Le bon, la douce et la caillera
178 pages
Français

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Le bon, la douce et la caillera , livre ebook

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Français

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Description

Sophie est journaliste au sein d'un grand quotidien. On l'envoie en reportage dans une "cité chaude" afin de savoir quelles répercussions les mesures d'urgences prises en 2005 ont eues sur la vie des habitants. Mais il lui faut un guide, quelqu'un qui va lui expliquer ce qu'elle verra. Ce sera Sékou, un jeune qui a grandi dans le quartier Lescure à Aubervilliers. Il est au chômage et préfère s'investir dans son association plutôt que de tenir les murs de la cité. Il est très hostile à l'intégration républicaine à la française et se dit favorale à la discrimination positive. Sophie va être plongée au coeur de toutes les problématiques qui gangrènent ces quartiers dits "impopulaires".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2007
Nombre de lectures 232
EAN13 9782336268163
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296029408
EAN : 9782296029408
Le bon, la douce et la caillera

Diaby Doucouré
A mes parents
Préface
Comme beaucoup d’entre vous, il m’est arrivé plus d’une fois, avachie sur mon canapé, de pousser ma colère face à la lucarne diabolique qui nous vend des bouteilles de soda et déforme nos vies. Cet œil malade qui se fait le complice d’une société à la dérive. Salauds de journalistes ! Bande de mythos ! C’est faux ! Ce n’est pas la vérité ! Ou au moins pas la mienne...
Est-ce uniquement la faute de ces terroristes médiatiques et de leur alliance « chétanesque » avec le pouvoir ?
Je le croyais jusqu’à ma rencontre avec Mamadou. Dans ce reportage, Mamadou est ce qu’on appelle en journalisme déchétique, «un guide ». Grâce à Mamadou, nous allons découvrir la cité des Bosquets à travers quelques circuits touristiques incroyables.
Oh ! Des ossements de voitures brûlées ! Ouah ! Une cage d’escalier délabrée ! Eh ! La chambre des frères de Mamadou qui compte du doigt tous les lits superposés installés là.
Mamadou nous raconte l’enfer et aussi, ses démêlés avec la justice. Car c’est un voyou qui vient de nous montrer le repère de milliers d’autres voyous potentiellement capables de « niquer la France ».
Alors moi qui pensais que Nous étions victimes de l’injustice de leur formule mathématique :
BANLIEUE+VIOLENCE+IMMIGRATION=PEUR=BULLETINS SUPPLEMENTAIRES DANS LES URNES.
Et que les bâtards c’était EUX.
J’étais NOUS, jeunes de banlieue qu’on accusait de conduire la France à l’incendie national.
J’étais NOUS Sans Papiers qui menions des grèves de la faim et qu’on soupçonnait d’envahir le territoire comme en 40.
J’étais NOUS musulmans à qui on reprochait de semer des mosquées dans les champs de vignes de Jean-Pierre Pernault et de cacher des bombes dans les aéroports.
Je suis devenue sceptique. Pourquoi Mamadou ? Pourquoi leur donner raison ? T’es un ouf ou quoi ? N’as-tu pas toi aussi la responsabilité que j’ai de donner une image plus nuancée, plus juste ?
Il n’y a pas que les bandits ou les gentils éducateurs sportifs... (en journalisme déchétique ce sont «les grands frères ».)
Mais je comprends que comme moi Mamadou regarde la lucarne diabolique et qu’il avale les mêmes ingrédients que moi et que Jean-Pierre Pernault.
Faïza Guène
Introduction
Depuis quelques mois, les voyages de Sophie s’effectuaient moins avec son passeport qu’avec sa carte orange. « C’est le métier qui rentre ! », rigolait son chef quand elle arrivait en courant au bureau, exténuée par un trajet interminable aux heures de pointe, n’ayant plus que 20 minutes pour rédiger son papier avant le bouclage.
Le métro et le bureau étaient tout ce que Sophie, née à Bordeaux et habitant dans le 7 ème arrondissement, connaissait de la banlieue.
Elle était en train de terminer son compte rendu d’une conférence de presse du ministère de la Jeunesse - elle n’avait plus que sept minutes avant de le « balancer » au secrétaire de rédaction - lorsqu’elle surprit le regard de son chef de rubrique, à la fois tourné vers elle mais regardant dans le vague, comme si Sophie était un obstacle transparent entre lui et un monde plein de possibilités. Sophie connaissait bien ce regard et ce monde de possibilités : c’était celui où il était possible, voir probable que son papier ne passe pas, parce que son chef adoré était en train d’avoir une autre idée.
D’un bond en arrière, elle se redressa : « Ah ! Non ! » Eric (son chef) affichait un timide sourire et lui demanda : « Et à la conf’ de presse, tu t’es fait chier ? » « Grave, lança Sophie, c’est toujours les mêmes discours. On ne comprend même pas ce qui a réellement été fait de ce qui demeure de l’ordre de l’intention. Il y a un tel décalage entre les salons du ministère et les voitures qu’on voit brûler à la télé... »
Silencieux, Eric affichait un sourire approbateur et vainqueur. Sophie comprit immédiatement. Son attitude changea : quittant sa pose boudeuse, elle décroisa les bras et tendit tout son corps, droit vers l’avant, prête comme sur des starting-blocks, pour mieux écouter.
Eric enchaîna illico :
- Qui y avait-il ? Des habitants, des associations des quartiers impliqués dans les événements de novembre? Des travailleurs sociaux ?
Sophie soupira :
- Pas l’ombre d’un doute. En revanche le nombre important d’attachées de presse, directeurs de communication, chargés de mission... était impressionnant. Le seul black présent, c’était le vigile à l’entrée qui m’a demandé d’ouvrir mon sac.

- Tu vois, il faut aller sur le terrain, martela Eric. Prend ton temps, rencontre des gens, discute avec les différents acteurs - et je dis bien acteurs - pour essayer de comprendre ce qui s’est passé, quel est le constat actuel et ce qui pourrait changer. Tâche de savoir quelles sont les aspirations des gens. Montre-nous une banlieue qui n’est pas la caricature que l’on a pu dépeindre à la télé.
Tiens a ce moment, Arnaud, - qui occupait le bureau face à celui de Sophie, et qui la détestait- se mit à glapir d’un ton très wachi wacha :
- Mon Dieu ! Sophie-Charlotte va aller chez les gueux ! C’est épouvantable ! La pauvre chérie n’en reviendra pas vivante, ils vont la manger, crue ! Vous savez, ma chère, ces gens-là sont cannibales...
Eric le calma aussi sec.
- Ta gueule, Zavatta. Justement comme se parlant à lui même, elle portera sur les choses un regard plus neuf que nous. Mais cela dit... ce n’est pas con, ce que tu dis. Il lui faut un guide, quelqu’un qui lui explique ce qu’elle verra, l’emmène aux bons endroits et la prenne sous sa protection, puis se tournant vers Sophie :

- Je vais demander à Sékou, un gars d’une cité qui veut organiser un match de foot entre les flics et des jeunes de son quartier. Il préside une association. Il doit passer cet après-midi au commissariat de la Cité Lescure, à Aubervilliers. Je le sais parce que mon beau-frère, Lionel, est commissaire et m’a présenté ce type là. Tu devrais y aller, il est cool et je suis sûr qu’il acceptera volontiers ».
Tout en avalant un sandwich, Sophie consulta Internet pour en savoir plus sur Aubervilliers et la cité Lescure : un quartier difficile en pleine mutations, situé en Zone Urbaine Sensible. Un projet de requalification y est en cours, le collège est en Zone d’Education Prioritaire, le taux de chômage des jeunes dépasse les 50%, il existe un fort sentiment d’insécurité, le rapport du ministère de l’Intérieur annonce une délinquance en forte hausse...
Avant de partir, Sophie risqua une dernière question :
- Eric, toi qui connais les lieux... ça ne risque rien pour ma voiture »
- Non à cette heure-ci, il y a du monde dans le quartier, et puis de toute façon Lionel t’attend. Bye.
C’était clair, net et définitif.
Sophie était songeuse en allant vers sa voiture, qu’elle garait au parking souterrain du bureau, préférant les transports en commun pour ses déplacements dans la journée.
Qu’est ce qui allait se passer ? Quel monde l’attendait de l’autre coté du périph en guise de bienvenue ? Allait-elle se retrouver dans une de ces fameuses tournantes ? Ou se faire mordre par un pit bull ? Heureusement ce matin, elle avait eu l’intuition de s’habiller de façon neutre, élégante sans ostentation, parce qu’elle se voyait mal « flâner » en tailleur et talons aiguilles dans les terrains vagues en compagnie d’un rappeur mal dégrossi. C’est en imaginant Bernadette Chirac et Joey Star marchant bras-dessus, bras-dessous au milieu d’immeubles en ruine que Sophie démarra, le sourire aux lèvres.
C’est ainsi que la belle Sophie se dirige vers ce quartier inconnu de Lescure. Elle trouve le trajet un peu long. Quelle idée de construire des quartiers si excentrés? Lionel avait raison, le quartier est bien indiqué en sortant du périphérique, c’est tout près de la zone industrielle.
Sophie

- Tiens, voilà le commissariat de la Cité Lescure, je vais appeler Lionel pour lui dire que je suis devant le commissariat.

- Allo! Je suis devant l’entrée du commissariat ! Tu viens à ma rencontre ?
Lionel

- Oui, dans 2 minutes.
Sophie

- Ok ! Bye !
Il faut qu’il se dépêche, me retrouver entourée de ces délinquants me donne des frissons. On se croirait dans le Bronx : même ambiance sinistre

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