La dernière larme du lac Kivu
268 pages
Français

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La dernière larme du lac Kivu , livre ebook

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Français

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Description

Lorsque Calixte, un jeune haïtien, arrive en Belgique comme réfugié politique en 1992, il n'a que 19 ans. Il a pour seul objectif d'être l'immigré modèle et de ne point faire de bruit. Lorsqu'il rencontre Michaël, réfugié issu du Congo (ex-Zaïre) et chef de bande, il doit faire face à un autre type de comportement. Les destins du ressortissant haïtien et du Congolais ne cesseront dès lors de se croiser.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 12
EAN13 9782296474178
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA DERNIÈRE LARME DU LAC KIVU
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.f

ISBN : 978-2-296-56422-0
EAN : 9782296564220

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Patrick F RANÇOIS


LA DERNIÈRE LARME DU LAC KIVU
Amarante


LE SILENCE DES HOMMES (septembre 2011) Roman
Henri Chapelet

L’ENDROIT OU IL Y A DES RAPIDES (septembre 2011) Roman
Isabelle Rigolo

FRAGMENTS D’UN JOURNAL INFIDÈLE (AVRIL 2011)
Hana Sanerova

LA DRH ET AUTRES NOUVELLES AU SEIN DU MONDE DU TRAVAIL (janvier 2011) Sylvain Josserand

JOSEPHINE OU LES CALLIGRAPHIES D’ERDEVEN (novembre 2010)
Claude Choquet-Guillevic

LE POTENTIEL EROTIQUE DES ANNEES SARKOZY (octobre 2010)
Juan Cabanis

RUE DAGUERRE (septembre 2010)
Paul Fabre

UN CRI (septembre 2010)
Didier Tassy

EL SHAÏR (juillet 2010)
Virginie Buisson

LE GRAND CIEL (juillet 2010)
Chantal Saragoni

LA POSITION DU DEMISSIONNAIRE (juillet 2010)
Fabrice Gourdon
Remerciements


À ma mère, Villia Pierre, l’héroïne de ma vie. À mon père Théligny François. À mes frères : Grégory François, Vladimir François. Au reste de ma famille.

Aux personnes sans qui cet ouvrage n’aurait pas été possible : Florence Vanholsbeeck, ma compagne, ma complice, mon associée sur tant de projets ; Daniele Renis, mon tout premier lecteur ; Julita Szleszynska, l’auteur de la couverture de cet ouvrage ; et tous mes amis qui de près ou de loin m’inspirent.
Chapitre I Au cœur de Nzambi…
Ce mal du pays me pourfend tant les tripes qu’il écourte ma respiration. L’odeur du pays embaume mon esprit et m’interpelle si fort que mon cœur, même pour un très court instant, ne fonctionne pas convenablement. Haïti me manque à en mourir, si bien que j’ai la sensation de n’être qu’une parcelle de moi-même.

Aujourd’hui est un de ces jours où chaque seconde passée est dure à vivre, où chaque pas est vécu tel un fardeau, un calvaire même. Ce matin, au réveil, le mal du pays me frappe particulièrement fort. Déjà hier c’était pareil. J’ai envie de revoir mon pays aujourd’hui plus qu’hier et sans doute moins que demain. Je me lève avec difficulté sachant que la journée sera une fois de plus celle de la réflexion. Et qui dit réflexion, dit nostalgie, dit souffrance. Oui, chacun de mes jours de réflexion est devenu un jour de souffrance.

Je suis Michaël Nzambi, Mike pour les intimes. Je sais que tu as entendu parler de moi ! On me surnomme MikeNike, l’enfant playboy, m’explique ce jeune homme aux yeux fatigués qui cafouille et qui parait incapable d’aligner deux phrases sans bégayer comme un débile.

Il m’est arrivé comme surgi d’un écran de fumée, comme s’il était issu des nuages.

Enchanté, je réponds, hésitant.

Le regard malveillant planté au milieu de mon visage, il poursuit avec emphase :
Je suis le chef. Et j’ai une mission : punir ceux qui ne comprennent pas l’ordre que je veux établir ! Je suis un dur à cuire ! Je suis un animal, me rabâche-t-il d’un air condescendant qui par moment prend des allures pathétiques.

Je le regarde d’un air sérieux. Mais je ne puis m’empêcher de penser à son arrogance. Me fixant de ses yeux rouges, il poursuit :

Il va falloir qu’on leur explique ma mission. Ils doivent savoir pourquoi je suis ici-bas !

Me regardant fixement comme si sa menace m’était adressée, il poursuit :

Écoute-moi bien cousin, quiconque m’ennuie, sera puni. Je l’étriperai de mes mains nues. Je possède cette force dans les mains qui m’a été donnée par mes ancêtres ! Mon père avait la même poigne, mon grand-père également. Et moi, j’en ai hérité à mon tour ! Ah cousin, cette force des mains est un don du ciel dont chaque membre de ma famille a bénéficié.

La familiarité dont il fait preuve m’exaspère quelque peu, mais je ne l’interromps pas. Mes pensées sont ailleurs. Je me demande s’il existe des gens comme lui dans tous les pays du monde.

J’ai la haine, me crie-t-il.

Comment serais-je le cousin de ce curieux personnage ? Je me surprends en train de m’interroger silencieusement. Je ne le connais ni d’Ève ni d’Adam. Et je n’ai aucune envie de le connaître. Je ne me considère pas comme son ami, ou même un proche, ou même un simple copain. C’est tout juste une connaissance et rien de plus ! Cela me choque de le voir se confier à moi, alors qu’on a passé la majeure partie de notre temps à se croiser, sans jamais échanger autre chose que des regards mauvais. Voilà que soudain, il me parle en me tapotant le torse, en me touchant la main, en me frappant les épaules. Voilà qu’il me parle de si près que je reçois violemment ses postillons sur le bout du nez. Il m’exaspère déjà, mais je tends l’oreille afin d’écouter son récit.

Je l’écoute parce que l’histoire de l’autre m’intéresse toujours. Si, par un après-midi pluvieux du mois de décembre 1992, coincé pendant plus d’une demi-heure dans un abribus, j’ai pu prêter attentivement l’oreille au récit passionné d’un vieux chef de village sénégalais, pourquoi ne pas écouter un jeune Congolais {1} avide de confessions ? D’ailleurs, ces récits presque mythologiques issus de la bouche de ce vieux sage venu du Sénégal m’avaient passionné. Cet ancien professeur longiligne perdu dans la confusion de l’immigration européenne m’expliquait, des larmes de nostalgie remplissant ses yeux, que les vagues de Dakar ont un bruit caractéristique, effectuent un cantique particulier, un son décuplé par l’embrassade du vent, par la sérénade des ondées, par la danse absurde de la brise du matin. Il m’expliquait cela et je le regardais de mes yeux vagues qui perçaient l’horizon d’une ville de Bruxelles noyée par les nuages si noirs qu’on croirait à l’imminence d’une apocalypse. Et à mon tour, je pensais aux kermesses de la rivière du sud d’Haïti, aux sons révélateurs des criquets des hautes montagnes, à la violente chute de la pluie tropicale si brûlante au contact de notre peau, alors que très jeune, je courrais tout nu dans l’espoir si vain de pouvoir cabrer chaque goutte qui se jetait sur moi.

Ce réfugié sénégalais aux tresses plus longues que les branches des palmiers me disait qu’il avait inscrit chaque souvenir de son pays dans un coin de son esprit afin de pouvoir parer au silence de l’exil. Il m’a expliqué l’effet encore palpable de la brise du matin sur son esprit, l’odeur du port, le goût du poisson, la saveur des fruits de mer… Tant d’écritures qu’il garde fraîches sur les feuilles de sa mémoire, comme une réserve de souvenirs qui serviraient à sa motivation en temps de grande froideur et d’obscurité hivernale. J’avais l’impression que ce petit coin de pensées le rendait si heureux intérieurement alors qu’extérieurement il était foncièrement triste.

Et moi aussi, je fus heureux de pouvoir échanger quelques mots avec lui, de lui prêter l’oreille, de me mettre sur le chemin de son récit. Mon esprit prolifique devinait les courbures de l’Afrique et ses multiples splendeurs. Un exercice colossal pour tenter de me défaire de ces images-clichés d’un continent qui s’autodétruit, d’une terre de misère et d’inhumanité.

Depuis ce jour, je suis devenu un passionné d’anecdotes d’Afrique, de petites histoires venues de ce continent qui a vu naître mes aïeux vendus en Amérique comme des objets sans valeur.

Alors, pourquoi ne pas écouter Mike ? Peut-être a-t-il quelque chose d’important à me dire ? Peut-être va-t-il déclencher en moi une idée, une émotion, une envie, un espoir, un sentiment… quelque chose. Peut-être…

Alors, mon regard timide posé sur celui si fier de Michaël Nzambi, lui signifie : « Je t’écoute mon grand ! Je suis tout ouïe ! Vas-y, vide ton sac ! »

Ainsi, s’éclaircissant vulgairement la gorge, comme s’il ressentait la réceptivité de mes gestes, et avant de cracher sur le sol balayé par les feuilles déjà mortes, il se livre à cette conf

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