Le choix de la déchirure
264 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le choix de la déchirure , livre ebook

-

264 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Quelque part, dans le midi de la France, Nadia, jeune fille maghrébine et fille de harki, décide de fuir sa famille et sa région avec l'aide et la complicité de sa mère, pour échapper à un mariage forcé décidé de bonne foi par son père convaincu d'agir dans l'intérêt de sa fille tout en respectant les coutumes familiales et sociologiques. Nadia fait le choix de la déchirure en quittant sa famille, ses amis, et en tournant une page de son histoire personnelle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 258
EAN13 9782296447257
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le choix de la déchirure
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13131-6
EAN : 9782296131316

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Philippe Poitou


Le choix de la déchirure

roman


L’Harmattan
A Marie-Claude qui m’est si précieuse et indispensable,


A mes trois fils et mes trois belles filles


A tous mes petits enfants
1
A ujourd’hui, Youssef vit un jour différent des autres, il se souvient, avec un petit pincement au cœur, en cette date anniversaire, de son départ définitif loin de sa terre natale, de l’autre côté de la Méditerranée. Comme chaque année, cette journée voit renaître en lui une bouffée d’émotion intense mêlée de tristesse. Combien d’années déjà ? Il déclare ne plus savoir exactement, en réalité, il ne veut plus savoir, il a décidé de cesser de compter lors du quarantième anniversaire. Mais dans son esprit, tout est là, présent, il lui semble que c’était hier, il se souvient de son départ, les yeux noyés de larmes et la peur au ventre. Il se souvient d’avoir prié Allah sur le bateau pour le remercier d’avoir été choisi parmi tant d’autres pour rentrer en France, ce pays qu’il ne connaissait pas si ce n’est par les photos qu’il avait pu voir dans des livres ou des journaux, et à travers tout ce que son instituteur lui en avait dit. Il revoit tous ces camarades terrorisés, des harkis que l’état français abandonnait lâchement, désarmés aux mains du FLN, tout en sachant le sort abominable qui leur est réservé. Eux aussi savaient et vivaient un cours sursis avant une mort inéluctable dont ils avaient pleinement conscience. Ils ignoraient encore le degré d’horreur et de barbarie qu’ils allaient devoir subir, massacrés par d’anciens amis, des voisins de village, des camarades de classe, des cousins parfois, grisés et exaltés par la victoire et la joie passionnelle de l’indépendance, avec en même temps un formidable sentiment de soulagement et de libération, une terrible et odieuse soif de vengeance et de sang, incontrôlable viscéralement pulsionnelle, obsessionnelle et imperméable à tout raisonnement. Les proies étaient là, terrorisées, disponibles, livrées par les représentants du pays des droits de l’homme, de la démocratie et des libertés, à la barbarie sans limite, la curée pouvait commencer. Youssef se demandait encore quelles étaient les raisons qui lui avaient sauvé la vie, pourquoi avait-il été désigné pour monter sur le bateau. Il imaginait que c’était à cause de son passé, de sa famille, puisque son père, engagé dans les Spahis avait combattu les Allemands, avant de tomber blessé au champ d’honneur. Décoré, il restait la fierté de son fils qui conservait comme une relique une photo du Spahi, arborant fièrement ses médailles. Les parents de Youssef se sentaient profondément Français, malgré la couleur de leur peau, leur analphabétisme et leurs différences de culture. Tout cela n’avait pas d’importance, et le père de Youssef disait que les races n’existaient pas, « plusieurs chameaux de couleurs différentes restent des chameaux, tous les hommes sont pareils, les femmes aussi, mais seulement entre elles », ce qui faisait rire sa femme qui, dans l’intimité savait manœuvrer le prétendu maître du foyer. Chez Youssef, toute la famille parlait français, sauf la grand-mère, et si le vocabulaire des parents n’était pas abondant, le père de Youssef comptait sur son fils aîné pour acquérir ce bien précieux que sont la langue française, et la culture occidentale, grâce à l’école publique et laïque. Les parents de Youssef entretenaient de très bonnes relations avec certains des pieds noirs dont le niveau de misère était très proche du leur, comme ce fût le cas pour Albert Camus. Youssef fût un élève sérieux, sans être le meilleur de sa classe, il fût toujours classé dans les 12 premiers et sa plus grande fierté était de voir sa rédaction lue par le maître devant la classe, c’était comme la consécration des heures qu’il passait à lire les livres de la bibliothèque scolaire, et la preuve que son origine ethnique n’était pas un véritable handicap, sauf dans la tête des racistes et des xénophobes. Comme ses parents ne pouvaient pas acheter de livres, ils étaient des objets précieux qu’il manipulait avec respect et amour. Les parents de Youssef n’avaient pas assez d’argent pour offrir à ce fils aîné un parcours scolaire qu’il aurait certainement été capable de suivre, aussi en faisant de vrais sacrifices, pût-il aller jusqu’au brevet, ce qui, à l’époque restait une exception pour ce fils d’Algérien. Désormais, Youssef savait lire et écrire, compter et possédait quelques facilités d’expression orale et écrite. Parfois, un enfant de pieds noirs lui prêtait un roman policier qu’il lisait avec un plaisir particulier, puisqu’il rêvait de devenir gardien de la paix. Mais la vie ne l’avait pas doté d’une taille suffisante et cette perspective ne pût jamais être atteinte. Lorsque le conflit éclata en Algérie, ce que pudiquement et prudemment les politiciens français qualifièrent « d’évènements », Youssef devint harki, ce choix s’imposait à lui sans autres alternative possible, le passé glorieux de son père, l’honneur de sa famille qui avait l’habitude de se mettre au service de la patrie, la tradition, la fidélité au drapeau, la fierté de porter l’uniforme, mais tout devint beaucoup plus difficile après, car pour un musulman fût-il modéré, combattre voire tuer d’autres musulmans sur sa terre natale, souiller cette terre où reposaient ses ancêtres, du sang de voisins de villages ou d’anciens camarades d’écoles, était une terrible épreuve et une succession de cas de conscience chaque fois aussi déchirants. Il pria, pria beaucoup demandant à Allah de lui épargner les situations où il lui faudrait donner la mort pour sauver sa propre vie et défendre son pays. Malgré ces épreuves très douloureuses, Youssef ne pouvait pas rejoindre les rangs de la clandestinité, une force quasiment viscérale l’en empêchait. Youssef était persuadé que son peuple n’était pas prêt à assumer l’indépendance, même s’il comprenait la colère des plus pauvres, des plus mal traités, bref de tous ceux, humiliés, dont la dignité avait été flouée par certains colons peu scrupuleux et profondément malhonnêtes. Il avait entendu parler des articles qu’Albert Camus avait écrit pour dénoncer la misère des arabes, et ce point particulier lui revenait à l’esprit. La traversée lui parût interminable, et vécue comme un déchirement, car quoi qu’il arrive, le retour au pays ne serait jamais plus possible. Youssef venait de couper ses racines, de briser des liens avec sa famille qui restait sur cette terre devenue étrangère, une famille qui reniait « ce traître » à la cause. Il était parti, il avait tout abandonné et allait vers un ailleurs qu’il ne connaissait pas et où personne, ni rien ne l’attendait, dur apprentissage de la solitude au cœur d’une société non préparée à un tel afflux de réfugiés, imbibée de méfiance et de frilosité, et d’une forme de racisme et de xénophobie non avouées. Ce départ était une déchirure. Le peuple de la métropole, dont la mémoire était courte et la reconnaissance éphémère pour ses libérateurs des années noires venus du continent africain. Youssef fut conduit dans un camp d’accueil, dans le sud de la France, une sorte de camp de transit constitué de baraquements en préfabriqué, alignés sous le soleil et dépourvus d’une vraie isolation où il faisait très chaud l’été et froid l’hiver. Pas un arbre, l’absence de végétation outre l’impossibilité de se protéger du soleil, donnait à ce lieu un caractère de désolation et d’abandon. Le confort rudimentaire et la salubrité relative faisaient penser à un ancien camp de prisonnier qui aurait été amélioré et réhabilité en urgence pour faire face à ces arrivées massives. Youssef, était si heureux d’avoir pu sauver sa vie que la qualité de s

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents