Le grand ciel
100 pages
Français

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Le grand ciel , livre ebook

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Description

"La riche vie du ciel, elle, se poursuit là-haut, baignée de lumières, arpentée par les vents, peuplée de nuages tellement présents et si mobiles, avec leurs silhouettes, leurs couleurs et leurs mouvements. Là se poursuivent les remous infinis : dilatations, étirements,... chorégraphie sans limites. Comédienne, lectrice, Chantal Saragoni relie l'évanescence de la lumière au bonheur fugace d'ouvrir les yeux sur le monde. Elle vient de l'école du mouvement par la danse et par le mime : étirer le corps et regarder le ciel n'est pas le moindre des gestes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 271
EAN13 9782296936140
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le grand ciel
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http:// www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12618-3
EAN : 9782296126183

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Chantal SARAGONI


Le grand ciel


L'Harmattan
Amarante

CHASSES (FEMMES, OISEAUX, INSECTES) (décembre 2009)
Récits
Bruno Sibona

ENTRE AMOUR ET AMERTUME (juillet 2009)
… et nous quittâmes lAlgérie, meurtris
Djilali Boukhari

DOUBLE TOUR (février 2010) Roman
Marguerite Bourdet

LA CARPE MIROIR (février 2010) Roman
Patrice Haffner

L’ALIÉNÉE (mars 2010) Roman
Myriam Kissel

AUX QUATRE VENTS (mars 2010) Roman
Arnaud Freyder

HISTOIRES DE VIEILLIR (mai 2010) Entre fiction et témoignage
Catherine Artous

L’IMPOSTEUR (mai 2010)
Amine Issa

LA POSITION DU DEMISSIONNAIRE (juillet 2010)
Fabrice Gourdon
À Joseph Klatzmann, attentif à la
vie, à la terre, mais aussi au ciel qu’il a tant observé.
Exercice essentiel dont témoigne la brassée de
photos retrouvées après sa disparition, par
laquelle j’ai découvert avoir été comme à ses
côtés, dans l’assemblée invisible de tous ceux
qu’enchantent l’architecture changeante des
nuages et leur émouvante luminosité.
DU MEME AUTEUR


JULIA FELIX
Texte dramatique, pièce créée dans les fouilles
de Vaison-la-romaine le 20 septembre 1997


EN EAUX PROFONDES
Texte dramatique, pièce créée au Musée
national Eugène Delacroix le 14 septembre
2009


LA LANGUE DE LA DIVINE COMEDIE
In Enfants d’italiens Géhess éditions 2009
« L’être rêvant sent que jamais le bleu du ciel
ne sera son bien possédé. »


« Les nuages sont une matière d’imagination
pour un pétrisseur paresseux »


Gaston Bachelard
L’Air et les Songes
1
La clarté du jour revenait, irriguant le monde, nous le révélant à nouveau, et moi, tête baissée, je courais dans les rues, indifférente à cette forme de douceur qui fait chaque matin progresser la lumière par degrés jusqu’à nos visages. Même au moment où le soleil surgit dans un ciel matinal, là-bas, hors de ce lieu d’origine où le jaillissement est dru, blessant à l’œil, aux berges mêmes de la source, le feu amorce des déclinaisons de couleurs qui l’adoucissent déjà, et dans ces toutes premières minutes, les rayons franchissent l’espace et viennent croiser, en lisière de notre terre, des restes de brumes nocturnes qui édulcorent leur acidité initiale.
À la fin de leur longue course céleste, ils déposent d’un doigt léger quelques touches de miel clair sur nos visages.
Et je m’étais détournée à ce point ?
Sans un seul regard adressé à l’autre partie du monde, sans lever une seule fois le visage vers le ciel et la lumière trouble de ce matin, je me précipitais, prête à me laisser tomber quelques étages plus bas, dans ces artères aveugles qui doublent par-dessous les avenues de la cité.

Le mouvement d’écarts infimes par quoi les premières lueurs s’étendent – avancée graduelle, puissante aussi par laquelle, conquérantes pacifiques, elles envahissent tout, ne confisquant rien, à l’inverse nous restituant les choses de la vie et nous rendant à nous-mêmes – ce pas si doux du jour à son entrée dans le monde, je n’en avais cure et j’allais me jeter dans les circulations souterraines de la ville, là où règne le faux jour des néons, cette clarté dure et au contraire toute donnée d’un coup des éclairages artificiels…

Interrogée sur le prodige du matin, j’aurais à peine été capable d’en citer deux états et j’aurais dit « il faisait nuit, et maintenant il fait clair », avec cette inexcusable négligence qui nous fait un jour ouvrir la porte à un ami à qui on dit « entre » mais en le regardant à peine.
Bien qu’avançant à larges enjambées sur le trottoir, dans le court trajet à ciel ouvert qui mène à la station de métro, j’étais déjà privée d’essor, le corps soutenant une allure athlétique, mais l’âme éteinte.
Le regard rivé au sol, un pas jeté de côté pour éviter une poubelle de guingois ou doubler un marcheur trop lent, et quelques foulées prudentes sur la chaussée elle-même, le temps de contourner un groupe d’enfants chargés de cartables, je courais, et c’était contre le temps, contre moi-même, chaque pas arraché au précédent, avance rapide mais heurtée, courses brèves ponctuées d’écarts, de trépignements, de freins, et aussitôt reprises.

Pendant cette progression forcée entre les passants, j’avais pourtant senti que la lumière était faible. J’avais pris conscience de cela, de cette fragilité, de cette insuffisance, juste cela. Mon regard passait au crible l’espace au-devant de moi, sautant d’un objet à l’autre, d’un corps à l’autre, comme autant d’obstacles dont il fallait apprécier la distance, le volume, le temps probable de franchissement, l’interstice ouvert avant le suivant.
Et tandis que mes yeux butaient dans l’opacité de ces objets, un autre sens en moi appréciait ce qui advenait dans les intervalles, dans ce court moment de transparence entre les choses, là où se coule la lumière. Toujours sans lever les yeux, j’avais pensé qu’elle nous venait probablement d’un ciel pâle et fermé, bien que la nuit eût été claire.
Plus tard, ballottée par le train, je m’étais souvenue de cela : dans ma course, j’avais néanmoins prêté attention à la lumière, et, quoique si imparfaitement, si fugitivement, à la manière dont elle touchait les objets, les murs, les peaux. Façon pour moi d’être quand même reliée à la vie du ciel.
Je n’ouvrais pas le livre rangé dans mon sac, je ne pensais pas à la journée de travail qui s’annonçait, je ne regardais pas même les autres voyageurs, non, un autre regard grand ouvert en moi tentait de recueillir les traces d’une qualité entrevue.
Que la nuit eût été claire, je l’avais su, j’étais sortie sur le balcon vers une heure du matin. L’énervement bruyant de la rue s’était tu et j’avais regardé le ciel : peu d’étoiles, mais extraordinairement lumineuses, et cette sorte de réconfort à recevoir leurs signes…
Dans les premiers bonds de cette course toute hachée sur le trottoir, il y avait eu un moment où je m’étais même étonnée qu’une nuit aussi claire ait pu déboucher sur un jour si avare, avec cette lumière uniforme, présente partout mais partout anémiée.

À présent, raidie entre les corps des autres voyageurs, je demeurais dans cet étonnement. Je conservais l’image de la nuit, ce ciel piqueté d’étoiles, mais aussi, et comme superposée à cette empreinte, la perception presque tactile de la lumière hésitante de ce matin.
De l’une à l’autre quelque chose manquait. L’histoire du ciel s’était accomplie patiemment d’heure en heure pendant la nuit, mais sans moi. Restée en vigie sur le balcon, j’aurais suivi la transformation de la lumière nocturne, j’aurais vu progressivement le ciel se troubler, la lumière des étoiles chanceler, leurs pointes s’émousser. De toute cette histoire je ne savais rien, que la fin, avec ce jour blanchâtre par-dessus les tranchées de nos rues.

En chemin sous la terre, absorbant les secousses du métro, je fermais les yeux. En moi également je sentais le manque de lumière. Une matière confuse avait envahi mon esprit, brouillard impossible à traverser. Et de cette cécité intérieure, je ne pouvais incriminer le ciel. Ce n’était pas la lumière incertaine du dehors qui avait pénétré en moi, mais l’indolence même de mon regard sur le monde, cette puissance de rencontre aujourd’hui inemployée, devenue flèche nocive, qui s’était comme renversée en moi en propageant une opacité asphyxiante. C’était bien cette levée de

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