La manipulation
163 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

La manipulation , livre ebook

-

163 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

C'est le mot : une manipulation poétique. Un ectoplasme que ce Victor Hugo, dans ce roman étrange qui, partant d'une figure légendaire, semble avoir été déplacé et faire partie de notre époque, ou encore dans une autre qui aurait précédé notre modernité. Est-ce ce jeu qui confère à cet écrit son intemporalité, le charme réside dans la rêverie proposée : car tout est affaire de langage, de substitution d'un compagnon glorieux. Oeuvre littéraire, La Manipulation l'est assurément par ce qu'elle décline : l'expérience intérieure de l'écriture, un cheminement personnel et, au bout du compte, un livre d'écrivain s'impose.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 65
EAN13 9782296677951
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Manipulation
 
 
 
© L’H armattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-09051-4
EAN : 9782296090514
 
Olivier Hamel
 
 
La Manipulation
 
 
roman
 
 
L’H armattan
Le cœur vient de goûter à la chair du tombeau
Et ce simple baiser est une horreur sans grâce
Comme était mon amour comme était mon angoisse
Comme était ta promesse accrochée sur ma peau
 
Ce deuil qui fait qu'en moi plus rien ne s'illumine
Quand tu la prononças, ta promesse orpheline
Elle était déjà morte ! Et j'ai vu dans le noir
La Défaite allongée à côté de l'espoir
 
Il vint ressusciter dans une ombre sereine
Le fantôme élégant et vague de ma peine
C'est une étoile veuve et sinistre à la fois
Plus rien qu'un souvenir en cendres sous la croix
 
Il porte au bout des doigts un immense écœurement
Les longues émotions gisent auprès du temps.
 
PREMIERE PARTIE
 
I
 
 
V ictor Hugo s'était fait porter pâle et, par voie de fait, avait annulé notre rendez-vous. Etait-il vraiment terrassé par une maladie ? Je ne saurais le dire. J'ose espérer qu'en cas contraire, il eut inventé, à la hauteur de son génie, une bien meilleure excuse.
Les grands hommes eux aussi, de temps en temps ont peur et Victor Hugo ce jour-là, avait eu raison de me craindre.
Dans un maigre café de la place des Vosges, j'avais été séduit par l'idée que le confort et l'habitude de son quartier l'auraient poussé à venir, se sentant fort mais il était loin d'être la dupe que je croyais et je me retrouve seul.
Le vieil Helder m'apporte un café noir, pas l'homme mais l'univers au fond d'une tasse qui fume avant que je n'allume une cigarette et que je réfléchisse, au paysage des deux fumées, à la littérature.
 
Matin d'automne propice à la pensée et la lumière au fond de tout qui monte, de mon épaule à mes yeux sombres. Je ne veux pas qu'elle les éclaire, ils se promènent au creux d'un rêve, ils divaguent calmement dans leurs austérités, se parlent comme deux frères mais la haine existe en eux depuis la nuit des temps. La vie et la mort côte à côte et sans jamais se regarder sinon quelque miroir.
Victor Hugo était bien loin, il avait emporté la littérature avec lui, personne n'avait rien vu du vol, personne à part peut-être s'était-il dit, cette grande étoile mais qui se préoccupe de la matière lorsque l’on joue du sentiment ? Personne cette fois mais cette étoile avait laissé un fils et j'étais celui-là.
Prométhée ne m'est en rien, pas même une ressemblance car je laisse la littérature à Victor Hugo, je la lui laisse, la mienne est supérieure.
 
J'avais mis le vieil Helder au courant, non qu'il entende quoi que ce soit à cette histoire mais j'aimais le vieil Helder bien plus qu'un autre car il ne m'avait adressé, depuis le jour où je l'avais vu que le seul silence des gens qui savent. Il savait qui de Victor Hugo ou qui de moi tenait les rennes du monde, il savait de qui il devait avoir peur. Je le suspecte d'ailleurs d'avoir prévenu le futur exilé et de l'avoir persuadé (car il était d'une rhétorique irréprochable) de rester dans son cloître. Non qu'il entende quoi que ce soit à cette histoire, je le répète mais il avait senti l'odeur du crime, spirituel bien sûr et les hommes les plus humbles savent discerner le sang, et lequel coule et lequel le fait couler.
 
Le vieil Helder, hors son mutisme était portugais.
Cela n'ajoute rien à son personnage mais il transportait son pays et s'il trouve sa place dans un récit qui trame la rencontre de deux des plus grands hommes, c'est qu'il est autre chose ma foi, plus qu'une incarnation, il est un être humain, comme vous et moi et comme Victor Hugo, quoique, et que tout être humain dans cette histoire a sa place car il n'y a de différence entre eux que celle qu'on crée, au sein de la beauté ou de l'horreur, pour qu'on les puisse cirer, l'un après l'autre avant qu'ils meurent et ne tournent leur dernière page.
Et ceci est mon rôle et ceci est ma place.
 
II
 
 
J’ entends huit heures qui sonnent, un bruit vague provenant sans doute d'une vieille église lointaine encore peuplée de fer, les pierres et les hommes, les unes empreintes d'histoire, devenues dures au fil des ans et des caresses, les autres faits de morale, acier trempé mille fois dans le même bain, bénitier sec de la foi, vase informe de la croyance. Ces hommes eux aussi ont droit d'asile sur mes terres même s'ils n'ont plus rien de l'homme, c'est à moi de les transformer et déjà je les vois, les centenaires chargés du charme de la pierre, ces fossiles statiques et fourbes qui me remercient comme si je leur avais accordé le salut qu'ils cherchaient.
Les gargouilles, les griffons, les messes noires, toutes ces chimères religieuses qui campent, gardiens géants pour d'anciens dieux qui hurlent le matin et qui m'obligent à y penser, à ce cantique livide de mon rêve avant qu'une jeune et jolie fille ne passe et me réveille, pour capter son regard.
Sans le savoir, elle vient de m'éloigner de Dieu, la seule chose qu'elle sait c'est que j'attends, que j'attends quelque chose, sans doute Victor Hugo. Comment le sait-elle ? Elle a lu les journaux, elle tient la revue des deux mondes entre ses dents, quelle carnassière ! Elle aussi chasse des têtes, celles des hommes mais je ne suis qu'un enfant sans griffes ni crocs que celles et ceux du monde.
Atlas ne m'est en rien, pas même une ressemblance car je laisse le monde à Victor Hugo, je le lui laisse sans 
jalousie, le mien est supérieur.
Le vieil Helder le sait bien, il m'a déjà vu à l'œuvre, lui-même en a tremblé ou n'était-ce qu'une crise d'épilepsie ? Quoi qu'il en soit, le vieil Helder est au courant, il ne me met jamais en doute, il m'écoute si bien qu'il ne semble pas m'écouter, il parle à d'autres gens, nie me connaître car il sait ma pudeur, le vieil Helder est délicat. S'il savait ce que je pense de lui mais j'y pense, il le sait, le vieil Helder sait tout. Il ne sait rien, il ne dit rien, il meurt à petit feu dans son bistrot sordide, j'assiste à son agonie lente sans aucune pitié, sans aucune aide. Qu’il crève, cette carne desséchée mais je l'ai bien compris, lui aussi attend Victor Hugo, il veut lui survivre pour voir ce qu'aurait pu être le monde sans lui, un monde meilleur, mais je reste assis et je le regarde vieillir.
Sur son lit de mort peut-être aurais-je la bonté de lui dire que Victor Hugo est devenu un immortel et que son combat était perdu d'avance, peut-être sourira-t-il dans sa moustache et je lui murmurerai, délicatement à son oreille que l'immortalité ne vaut rien face à l'éternité et qu'heureusement pour lui, je la suis, l'éternité personnifiée, peut-être pas.
On pourrait penser, car cette histoire est construite de telle sorte que je suis l'énième fou qui s'invente mais là naît la vérité et Victor Hugo s'apprête à entrer sur la scène.
Ce n'est pas un fantôme et encore moins un homme, c'est un enfant comme moi et nous jouons ensemble.
Il arrive magistral, un peu en retard, fidèle au siècle et il s'assoit sur ce qui sera plus tard un trône, il s'assoit sur l'enfance, il le regrettera toute sa vie, délaisse son chocolat pour un premier café, s'assoit en face de moi et déjà dans ses yeux, je lis comme en un nuage la poésie future.
Je lui ai laissé le monde et la littérature, il ne demande rien d'autre, pas même une femme, pas même un bout d'horreur mais il lui faut l'inspiration, celle-là qui vient à même la femme et l'horreur. C'est elle qui lui manque et c'est pourquoi je l'ai traîné de si bonne heure loin de l'école et loin du jeu. La vie commence.
Ce matin lui appartient, je le lui dédicace. Il vient me tirer de la solitude et les grandes portes de l'idéal reviennent 

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents