La République des Nègres
154 pages
Français

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La République des Nègres , livre ebook

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154 pages
Français

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Description

Biram est un médecin nègre. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat d'Etat au pays des Toubabs, il décide de rentrer malgré les réserves de sa fiancée dans son pays natal, la République des Nègres. Son patriotisme se heurte aux moeurs et pratiques peu républicaines de certains dirigeants de la République des Nègres. Ce fut pour lui le début de la descente aux enfers...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 50
EAN13 9782296464292
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0027€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L A R ÉPUBLIQUE DES N ÈGRES

roman
Ousmane B ENJAMIN


L A R ÉPUBLIQUE DES N ÈGRES

roman
© L’H ARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54868-8
EAN : 9782296548688

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
À la mémoire de ma mère
« La politique, c’est l’art de tromper la cité »
Benjamin Ousmane


« La révolution de l’avenir sera le triomphe de la morale sur la
politique »
Ernest Renan


« Le mensonge meurt avec l’homme. La vérité est éternelle. »
Grand-mère
AVERTISSEMENT
Ce livre est le fruit d’une imagination. Les noms des villes et des villages, de même que leur histoire, sont réels, mais les personnages sont tous fictifs. Par conséquent, je ne permettrais à personne de faire un quelconque rapprochement entre mes personnages et nos gouvernants.
Ce roman ne peut servir d’alibi aux afro-pessimistes. Les pessimistes, c’est ceux qui me disent chaque jour : « Ousmane, tais-toi ! C’est l’Afrique, c’est comme ça et c’est tout ! ». Il n’est pas aussi de l’auto-flagellation, ni de l’automutilation. Des amis m’ont fait part de leur inquiétude de voir les racistes utiliser le livre pour stigmatiser davantage le Nègre et l’Afrique. Je leur dis : « Je ne parle pas aux racistes, je parle aux hommes ».
I
Là-bas, c’est le pays des Toubabs. Les Toubabs qui ont décolonisé l’Afrique sans se décoloniser. Ils se croient toujours supérieurs.
Mais au pays des Toubabs, ils ne se font pas la guerre. Il n’y a pas de foutus seigneurs de guerre. Leur président est un nain. On dirait un pygmée de l’Afrique forestière. Il est fils d’immigrés, mais il n’aime pas les immigrés. Surtout les Africains. Il dit qu’ils ne sont pas assez entrés dans l’histoire. Il flirte avec les démons de la dictature en Afrique : Françafrique ! Mafiafrique !
Au pays des Toubabs, il y a de vrais citoyens, affranchis de toutes les autorités traditionnelles. Les marabouts ne leur donnent jamais de consignes de vote. Les enfants ne sont pas jetés à la rue des malheurs. Les hôpitaux ne sont pas des mouroirs. La santé y est un droit.
Mais au pays des Toubabs, il y a un enfer. L’enfer des Nègres. L’enfer qui suit les Nègres. Ils y vivotent dans des enclos. Ils travaillent dans les champs comme du temps de l’esclavage, balayent les plages et lavent le derrière de vieux Toubabs. Quelle malédiction est tombée sur le Nègre ? Chez les Toubabs, il y a beaucoup de Nègres naturalisés. On les appelle les Nègres de la République.
Biram n’était pas un Nègre de la République. Il venait de la République des Nègres, un petit pays d’Afrique. Biram était un beau nègre. Il était grand, élancé. Son teint noir rappelant le cultivateur brûlé par le soleil et ses traits marqués étaient impressionnants.
Ce jour-là de neige épaisse, Biram méditait sur son retour. Mais bientôt son esprit vagabonda. L’insouciance le gagna. Un sommeil léger commençait à s’emparer de lui quand une Toubabesse aux cheveux blonds ouvrit la porte. Elle était belle. Du moins, elle n’était pas laide. Biram l’avait connue à la faculté de médecine au premier cycle. Biram était en première année et elle, en deuxième. Un amour foudroyant les lia dès leur première rencontre. C’était dans le hall d’un amphithéâtre. Un étudiant zélé avait heurté une fille faisant tomber ses bagages. Biram l’aida à les ramasser. En se levant, leurs regards se croisèrent et refusèrent de se quitter. Pas besoin de protocoles. Ils étaient amoureux l’un de l’autre. Depuis, Biram quitta son appartement qui lui revenait trop cher pour habiter chez son amour.
