LA TRIBU EGAREE
420 pages
Français

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LA TRIBU EGAREE , livre ebook

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Description

A l'époque de la guerre d'Algérie, une famille d'immigrés algériens prend racine dans une banlieue ouvrière à Villedinde. Une saga familiale s'y déroule jusque dans les années soixante dix où la tradition est confrontée aux idées et aux moeurs de mai 68. Kadri, l'avant-dernier de la tribu, est tantôt témoin tantôt victime des évènements qui la rassemblent ou la déchirent. Des étonnements de l'enfance aux troubles de l'adolescence, on le découvre...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 82
EAN13 9782296463875
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La tribu égarée Bachir Touati
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Le Scribe cosmopoliteLittérature Collection dirigée par Osama Khalil
Maquette de la couverture : Osama Khalil Photo de la couverture : Collection familiale
La tribu égarée Bachir Touati
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© Le Scribe l’HarmattanISBN : 978-2-296-54653-0
A la mémoire de Chérifa
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La télévision Entre deux moments de vacarme, on ramassait les débris dans la tranquillité. Les deux hommes de la maison n’arrivaient jamais à se mettre d’accord et finissaient par se mettre sur la gueule dans un fracas qui nous faisait fuir sous les lits. Les voisins de l’immeuble n’y prêtaient plus attention, habitués sans doute. Il y eut bien une fois où un de ces Franquaouis, enragé, alla déposer plainte à la Mairie contre nos pratiques à cause d’un coq. Le père l’avait gagné dans une loterie à la fête de l’Huma et en était fier, un vrai coq gaulois à crête vigoureuse ; le poulet habitait avec nous, enfermé dans la douche. Il devrait vivre encore quelques jours, le temps d‘engraisser. Mais comme son cri matinal nous cassait les oreilles, on le transféra à la cave. Ce n’était pas la bonne idée : les caves aux parois de briques creuses faisaient caisse de résonance et le chant du coq réveillait tous les prolétaires de l’immeuble bien avant que ne sonnentleur réveil. L’adjoint au maire le convoqua dans son bureau pour le sermonner. On mangea plus tôt que prévu du coq avec le couscous du soir. Madame Dupain, l’assistante sociale de la commune de Villedinde-sur-Seine en banlieue nord de Paris, nous connaissait bien. A chacune de ses visites, son beau discours voulait remettre de l’ordre dans nos mœursqu’elle trouvait archaïpère la respectait parce qu’elle avait joué deques. Le son influence pour que l’on obtienne ce logement,mais il la rembarrait ferme dès qu’elle empiétait sur sa juridiction.Il lui faisait savoir en son français mâtiné d’arabe que la façon d’élever sesgarçons et sa fille ne regardait que lui.
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Et il n’aimait pas trop ses attentions particulières pour Daouïa depuis qu’elle avait décroché son certificat d’études quelques années auparavant. Le père avait beau râler, l’assistante le laissait dire, sans lâcher son idée de nous moderniser un peu. Il est vrai que par la suite, elle fit tout son possible pour que l’ontout le monde dans les étagestélévision comme ait une en possédait une. Avant de s’en aller, elle vérifiait la propreté de nos oreilles au risque de vexer un peu maman. Après qu’elle soit partie, on entendait dehors le ronflement de sa deux-chevaux qui démarrait dans la nuit. La télé, avant qu’elle n’arrive chez nous on allait la regarder chez Na’Malika, notre sœur aînée mariée et maman de quatre mouflets déjà. Elle habitait un vieil immeuble au bout de la ville que l’on nommait le Château. Sans doute à cause de son escalier monumental. Pour le reste, ce ne devait être que les logements des valets d’un ancien prince dont le vrai Château avait du se faire volatiliser par les bombardes au temps de la Révolution.En y allant, on amenait nos chaises.Par un soir d’hivermille neuf cent soixante deux, des livreurs nous l’amenèrent toute neuvedansson emballage d’origine et on s’adonna aux joiespremières des images en noir et blancderrière l’écran de verre.Les parents détenaient bien sûr un pouvoir total sur le bouton marche-arrêt. Ils se méfiaient du contenu de la télévision qu’ils décrétaient plein de « vocablesoufagerie », bien à eux pour juger de tout ce que les autres trouvaient amusant, érotique, tapageur ou divertissant. La moindre peccadille d’amoureux qui apparaissait dans un film, et hop! Télé éteinte et tout le monde au lit. Au mieux, des parties de dominos sous la lampe jusque tard dans la nuit en mangeant des figues sèches et en buvant du thé.
