LA DAME DE SAGNE
245 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

LA DAME DE SAGNE , livre ebook

-

245 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

" Si Anna, Béatrice et Clairette, que nous désignerons par A, B, C, vont représenter les sommets d'un triangle, le cheminement logique entre le point de départ et le point d'arrivée pour situer leur persécuteur passe par un quadrilatère, mais trouver la Diagonale du Fou pouvait aussi être tenu pour un traquenard. "A l'entendre, il me vint à l'esprit que tout problème peut être représenté par un puzzle. Or, si les pièces du jeu s'assemblaient parfaitement, l'image finale n'en demeurait pas moins élusive…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 67
EAN13 9782296465435
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Dame de Sagne
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55203-6
EAN : 9782296552036

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Balbuzard


La Dame de Sagne


nouvelles


L’Harmattan
AVERTISSEMENT
On pourrait s’étonner des troublantes répétitions obsédant les écrits réunis sous le titre La Dame de Sagne. Certains thèmes se prêtent, subdivisés, à des jeux de miroir, d’où concordances et variations.
Chez Alexander Éditeur, je fus témoin de scènes peu banales entre lui et son lecteur Joseph Albert. Il me sembla opportun d’ajouter un épilogue à ces textes que, précisément, Joseph Albert recommandait à l’Editeur tout en s’interrogeant sur les rapports possibles entre leurs présumés auteurs.
À l’entendre, il me vint à l’esprit que tout problème peut être représenté par un puzzle. Or, si les pièces du jeu s’assemblaient parfaitement, l’image finale n’en demeurait pas moins élusive.

UN ITINÉRAIRE : DE NAPLES À POMPÉI
G râce à l’intervention du petit D r Mikeli, je ne subirai pas la présence encombrante d’un guide.

Journée offerte à l’ingrate qui lui échappe et fait la sourde oreille. Rien à craindre, il ne la suivra pas , gêné d’être vu à côté d’elle sans pouvoir l’atteindre vraiment , publiquement.
Elle apprécie la solitude, la fine pluie ponctuée de soleil.

Devant moi, la via Marina débouche sur le Forum.
La vision est grandiose, mais l’éternité qu’on lui confère n’est qu’illustration. Mon indifférence blasphème.

« La cuirasse a toutes les caractéristiques du piège » avait déclaré monsieur Mikeli. Elle ne prétend pas qu’il ait eu tort. Simplement, elle regarde, à travers le rideau, derrière un édifice, sur la pointe d’un clocher la nuit s’empaler.
Bien sûr, elle le déteste, pour sa patience inimitable de chat, pour l’avoir surpris à roter, vautré dans son fauteuil. Curieusement, elle avait même jalousé un sourire féminin, richement encadré au-dessus du piano, près de l’estampe d’Hokusai qui n’évoque plus pour elle les huit portes pénétrées par la langue de feu, ni les cinq jours et cinq nuits d’orgasmes telluriques.
Aujourd’hui, elle préfère errer, quitte à ne surprendre qu’un détail qui la comblerait d’un bonheur léger, comme un semifreddo, un gelato de la Piazza San Domenico Maggiore ou la sfogliatella goûtée chez Pintauro au coin du vico d’Afflitto.

De l’arc de Tibère à celui de Caligula, un tronçon de rue, excroissance du Forum que dissimule le silence. Je quitte le Capitole déserté par la triade des dieux. Via degli Augustali : d’un trottoir à l’autre, des ombres portées s’accroupissent et s’allongent. Des touffes de mauvaises herbes entre les pavés gracieusement se faufilent. Via di Mercurio, « cave canem » : maison de Paquius Proculus. Je m’attarde à droite de l’atrium devant une mosaïque d’animaux et compte dans l’exèdre sept squelettes d’enfants.

Assise au bord de la baignoire , dans les Thermes de Stabies, elle imagine gitons et vieillards se préparant pour le cérémonial ludique de leurs ablutions , nudités voilées par des vapeurs concentriques que déchirent et recousent des courants d’air chaud.
Il avait dit : « Tu seras la sœur de la grecque Aegle, de Maria la juive , de l’orientale Smyra. Dans cette maison de jeu , quatre phallus président au hasard du dé jeté. Tu me verras comme eux. Dressé en toi , prisonnière jusqu’au bout de ma queue. » Elle se souvient, un incommensurable dégoût lui balaie le cœur.
Au numéro un du vicolo dei Vettii : la maison dei Vettii. À droite du vestibule, l’érection triomphante de Priape. Une expression de sphinx l’embellit, le temps d’un souvenir. « Je ferais bien de ne plus y penser. » Sur les murs, les dieux ne lui sont pas étrangers. Elle note avec satisfaction qu’elle ne les a pas oubliés.
Il avait dit : « À côté de la maison dei Vettii, la maison des Amours dorés. Dans le tablinum, ma chérie, Pâris et Hélène obéissent à l’amour. » Sa langue bifide monstrueusement allongée.

