Approche centrée sur la Personne.


Je vous le dis : il faut avoir en soi-même quelques chaos pour engendrer une étoile qui danse.
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra


C’est toujours par un sommeil que les grandes choses commencent. C’est toujours par le plus petit côté que les grandes choses arrivent. Il y a peu d’événements dans une vie. Les guerres, les fêtes et tout ce qui fait du bruit ne sont pas des événements. L’événement est la vie qui survient dam une vie.
Christian Bobin, le Très-Bas
Prologue Le premier soir
D ès l’aube, le psychologue calé entre les bras de son fauteuil tendait l’oreille aux murmures de ses patients ou guettait la clarification de leurs chemins intérieurs. Il était soucieux que l’homme en peine modifie son regard sur sa souffrance. Lorsque celui-ci quittait ses tourments et se réconciliait avec lui-même, le thérapeute était au comble de la joie.
Par désir de solitude, il vivait retiré depuis plus de trente ans dans les montagnes de l’Ardèche. Sa demeure s’ouvrait sur un désert de bruyères, d’orchidées et de genêts odorants. Bâtie en pierres apparentes, elle s’ornait d’un toit de tuiles provençales et de fenêtres calibrées pour résister aux froidures de l’hiver. Solide, accueillante, elle ressemblait à son propriétaire : le praticien était rude comme son pays, et tendre et bon comme les pains qu’il cuisait au four ou les fruits de son verger.
Le soir, il aimait se reposer sur le seuil de son logis. En période hivernale, il y restait peu de temps, couvert de son manteau. En d’autres saisons, il s’attardait dans la tiédeur du couchant. Il évacuait de sa mémoire les embarras de ses clients. Il contemplait avec plaisir les cimes qui bornaient son horizon : leurs lignes bleutées lui suggéraient des merveilles par-delà leurs crêtes, des espaces invisibles et destinés à se dévoiler un jour, quand il cesserait son activité. Depuis trente ans, il rêvait d’explorer le monde. À demi dupe de son inclination au travail, il expliquait le retardement de son projet par la passion de son labeur.
Parfois, sa compagne Marielle le rejoignait sur le pas de la porte. Ils se tenaient côte à côte face à l’étendue du ciel et se contaient les détails de leur journée. Assis sur la pierre usée du seuil, ils décortiquaient une châtaigne, brisaient la coque d’une noix ou mordaient la pulpe d’une pomme, en admirant le soleil décliner derrière les monts.
Lui avait un corps plutôt maigre, des épaules fluettes sur un torse trapu, une tête à la romaine et des cheveux déjà gris. Ses yeux bleus brillaient derrière ses paupières plissées. Marielle se vêtait uniformément de jeans et de bustiers fleuris. Son visage souriait au bonheur qu’ils vivaient tous deux. Sa chevelure brune ondulait et le psychologue aimait la caresser comme une laine de brebis. Bien qu’elle avançât en âge, elle exerçait encore son métier de kinésithérapeute au fond d’une vallée proche de leur domicile. Certains soirs, ils se distrayaient des malheurs d’autrui en cultivant leur jardin, en projetant des fêtes avec leurs amis du voisinage et, régulièrement, en trayant les dix biquettes de leur troupeau qui paissaient à quelques pas de leur demeure.
L’intense activité professionnelle du thérapeute fut, à n’en pas douter, la cause du désastre qui le guettait depuis longtemps.
Il est de fait qu’il travaillait trop. Le psychopraticien recevait dix à douze personnes quotidiennement, auxquelles il consacrait cinquante minutes de son art et de sa science. Il dépensait à la tâche une énergie que son organisme ne renouvelait pas à proportion de ses dons. Marielle constatait tous les jours sa fatigue. Elle s’alarmait de ses yeux las, de ses mains qui tremblaient, de ses soupirs.
Tu devrais te reposer, lui disait-elle souvent.
Plus tard ! répondait-il d’un air bougon.
Florian, plus tard, ce sera jamais…
Il ne voulait rien entendre. Il haussait les épaules, signifiant que la fatigue lui importait peu.
Alors, dans l’intérêt de tes clients, pars ne serait-ce qu’une semaine ou deux, suppliait Marielle. Va au-delà des montagnes, comme tu en rêves depuis toujours. Je garderai la maison. Je veillerai sur les bêtes. Je répondrai au téléphone.
Je sais, grondait-il.
D’ailleurs, si tu pars, tu me téléphoneras ou plutôt, tu m’écriras puisque tu aimes écrire. Mais je t’en prie, prends un moment pour toi…
Puis, un soir, le psychologue se sentit encore plus las que d’habitude. Par un beau crépuscule de juin, il recevait son avant-dernier client. Marielle n’était pas au logis : une fois par semaine, elle travaillait en nocturne.
La patiente qu’il accueillait à cette heure avancée était une personne anxieuse que Florian accompagnait depuis près d’un an. De l’avis du thérapeute, l’angoisse de cette femme n’avait rien de particulier. Néanmoins, ce soir-là, le praticien avisé qu’il était commit une erreur : il ne sut pas se protéger d’une contamination fulgurante.
Sa patiente lui décrivait avec efforts et larmes les rapports qu’elle entretenait à son Dieu : « Suis-je folle ? soupirait-elle, assise de travers sur le bord de son siège. Je veux le savoir, moi que la Providence gratifie de son regard… Ah, monsieur, monsieur, il n’est pire péché que de vouloir sauver son âme, la mettre au-dessus du pourceau que nous sommes… et je meurs si Dieu ne la sauve ! Vous qui me connaissez, croyez-vous que je délire ? » Et elle pleurait encore davantage.
Florian se taisait. Ce n’était pas à lui, pensait-il, de rassurer sa cliente. Elle devait affronter sa peur et la traiter par elle-même.
Tout d’un coup, sans qu’il appréhende en quoi cette femme le touchait ou comment le discours religieux de son hôte rejoignait son propre fonds, il sentit son cœur défaillir. Un vertige le saisit. Ses mains devinrent moites, ses lèvres sèches. Sa respiration cessa.
Il se reprit comme il put, s’accrochant aux montants de son fauteuil. Il s’efforça de respirer.
La femme perturbée ne s’aperçut pas de sa faiblesse. Il lui en fut reconnaissant. Il éprouvait une immense compassion pour elle et, en même temps, un impérieux besoin qu’elle cesse de lui parler. « Qu’elle aille au diable ! se dit-il. Qu’elle se taise ! » Il éprouva une nausée dont il ne comprit pas la cause : la mystique n’était pas son affaire.
Troublé, il s’excusa auprès d’elle. Il renvoya le patient suivant et ferma son cabinet.


Son cœur battait à tout rompre. Il sortit sur le seuil de sa maison. La vue des montagnes ne l’apaisa pas. Les bruyères et les genêts ne purent le rassurer. Même son menu troupeau de chèvres ne le divertit pas de son appréhension. Ses jambes chancelaient. Sa gorge se nouait.
Il n’y avait pas à tergiverser davantage.
Il prit un bâton de marche ainsi qu’un vieux chapeau qui traînaient là et partit droit devant lui. Il fallait fuir et fuir vite !
« Qu’est-ce que j’ai ? bégayait-il. C’est une "attaque de panique". Ma cliente et ses affaires religieuses me perturbent. Certes, je me pose les mêmes questions que tout le monde. D’où vient la vie ? Qui suis-je ? Mais à cela, qui peut répondre honnêtement ? Maintenant, je ne sais pas ce qui m’étouffe, sinon la fatigue de mon travail. »

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