La femme de l émir
209 pages
Français

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La femme de l'émir , livre ebook

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Description

Guerrier et poète, homme politique et mystique soufi, arabe de tradition mais admirateur de l'Occident, l'Emir Abdelkader est l'un des hommes les plus éminents qui ont marqué l'histoire des relations franco-algériennes. Son parcours exceptionnel est ici racontée par sa femme. Celle-ci évolue entre un homme de grande envergure et des traditions ancestrales plus ou moins pesantes. Curieuse et ouverte, elle donne l'impression de tirer profit de sa vie mouvementée et s'accommode d'une manière particulière des événements de la vie quotidienne qui ponctuent sa vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2008
Nombre de lectures 85
EAN13 9782296188709
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La femme de l’émir
© L’HARMATTAN, 2008
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris


http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr


ISBN : 978-2-296-04704-4
EAN : 9782296047044

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Fouzia OUKAZI


La femme de l’émir


Roman


L’Harmattan
Roman historique
Collection dirigée par Maguy Albet

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À ma fille
« Quiconque cherche Dieu en dehors de lui-même s’égare »
El Cheikh Alaoui.


« Il est bon pour l’Homme d’aimer sa personne
dans un autre que lui »
El Amir Abdelkader.
I
Cette année-là, dans la capitale si accueillante du Cham, le printemps était délicieux alors que l’on avait craint une forte chaleur, comme celle que l’on avait connue l’an passé à la même époque. Les odeurs de jasmin s’exhalaient dans toute la ville et le soleil, magnanime, se levait lentement presque discret, comme s’il participait au deuil. C’était une belle journée pour rejoindre sa dernière demeure et mériter enfin le repos éternel.
J’avais pu le voir et lui embrasser le front après la toilette mortuaire que les fidèles de toujours avaient effectuée, dans un silence pesant, dans la chambre-bibliothèque. Il reposait, les yeux clos, paraissant plus petit et plus maigre, enveloppé dans le tissu blanc qu’il avait rapporté de La Mecque, la barbe encore bien sombre, l’air presque satisfait après tant de combats et d’interrogations. Les hommes, jeunes et vieux, assis autour sur les tapis récitaient, en se balançant, certains les larmes aux yeux, la sourate Ya sin que l’on récite habituellement pour les disparus. Khadour et Mustafa, les plus fidèles d’entre les fidèles, tentaient d’étouffer leurs sanglots, recroquevillés dans un coin de la pièce, comme les femmes que l’on entendait de l’autre côté de la cour où grouillait un nombre incalculable de personnes, de tous âges et de toutes cultures.
Comme toutes les femmes, je n’aurai pas le droit d’aller à l’enterrement qui devait se dérouler en fin de matinée, et auquel allait probablement assister tout ce que la ville comptait d’Européens, de notables et d’hommes religieux. J’attendrai donc le lendemain pour aller le visiter sous la terre fraîchement retournée et le saluer pour son dernier voyage. On se demande bien sur quoi se sont basés les hommes pour édicter cette loi aussi stupide qui interdit aux femmes d’être présentes lors d’un enterrement, mais j’étais bien obligée de me plier à cette coutume ancestrale et je n’assisterai donc pas à la mise en terre.
Le temps semblait soudain ralenti, les choses et l’air lui-même se figeaient, maintenant qu’il n’était plus là et je me demandais, incapable de refouler mon amertume, à quoi ma vie allait bien servir à présent.
Il m’avait fait promettre de le faire enterrer aux pieds de son grand maître soufi dont les livres ne quittaient pas son chevet depuis notre arrivée à Damas et qui était devenu, pour ainsi dire, son compagnon de route ; comme s’il voulait absolument le rencontrer dans le monde de là-bas et trouver chez le maître de toujours les réponses aux interrogations mystiques qui n’avaient cessé de le tourmenter et qui continuaient probablement à le tourmenter, lui qui n’était jamais rassasié de connaissances sur Dieu et ses desseins souvent déconcertants.
À présent, retourné à la terre, il ne souffrira plus de l’ingratitude des temps et des hommes, ni des lourds silences de Dieu à qui il va certainement poser certaines questions. Moi-même, assise depuis des heures sur un sofa pour les condoléances des personnes connues et inconnues, j’ai besoin de repos et de calme.
Je ne suis pas triste. Ni accablée. Je n’ai pas participé aux pleurs des femmes car je déteste cette coutume de bonne femme inspirée d’on ne sait où. J’ai seulement cette impression de toujours d’avoir vécu, en retrait, à l’ombre du grand homme mais jamais à son niveau : sa mort m’a également laissée sur le bord de la route. La maison et la cour bruissaient des musiques incantatoires, des dhikrs auxquels répondaient les sanglots des femmes et des voix masculines venues lui rendre un dernier hommage, heureusement que mes garçons sont assez grands maintenant pour s’occuper de tout.

Dans ses ruses de tous les instants et ses stratagèmes déconcertants, Dieu m’a accordé d’avoir été l’épouse – la première – d’un des plus grands hommes que le siècle ait connu. J’ai accepté de l’épouser, j’ai connu ses faits guerriers et partagé sa vie de tous les jours, je l’ai suivi dans son exil loin de notre terre natale, j’ai rencontré, grâce à lui, les plus grands hommes de ce bas monde, mais j’ai surtout vu un homme progressivement mais profondément transformé et finalement happé par l’absorption des textes sacrés et l’extinction dans le divin. Je veux parler, bien entendu, de l’émir Abdelkader, paix à son âme.
Tous les moments étonnants et imprévisibles que j’ai vécus avec lui, tous mes tourments et toutes mes joies, je voudrais m’en débarrasser pour me sentir moins lourde, m’en retourner moi aussi vers Dieu en toute quiétude et peut-être retrouver mon ami de toujours.
Toutes ces années passées m’ont donné la possibilité de m’interroger quotidiennement sur les destinées extraordinaires des êtres humains et celle particulière et insolite que j’ai vécue. Quel rôle ai-je joué ? Et pourquoi ai-je joué ce rôle, moi qui n’avais d’autre ambition que de vivre une vie tranquille et sans histoire auprès des miens ? La vie d’Abdelkader aurait-elle été autre si je n’avais pas été là ? « N’est-ce pas là une question d’orgueil ? » m’aurait-il répondu.
Questions superflues et inutiles, aurait-il plutôt affirmé, la destinée ne se commande pas, elle se vit. Je sais à présent que je n’ai pas épousé un homme, mais un chapitre d’histoire qui ne retiendra pas mon nom.

Dans mon jeune âge, et au plus loin qu’il m’en souvienne, le regard que je posais sur les choses n’était pas aussi déconcerté, ni aussi étonné qu’à présent, l’ordre des choses étant, me disais-je, naturel, immuable et posé là depuis la naissance de la vie par la volonté de Dieu, sur les deux socles inébranlables et millénaires de la morale et la solidarité. Existait-il, d’ailleurs, un monde en dehors de notre univers ? Je l’avoue, je n’étais pas très docile vis-à-vis des miens, mais l’ordonnancement des jours me semblait normal et dicté d’en haut. Les temps que j’ai vécus exigeaient de l’impétuosité et du caractère pour survivre dans un milieu difficile et contraignant, mais l’obéissance aveugle et indiscutée à la volonté divine allait de soi.
Ainsi, c’est la destinée voulue par Dieu qui m’a été imposée, je n’aurais pu y échapper et si les choses se sont passées ainsi, c’est qu’elles ne pouvaient se dérouler d’une autre manière.
II
Bien que je sois née parmi des nobles chorafas, cousins germains de la lignée de l’émir, ma famille n’est pas très riche et dans notre communauté, tout le monde doit travailler pour mériter son pain quotidien. L’ancêtre de notre famille commune descend, dit-on, du prophète, et s’était d’abord installé au Maroc, mais si on écoutait les gens, tous les habitants des villages alentour descendent également de la famille du Prophète. Tous, ou presqu

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