La pisse-dru
280 pages
Français

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Description

La Pisse-dru est l'histoire violente d'une famille dans un milieu rural abandonné des Dieux. La mère a la fâcheuse manie d'uriner sur elle à chaque contrariété. Les jambes déformées par des ulcères variqueux, elle se fait véhiculer en fauteuil roulant, poussé par un mari souffreteux. Leur fille Marie-Ange, légèrement débile, victime des "guinguettes", orgies organisées par ses frères, subit les pires tourments. "J'ai mal" dira sans cesse l'inconsolée avant de tomber dans l'hystérie. Le comportement monstrueux de chacun conduira à l'irréparable.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 147
EAN13 9782296688674
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Pisse-dru
Du même auteure
L’Ecorce et la sève – Magie hellénique
Collection Graveurs de mémoire
Véronique Boureau di Vetta


La Pisse-dru


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10514-0
EAN : 9782296105140

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Je remercie tout particulièrement


Fanny Madsen
Et
Christiane Colin
Marie-Thérèse Quénel
à Giacomo…
Chapitre premier - Un dimanche de Pâques
I - Le difficile réveil
E ntre les volets fermés, un doux filet pailleté d’or coupait l’édredon rose, câlinait sa joue. Les cloches de l’église de Letellis qui chevrotaient au loin investissaient sa tête emprisonnée par une céphalée sournoise. Sa bouche pâteuse lui rappela qu’elle avait exagérément bu la veille. Elle émergeait lentement d’un pénible réveil.
Assise au bord du lit, elle fut prise de vertiges, son buste bascula perceptiblement d’avant en arrière, elle dut se tenir le front pour trouver un aplomb. La glace de l’armoire livrait l’image pâle de son teint défait, la mèche en saillie de ses cheveux bruns. Elle renifla ses aisselles. Quelque chose sursautait dans ses entrailles, des gargouillis bizarres l’incommodaient. Qu’avait-elle bien pu manger qui lui donne ces flatuosités ? Sa main glissée sous la chemise de nuit bleue massa le ventre rebondi épandu à la naissance des cuisses. Les yeux bovins et la lèvre inférieure baveuse, elle se mit à sucer l’annulaire gauche, paume de la main vers l’extérieur, tout en tournicotant autour de l’autre index la mèche rebelle qu’elle grattouillait du pouce. Cette tétée méditative, jouissance primaire, était une habitude bien à elle de se détacher du monde, d’occuper son propre univers.
Sultan l’avait entendue pousser les volets. D’humeur joueuse, il sautillait dans tous les sens et coursait les poules caqueteuses. Des haleines printanières arrivaient des champs nacrés qui ondoyaient jusque la lisière du village dont elle apercevait le clocher couvert d’ardoises, ses clochetons aux sonorités mélodieuses. La rosée, que le soleil matinal n’avait pas encore asséchée, rafraîchissait ses bras nus. Le berger allemand usait maintenant ses ongles au mur de briques, essayait de l’atteindre.
– Voui, bon chien-chien… Voui, voui, s’amusait Marie-Ange en fourrant le poing dans sa gueule.
Tandis que de brusques saccades secouaient sa main prisonnière entre les solides mâchoires, elle se disait que la journée s’annonçait belle, si seulement, ce mal de tête pouvait la lâcher. Et qu’elle allait mettre sa nouvelle robe pour aller à la messe de Pâques.
Dès qu’elle pénétra dans la pièce, son odorat fut crûment saisi d’une puanteur, lourd mélange d’urine et de vinasse. Sa vue se faisant à la pénombre, elle put distinguer, près du poêle, la masse dans le fauteuil roulant. Sa mère n’avait pas quitté cette place depuis la veille, là où Marie-Ange l’y avait laissée. Solange dormait assise, le menton collé à la poitrine plantureuse, les cheveux crépus d’un roux délavé dressés autour de la tête. Après une apnée de plusieurs secondes, à son ronflement aigu en pic suivait une expiration longue et sifflée, d’un rythme régulier.
Des bouteilles vides, des cannettes de bière à foison, des verres renversés tramant un peu partout, jonchaient le sol et la table non desservie du repas de la veille. Les mégots collés à la sauce étoilaient le fond des assiettes auréolées d’os de poulet. Face au vomi, coulis épais et brunâtre sur la toile cirée, la jeune fille se pinça le nez.
– Hou-laaaa… hou-laaaa… répétait-elle, consternée.
Tout à coup, de justesse, elle évita la chute, la semelle de sa Charentaise venait de glisser sur un liquide suspect aux reflets de pétrole. Parti du dessous du fauteuil, le ruisseau avait fini son cours à un endroit concave du carrelage où une flaque finissait de sécher.
– Oh, non, s’est encore pissée d’sus ! Qui va nettoyer, hein ? Hein ? C’est encore bibi qui va mette les mains d’dans, c’est ça ! La pisse, les dégueulis, y en a marre, à la fin ! Hé, manman… Manman…, dit-elle de sa voix pointue et traînante.
Secouée à l’épaule, la femme émit un grognement amorphe.
– Manman, r’veille-toi… C’est les Pâques aujourd’hui… Ma robe du dimanche… Où c’est qu’elle est ?
Solange désenfouit sa face violacée et décapsula un œil. Son esprit brouillé de sommeil mit un certain temps à saisir la situation.
– Hein ? Quoi ? Ça suffit, à la fin ! Arrête ! Je t’ai entendue, suis pas sourde !
– Ma robe…
– Ta robe ? Quelle robe ? Ce que j’en sais, moi !
– La robe qu’on a achetée à Emmaüs, insista-t-elle en tapant du talon, tu sais, la robe en coton à carreaux. Va faire chaud aujourd’hui et faut qu’j’va à la messe. Tu te souviens qu’c’est les Pâques, au moins ? Où qu’elle est ma robe ? Hein ? Hein ?
– Cherche donc dans le repassage, elle y est. Sûr. Tu l’as déjà mise l’autre semaine ! Que t’as besoin d’aller à la messe, aussi.
Au pied du lit campé à l’angle de la pièce, la jeune fille se mit à explorer nerveusement le tas de guenilles.
– Fous pas le bordel sur mon lit, cria la mère, maintenant tout à fait éveillée.
– Où qu’elle est ? Où qu’elle est ? J’la trouve pas. C’est toujours pareil. J’dois aller à la messe et j’peux pas à cause que j’ai pas ma robe. Voilà. Tout pareil aujourd’hui… Voilà…
– Pfff ! Fait sans arrêt des histoires, cette gamine !
De rage Marie-Ange soufflait fort, refoulait son envie de pleurer. Décidément, elle n’avait pas de chance. Une si jolie robe… Enfin, tant pis ! Elle trouverait sûrement quelque chose dans son armoire. Mais il fallait qu’elle se dépêche, car, c’était sûr, il serait à la mare à l’attendre, son amoureux. Cette délicieuse perspective ensevelit une bien éphémère contrariété.
Le premier pied au sol lui tira un gémissement. Solange déplaçait difficilement son corps déformé par l’excès de graisse. Une mauvaise circulation gonflait douloureusement les varices de ses jambes boudinées. Elle se dit qu’une nuit entière restée assise, comme ça, n’avait rien arrangé, qu’elle ne pouvait décidément compter sur personne dans cette famille. Il n’y avait pas eu un idiot qui tenait debout pour l’aider à la coucher, hier soir. Un flux sanguin fouettait ses tempes, bourdonnait aux oreilles. Deux pas claudicants et elle s’affala sur sa couche après avoir éjecté le linge qui papillonna en l’air avant de s’éparpiller au sol.
– … Et c’est quand qu’elle va se mettre au ménage, celle-là. C’est le foutoir ici ! Quelle heure qu’il est, donc ? grogna-t-elle.
Neuf heures !!! Cette fille était folle ! Le lendemain d’une guinguette ! Tout en se massant la tête qui la faisait atrocement souffrir, ses pensées un peu confuses alimentèrent pêle-mêle ses émotions. Que la fête avait été réussie ! Ils s’étaient bien amusés. Pour ça, Loulou savait y faire. Tous les cantiques y étaient passés, ils étaient décidément de bons Chrétiens. Pour ça, pas besoin d’aller à l’église, Dieu reconnaîtra les siens au moment venu… Joyeuses Pâques, monsieur le curé, le Christ est ressuscité ! Il ne manquait que l’autre imbécile, tiens… Non, en réfléchissant, elle ne se souvenait pas de l’avoir aperçu.
– Où qu’il était caché çui-là, encore ? Ce moins que rien, ce vieux débris. Et la Marie-Ange… Mon Dieu ! Aussi bête que son père, murmura-t-elle.
Le buste tourné vers le marbre de la cheminée, elle avait attrapé un paquet de cigarettes entre les verres sales.
Heureusement qu’elle avait ses fils et son Mathias surtout, son chouchou. Loulou, elle l’aimait aussi, seulement des fois, il lui faisait peur. Il était

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