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L’aîné de la maisonnée avait vingt trois ans. Daouïa sa cadette en avait vingt, Ridane quinze, Yazid treize, moi Kadri, onze. Lahlou le petit dernier âgé de huit ans était comme moi étique comme une crevette. Les cinq ans qui séparaient Daouïa de Ridane, étaient dûs sans doute aux années d’émigration du père. Par contre, l’écart de quatre ans entre le petit Lahlou et mois’expliquait par la courte existence d’une petite sœur née entre nousdeux mais qui mourut on ne sait de quelle maladie brutale et infantile. Enterrée au carré des nourrissons dans le cimetière municipal. C’était notre sortie du dimanche.Mohamed bossait à l’usine. Dans la même usine que le père. Il disposait de sa chambre à part pour ne pas nous montrer ses poils. Mais souvent nous y déboulions en masse pour jouer à la bagarre sur son lit. Il adorait ça, ainsi que les moments où on lisait ensemble des illustrés. Il préférait la radio àla télé. Mais à présent qu’elle était là, il faisait semblant de partager notre plaisir.Le mari de Malika, homme bourru et d’aspect gaillard avec une moustache noire comme la suie se coiffait souvent d’un béret. C’était un type originaire du même village que nous en Kabylie. Raison pourlaquelle il épousa notre sœur si facilement, on pouvait présumer. Tout semblait donc normal et pareillement normal qu’ils fassent des gosses même si leur logement était un peu petit. On s’invitait souventles uns chez les autres. Mais curieusement, àchaque fois que Na’Malika et ses mômes venaient chez nous, lui ne venait jamais. A quelques exceptions près. Comme si quelque chose ne tournait pas rond entre le père et son gendre, qui s’appelait Da’Meziane et que ses enfants appelaient « vava ». Une petite embrouille devait bien persister entre les deux hommes, remontant aux
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temps de galère où tous deux traînaient dans Paris en célibataires et partageaient un petit gourbi à Montparnasse. Da’Meziane ne venait jamais chez nous mais nous étions toujours les bienvenus chez lui. Pas radin sur la bouffe, lorsqu’il invitait au couscous, on trouvait sur la table plus de viande que chez nous. Il cultivait son bout de jardin-ouvrier assorti au loyer. Nous l’aimions bien; parfois il nous donnait un franc pour acheter des bonbecs. On pouvait remarquer dans un coin de leur vivoir une machine à laver récemment installée près de l’évier. Nos neveux aimaient venir nous voir car l’appartement était plus spacieux que le leur et notre télé avait aussi un écran plus large. Ils trouvaient Rintintin un peu plus impressionnant. Tout ce qu’ils pouvaient reprocher à notre logement de quatre pièces, c’était sa situation en rez-de-chaussée. Ils pensaient que c’était décevant de ne pas habiter dans les étages, avec leur balcon saillant hors de la façade offrant une meilleure vuesur l’environnement. « Presque une pièce de plus et qui donne sur le dehors ! Comment avez-vous pu vous priver de ça ? »En effet, depuis notre balcon sans saillie, tout près du sol terreux, la vue se limitait à une rangée de troènes, la rue et le mur de briques rouges de l’école que l’on fréquentait au quotidien. Sans autre panorama que quelques automobiles garées sur le trottoir d’en face.Leur grand’père qui avait choisi ce rez-de-chaussée en bonne conscience se chargea bien de leur énumérer ses vertus pratiques : pas besoin de descendre et de grimper les marches comme les autres pour prendre le courrier dans la boîte à lettres. Pareil, lorsqu’on devait sortir la poubelle ou aller à la cave chercher le charbon. Il trouvait commode également,
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