L’écho inquiet de mes pas percute les murs des chambres à coucher, les cubiculae fleuries de la maison du Verger.
Une fontaine charme la demeure de Loreius Tiburtinus, prêtre d’Isis. Bien que dénigré par la médiocrité de l’image, le suicide de Pyrame et Thisbé insinue : désobéissance.
À l’angle du vico del Lupanar, une maison du même nom. Un crissement de feuilles mortes. Je me retourne. Des peintures suggestives disparaissent sous des graffitis obscènes.
À gauche de la via Fortuna, l’heure conquise par la Bataille d’Alexandre , midi prisonnier sur un cadran solaire, tandis qu’un moineau fiente sur la joue arrondie d’un faune qui me fait signe.

Au carrefour d’Orphée , de l’ouest à l’est de la via Nola, du nord au sud de la via Stabia, le poète la devine , la conduit , indéchiffrable et forte.
Un chemin sauvagement fleuri prélude à l’initiation de la villa des Mystères. Il signor Mikeli avait reconnu une parenté entre le moulage de la jeune fille découverte sous la cendre et la vierge de la fresque qui , d’un large geste d’effroi ’ tentait d’échapper au rite obligé.
À son tour, elle perçoit une similitude entre elle et l’initiée. Elle sourit et ne réprouve plus le souvenir des lèvres zélées, habiles à l’étonner.

Derrière moi, la végétation qui repère les failles explose sans scrupule dans un enchevêtrement heureux.
Ce soir Naples est désert. Un vent d’égout s’enthousiasme, divulgue la poussière, soulève, étreint les papiers gras. D’où vient l’anomalie ?
Personne sur les terrasses. À l’intérieur des trattorie de la Piazza Garibaldi, aucun client à table. J’entre chez Pipo. La nappe n’est pas blanche : tachée sous la carafe d’eau. Le garçon en fraude me dévisage, sans vouloir me servir. Je m’impatiente, ma main furieuse s’acharne sur le pain. Je me lève et renverse ma chaise. Derrière une porte deux voix qui ne s’accordent pas. Non capisco niente. Je me rassieds, hurlant n’importe quoi mais n’ameute personne. Quelque chose d’avarié dans l’air frôle mon épaule. J’ai soif, envie de pleurer. Il eût suffi de ne pas revenir. De ne pas quitter si vite Pompéi. Dormir là-bas au sein de la maison de Loreius Tiburtinus. Je me résigne, prends en patience la situation. Enfin, le garçon d’âge variable se dirige vers moi, s’incline, murmure à mon oreille : « Le choléra, madame », un je ne sais quoi de triomphant dans le regard.
Quelqu’un m’attend, que je ne veux pas voir.

Elle le soupçonne au bord d’une crise de nerfs, son petit pied grincheux battant la mesure.

De Fuorigrotta à Tribulani, de l’hémicycle Piazza Plebiscito à Cavour, de Posilippo à Simone Martini, les heures se croisent et bifurquent. Un chien jaune m’adopte via Carbonara, je voudrais le suivre mais il ne va nulle part.
Piazza Capuana. Un garçon me voit, ses compagnons arrivent, chacun de m’agripper, de me vendre l’objet de son larcin : des œufs peints de Hongrie, des fémurs, un crâne volé à la façade des Âmes du Purgatoire, un caducée tressé, le détail d’un dessin de Lorenzo di Credi, un ex-voto du jardin d’Éden, des feuilles desséchées d’un palmier de Thaïlande, un fragment de mosaïque d’une mosquée d’Ispahan, une pierre noire du Vésuve, deux angelots rares, mi-faïence, mi-biscuit, de mauvaises copies de mauvais tableaux, un mouchoir taché du sang de San Geromio. Je les repousse, distribue la monnaie. Comment leur échapper ? Le corniaud comprend et montre les dents. S’arrachant de mes poches, les enfants s’éparpillent. Un femminielo brasse les chiffres de la tummulella. Sa robe usée soupire : « M’épouserez-vous ? »

Elle retourne sur ses pas , exténue le pavé. Des persiennes se ferment, heurtent des rires furtifs , des voix furibardes. Elle voudrait dormir.
Deux rousses bruyamment fardées, deux filles vêtues avec tant d’outrance et de légèreté vont et viennent autour de la Guglia, l’innommable Immacolata.
« Entre la chaste nudité de Santa Chiara et la bordélique Gesù Nuovo, pas d’hésitation en ce qui me concerne », s’était esclaffé il signor Mikeli. « À droite du vico San Domenico, prends la via Francesco De Sanctis, ne manque pas de te pencher au-dessus de l’imbécile sourire voilé du Christ de Sanmartino. Va ensuite largo Donnaregina. Dans la chapelle Loffredo, tu trouveras " l’ath

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents