Le fétiche des anges
175 pages
Français

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Le fétiche des anges , livre ebook

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175 pages
Français

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Description

Ce roman évoque la vie quotidienne de Mory Woro, fonctionnaire civil précipité dans le couloir de la retraite, et le climat particulier d'une époque où seule l'espérance semble être la pilule salvatrice d'un monde accablé par la manipulation, la pénurie et le dénuement. Mais à côté de ces calamités, il y a l'amour, un amour immense, qui lie Mory Woro à son épouse, la solidarité et l'amitié, une affection que la réalité de l'exercice de l'autorité va fortement ébranler ...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 72
EAN13 9782296677975
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le fétiche des anges
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09054-5
EAN : 9782296090545

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Adolphe Pakoua


Le fétiche des anges


roman


L’Harmattan
Qui veut la Vérité,
Sera exécuté
Par le Mensonge
I
I l posa le pied sur la dernière marche du haut escalier donnant accès à l’entrée de l’imposant immeuble du Magot Public, l’antre de tous les espoirs.
Quatre heures avaient à peine sonné, quand il avait quitté sa modeste demeure en semi dur, que les palmiers et les manguiers du quartier Béa noyaient dans la verdure d’une végétation de rêve, tropicale.
Il avait emprunté la rue Poussière, pour rejoindre l’avenue de l’Endurance, faisant tout pour épargner à son unique paire de souliers, le contact rugueux de l’asphalte de la grande voie rectiligne. Et en un peu plus d’une heure, il avait parcouru la demi-douzaine de kilomètres qui séparaient le centre-ville de son quartier.
Depuis plus de quatre mois, l’exercice était devenu une pratique quotidienne, une opération au bout de laquelle pendait l’espoir du paiement de sa pension. Et Nzapa savait combien de mois s’étaient écoulés depuis qu’il en avait reçu la dernière mensualité. Huit, neuf, dix mois ? Là-haut, seul Nzapa pouvait le dire.
Et depuis presque cinq mois, il faisait le chemin tous les jours, quittant sa maison à la même heure, accroché à son espoir, comme un chasseur attendant la chute du gibier qu’il venait d’atteindre d’un coup de fusil ; un gibier qui n’était pas l’énorme papion qu’il croyait, mais un mirage, l’aspérité parfaitement enroulée de la branche de l’arbre qu’il avait arrosée d’une volée de chevrotines.
Et malgré les mille précautions qu’il prenait pour soulager ses chaussures, l’asphalte n’avait pas eu pitié des pauvres souliers, dont il avait fini par gommer presque entièrement les talons.
Sans relâche et toujours avec autant de détermination, il faisait le chemin tous les matins. Puis, quand il arrivait au Magot Public, son espoir décuplait. Il formait, avec un petit nombre d’autres zèbres matinaux qui investissaient quotidiennement les lieux, la tête du cortège qui se formerait bientôt, avant neuf heures. Neuf heures ! C’était l’heure à laquelle le surintendant des finances s’installait dans sa cabine blindée, qui abritait avec une ferveur jalouse, le coffre-fort du magot public. Et à cette heure précise, jamais avant mais souvent un peu plus tard, il commençait à égrener, derrière l’épais grillage métallique qui le protégeait de ses assaillants, les chèques et les bons de caisse réglables de la journée.
Et lui, par le simple fait de savoir qu’il était parmi les tou premiers arrivés, avait l’intime conviction qu’il ferait partie des heureux récipiendaires du jour. Et il savourait en silence la perspective de repartir avec une liasse magique. Une belle liasse qui permettra à son épouse, à leurs deux enfants, Momorom l’aîné et Momia la cadette, à son beau-frère Mpoé et à son épouse Abokondo, de réhabituer leurs papilles au goût de la viande. Pauvre de lui !
Là-haut, seul Nzapa, qui voyait tout, savait tout, pouvait dire depuis combien de temps la marmite de sa charmante épouse n’avait pas eu le bonheur de bouillir des morceaux de viande, et comment sa maisonnée était jetée dans le monde de la pénurie, qui la faisait danser devant le buffet et lui faisait briller les yeux de fièvre, chaque fois que le foyer de la cuisine était éteint, à l’heure où le nez s’attendait à savourer l’odeur d’ail ou d’oignon jeté dans l’huile bouillante, pour donner plus de saveur au colis que l’estomac espérait recevoir de la bouche.
Et les heureux récipiendaires de la journée ! Combien y en avait-il qui repartaient avec une médaille à la poitrine, une décoration comme celles qu’on accrochait au buffet des grands dignitaires lors des cérémonies nationales, des distinctions, des palmes et des croix d’or et d’argent ? L’image de la place de la République grouillant de monde et celle du plus grand boulevard du Continent inondé lors des événements nationaux s’apparentaient à celle qu’offrait la multitude de quêteurs circonstanciels réunis devant l’immeuble du Magot Public.
Comme à la place de la République et comme sur le Boulevard du Continent, il y avait toute cette marée humaine.
Il y avait les vedettes du jour : une poignée d’hommes sélectionnés sur des critères subjectifs et parfois sur la base d’un secret insondable.
Et il y avait la grande horde de revendicateurs : une grosse vague qui s’élevait chaque jour et s’affaissait aussitôt que le surintendant tournait à double tour la longue clé de la porte de sa « caverne », pour mettre un terme à la distribution de la manne du jour, et replonger la foule de recalés, dans un désespoir qui n’avait d’égal que l’abattement, le sentiment d’un monde qui s’effondrait tout d’un coup alentour, les ténèbres d’un gouffre impénétrable.
La grande cour du Magot Public se vidait alors de ses occupants, laissant s’établir une atmosphère dans laquelle soufflait un vent hostile, un esprit qui ôtait la vie.
Et une fois de plus, depuis plus de cinq mois qu’il venait au Magot Public, il n’avait pas été sélectionné parmi les heureux récipiendaires de la journée, en dépit des efforts qu’il avait faits et des supplications qu’il avait exprimées pour réussir le passage.
Et ainsi, depuis plus de cinq mois, quand il lui arrivait d’être recalé parce que l’heure avait sonné juste au moment où il s’apprêtait à tendre sa pièce d’identité au surintendant, il n’y avait pas de mots pour exprimer l’amertume qui s’emparait de lui.
« Mon Dieu ! se disait-il alors, mais mon Dieu, pourquoi suis-je ici sur terre, que fais-je ici sur cette maudite terre ? Mon Dieu ! »
A la réflexion, il comprit que le questionnement n’en valait plus la peine. Le fait de savoir que des milliers d’autres « prorogés » partageaient ce sort si pernicieux et si persistant qui le minait, lui donnait la force de revenir le lendemain.
Et dans son for intérieur, il se consolait en se disant que les jours ne se ressemblaient pas, car la veille n’était pareille au jour présent qui, lui, serait aussi différent des jours à venir. Et comme partout dans la ville, on répétait inlassablement que « l’espoir était la sève de l’arbre de vie », il s’était accroché à ce dicton populaire, convaincu que tout irait mieux le lendemain.
Il avait quitté la cour du Magot Public, d’un pas plus mesuré et plus indécis que celui qu’il avait adopté pour venir. Et n’ayant plus aucune raison de se presser, il avait pris tout son temps pour longer les artères de la Capitale, dont il traversa les carrefours les uns après les autres, sans insouciance et sans prêter la moindre attention aux injonctions des cyclistes et des automobilistes. Des cyclistes et des automobilistes qui, par le biais de pressions répétées sur leurs avertisseurs, le harcelaient de sons aigus et discordants, pour lui faire comprendre que la voie ne lui appartenait pas, et qu’il devait aller se faire « photographier ». Aller se faire « photographier », comme on aimait à le répéter à ceux qui vous importaient dans la Capitale, c’était tout simplement aller se faire voir ailleurs.
Il avait fait fi de toutes ces offensives et n’avait pas modifié son allure. Il ne pouvait ni se presser, ni ralentir le pas pour aller se faire voir ailleurs car ailleurs, il se doutait bien, aucun moustique n’allait le percevoir. Lui qu’on n’avait pas vu au Magot Public, dans un lieu public où tout le monde était visible, qui donc pourrait le percevoir ailleurs ?
A cette question, il eut comme seule réponse le sentiment qu’il était devenu un homme invisible, un fantôme. Lui ? Un homme invisible ? Un fantôme au grand jour ? Comment était-ce possible ? Les gens avaient-ils perdu la vue et le bon sens pour ne pas le voir le jour ?
Et au Magot Public, les agents comptables n’avaient-ils pas toute sa vie entre leurs mains ? La date et le lieu de sa naissance, la date de son maria

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