Le méli-mélomane
139 pages
Français

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Le méli-mélomane , livre ebook

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Description

Un rendez-vous sous la neige qui laisse une trace étrange... Une rencontre nocturne qui prend le train de l'amertume... Un destin croisé qui fait l'essuie-glace... L'apprentissage de la fuite et du temps... Un amour naissant pris à contre-pied... Chaque histoire révèle un monde qui ne veut rien dire mais qui a toujours le dernier mot... Journaliste dans la presse écrite régionale, Toni di Troia a publié un premier roman aux éditions L'Harmattan, Le Bonheur mongol (2009).

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 40
EAN13 9782296700468
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le méli-mélomane
Toni di Troia
Le méli-mélomane
Nouvelles
Du même aueur
Le bonheur mongol,LTHarmattan, 2009.
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Pour la seconde fois en une semaine la sonnerie du réveil ne retentit pas. Un mouvement machinal se chargea de l’extirper de son lit avec, tout de même, un bon quart d’heure de retard. Dans la salle de bain il décida de ne pas prendre le temps de se raser, mais il eut celui de remarquer un bouton de fièvre qui enta mait sa lente et hideuse combustion au bord d’une lèvre. “Et merde ! Herpès de merde !” Il eut une grimace dégoûtée puis se hâta vers la cuisine poursuivi par le désir colossal de retourner se coucher. Par chance il restait du café de la veille. Mais il lui brûla la gorge, qu’il avait pâteuse, et y dé posa son amertume. Les trois quart de la tasse se re trouvèrent dans l’évier et lui dehors, la paupière tom bante, les gestes lourds. Quand il sortit de l’immeuble une pluie battante le prit au dépourvu. Dans son demi sommeil il ne l’avait ni vue ni entendue. Trop tard. Il ne remonterait pas les trois étages pour aller chercher un parapluie : il avait tout juste le temps de prendre le bus de 8h00. Juste ment, celuici passait, embué de monde, de l’autre cô té de la rue. Trempé de dépit autant que de pluie il ne
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se précipita même pas. Il ralentit au contraire. Fina lement il s’assit sous l’abribus vide, sans même con sulter les horaires qui l’eussent renseigner sur le pro chain passage. “The rain falls hard on a hundrum town, this town has dragged you down...”Les paroles de Morrissey montaient en lui comme l’emblème mélodique de son humeur. Il adorait les Smiths, ce parfait dosage de force et de douceur, de véhémence et de mélancolie, de simplicité et de subtilité. Un rock typiquement an glais. Il était d’ailleurs très anglais question musique. Il pensait que ce qui était né outreAtlantique s’était très largement bonifié au contact des frimas britan niques. Luimême avait été musicien à vingt ans, et il se mordait du regret de n’être pas né làbas. Londres, Manchester, Liverpool ou Bristol, ambiances pro pices, émulations adéquates... Ses parents avaient choisi pour lui le sud de la France. Ils étaient italiens de surcroît et transportaient avec eux les pesantes valises des traditions lyriques. Ces deux faits réunis avaient engendré une interfé rence radicale, une racine contrariante d’incompatibilité. L’EtatCivil est le passeport du destin, même si le hasard en assure l’émission. Après seulement se pointent la physionomie, le tempérament ou les circonstances. “And every body’s got to live their life...”vie La d’Antoine c’était pour l’instant le visage dévisageant de son patron qui lui faisait signe.  Vous avez vu l’heure, M. di Napoli ? Il serra les dents, barrant ainsi la passage aux pa roles de mépris qui affluaient dans sa bouche.
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 Ecoutezmoi bien, poursuivait l’autre. Il me semble que ça n’est pas la première fois ce genre de retard. J’exige que ça ne se reproduise plus, vous m’entendez ? Sinon je me verrais obligé de me passer de vous. J’espère m’être bien fait comprendre. Le silence un peu vague de son acquiescement au rait dû trahir le peu d’importance qu’il accorda à cette réprimande. Quel soulagement c’eût été de pouvoir envoyer chier ce petit grassouillet imbu de sa fonc tion, ridicule dans son costumebureau, cet irrémé diable étranger. Les promiscuités désobligeantes font partie des aspects sordides du monde du travail. Mais il tenait à conserver son job. La période difficile qu’il traversait ne lui permettait aucun dérapage, aucun écart. Il fit le canard.  Bien sûr.  C’est bon. Allez vous changer et mettez vous au travail sans tarder. “Pauvre connard !” marmonnatil en allant au ves tiaire. Dix minutes plus tard il se dirigeait vers la ré serve où un chargement l’attendait. Il était magasi nier. Ou plutôt il faisaitmagasinier. Une tâche le comme une autre, somme toute aussi absurde que n’importe quelle autre. Des marchandises à décharger d’un camion, à ranger dans des allées, à distribuer se lon la demande, et ainsi de suite. Inlassablement, quo tidiennement. Cette voie de garage révélait et consacrait l’impasse de sa vie. Les femmes vous mettent au monde sans prévenir. Un jour on est au pied du mur et c’est l’escalade forcée. Antoine n’avait pas réellement les mollets faits pour ça. Une grande partie de sa cer velle errait en permanence dans les herbes folles
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d’une espèce de terrain vague mental, seulement trou blée par la respiration régulière et polychrome de ses émotions musicales. En deçà de cet état tertiaire, au quel il devait sa nonchalance, il ne percevait que lour deurs dérisoires et futiles blessures. C’est pourquoi il se pliait aux mécanismes couplés de l’envie dans la survie  et vice versa  plus qu’il ne les contrôlait. Plusieurs fois il avait bien tenté de rap procher ses antagonismes, d’estomper les dissensions existantes entre ses capacités de rêve et ses opportuni tés d’action. En vain. Pour finir il s’en remettait à l’argumentaire socioéconomique : “Après tout je m’en sors pas si mal. J’ai un boulot et par les temps qui courent c’est presque un privilège !” Et c’est vrai que l’époque rendait possible ce paradoxe. Les hommes payaient très cher leur culte de la modernité. Un même mouvement les faisait se jeter à l’assaut des étoiles et laissait la plus noire mi sère tranquillement s’installer un peu partout sur terre. En quelques années le travail s’était majoré d’une va leur exorbitante, celle de la rareté. Sans travail l’exclusion, l’ostracisme, l’enfer à côté des autres. Antoine avait senti très tôt la place démesurée du vecteur économique. Cette démesure l’écrasait, lui qui se diluait souvent dans les passions simples : dormir, rêvasser, paresser, s’abreuver de musique... Le drame c’était bien de devoir sacrifier ces passions sur l’autel social. Un certain contrat communautaire, effectif de puis au moins deux siècles, interdisait toute évasion décalée, toute dérive strictement privée, tout relâche ment oisif.
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