« Ah ! C’est toi Jacqueline, dit nonchalamment Biram.
Ça n’a pas l’air d’aller chéri, répondit Jacqueline.
Biram froissa sa mine et bornoya une carte postale de la République des Nègres.
C’est encore une de tes crises nostalgiques. Ton pays te manque ?
Biram resta silencieux, un silence sépulcral. Il vida son verre de vin, se leva d’un mouvement vif et fit timidement :
Je veux aller servir mon pays !
Quoi, tu veux rentrer ? dit Jacqueline surprise, définitivement ? Tu es bon médecin et je suis convaincue que tu peux trouver un bon poste en France. Au demeurant, le médecin de la province est parti en spécialisation. Tu pourras le remplacer.
Assez ! Ergoteuse ! S’énerva Biram en brisant le verre sur le mur. Tu discutes toujours mes décisions, mais cette fois-ci, elle est prise. J’ai fait mes études avec la bourse d’État, je suis redevable à ma nation, la République des Nègres. Elle n’a presque pas de médecins ; les enfants et les femmes y meurent. Ce sont mes frères, mes mères dans leur splendeur d’ébène, fit Biram en pleurs.
Tu es comme eux, salopard, dit Jacqueline en lui tapotant sur la poitrine. Tu es comme ces étudiants nègres qui se tapent des Blanches pour avoir des facilités. Maintenant que tu n’as plus besoin de mon escarcelle, tu veux me quitter comme un rebut. Ingrat de nègre !
Biram se froissa, s’approcha en hésitant de Jacqueline qui se blottissait sous l’escalier, les yeux embués de larmes chaudes. Il respira profondément comme pour évacuer une menace d’asphyxie et baissa le ton.
Tu sais Jacqueline, vous les Blancs, dans le cadre de vos missions… humanitaires, vous allez en Afrique pour soigner les enfants, les femmes, les vieillards. Est-ce acceptable que moi, Nègre, j’abandonne mon peuple ?
Jacqueline avala sa salive. Le visage grimaçant, elle fit :
Je comprends, je suis égoïste, je suis désolée. Je t’aime comme dans la mythologie, chéri. Ne vas-tu pas m’oublier ?
Non ! C’est promis ! Je le jure ! dit Biram en l’embrassant sur la joue inondée de larmes.
Tu pars quand ?
Dans une semaine, deux, je ne sais pas.
Tu t’installeras à la capitale ?
Non.
Non ?
Biram hésita, fit passer sa main à sa ceinture, caressa son gri-gri et lâcha :
À Ndiongolor ».
II
Le sable s’était refroidi à Ndiongolor. Une nuit noire l’avait enseveli. Ndiongolor, un village sérère plusieurs fois séculaire. Il est rattaché au musée universel par la légende de l’impitoyable roi sérère Sanu Mon Faye. Sanu Mon fut un tyran, grand parmi les tyrans. Jamais encore un tyran ne l’a égalé. La légende raconte que Sanu Mon ouvrait le ventre des femmes enceintes. Il voulait savoir comment le fœtus s’y alimentait. Il coupait le menton des hommes afin qu’il servît de jouets à son enfant…
Sanu Mon eut pour nom de naissance Sanu Kor. Mais Sanu était laid comme un dictateur d’Afrique. À Ngoé, on le surnomma Sanu Mon. « Mon » veut dire hyène. Sanu Mon était laid, mais sa cruauté fut plus grande que sa laideur (la laideur du visage est souvent le témoignage d’un caractère exécrable). Lorsqu’il accéda au trône, il prit son fusil qui s’appelait Lampar (Lampar s’armait et tirait tout seul) et rasa Ngoé qui se moquait de lui. Sa vie de roi ne sera faite que de vengeances. Les sages du Sine expliquent sa cruauté par toutes les railleries dont il fut victime dans sa jeunesse. Il avait un gri-gri qu’il insérait dans ses cheveux. Ce qui le rendait invincible. Les Français subirent sa foudre à Logandem. Logandem veut dire : « on ne m’avalera pas ». Les griots racontent que durant la bataille, Sanu Mon jurait : « Que je perde ma fille préférée Penda, on ne m’avalera pas ! ».
Mais la terreur a une fin. Sanu Mon est mort. Celui qui jurait que le fer fabriqué par le Blanc ne pouvait le tuer gît désormais à Ngojil. Il fut invincible, mais toute âme qui goûte à la vie goûtera à la mort.
Sanu Mon est mort. Il a été tué par le roi du Saloum à la bataille de Thiouthioune.
Sanu Mon est mort et des piments, symbole du supplice, poussent sur sa tombe (Les sages disent qu’il est en Enfer comme tous les dictateurs africains).
Sanu Mon est mort, mais sa lance reste indéracinable à Ndiongolor. Ceux qui ont essayé ont payé de leur vie. Les mystères du passé sont trop lourds pour l’homme d’aujourd’hui.
Sanu Mon est mort et les sorciers du Sine ont juré que plus jamais un Faye ne dirigera le royaume et la République des Nègres. La cruauté serait

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