Le poirier du Pech
205 pages
Français

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Le poirier du Pech , livre ebook

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205 pages
Français

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Description

Sylvan, collectionneur de silences et de nuages, doit quitter sa ferme natale de l'aneyron pour une maison de retraite à Toulouse. Arrachement. Choc. Vide. Sylvan n'est plus que Sylvestre. Mais au milieu du rien, Lucie offre son sourire, ses livres et ses paroles, sa musique surtout- qui retrouve le visage de ménie. Sa tendresse, enfin... Et l'exil prend la forme d'un épanouissement? Si le Mal du monde transparaît, la douceur humaniste et la poésie baignent ce roman aux personnages pas tout à fait ordinaires...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 31
EAN13 9782296247123
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Poésie
Plain-champ. Caractères, 1994 — Prix Georges Perros, 1993.
Entre songe et silence. Les Amis de la Poésie, Bergerac - Prix de la Ville de Bergerac, 1994. Prix de La Belle Aude 1994.
Ligne de Vie. L ’Ancrier,1997 — Prix de l’Encrier, 1996.
La bonne aventure. Le cherche midi, 2002 - Prix Amélie Murât de la Ville de Clermont-Ferrand, 2002.
Ton rêve pour mon rêve . Club Richelieu de Châtelguyon. Prix Richelieu, 2006

Collaboration aux anthologies
Les plus belles pages de la poésie tendre et sentimentale. Le cherche midi, 2003.
La poésie française contemporaine . Le cherche midi, 2004.
Les plus beaux poèmes pour la paix. Le cherche midi, 2005.
La Bibliothèque de la poésie. France Loisirs, 2004.
L’Anthologie de la poésie française . Larousse, 2007.
Le poirier du Pech

Gilles Sicard
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296109223
EAN : 9782296109223
Sommaire
Du même auteur Page de titre Page de Copyright Dedicace Écritures
A mes ancêtres paysans.
A maman, sans qui ce livre n’existerait pas.
A mes enfants et petits-enfants.
La bonne musique ne se trompe pas, et va droit au fond de l’âme chercher le chagrin qui nous dévore.
Stendhal, Vies de Haydn, Mozart et Métastase.
La musique creuse le ciel.
Baudelaire .
T ourner la clef, comme sans y penser, les yeux sur la couleur du ciel. Un deuxième tour ? la serrure grince. Emietter le pain pour la mésange. Descendre d’un pas normal, ni vite ni lentement. Dernière marche, dernière fois. Le pied hésite, recule.
— Attends, je reviens...
Les mains sur le volant, Rémy s’impatiente à mi-voix :
— Papa ! on n’est pas en avance…
Sylvan cherche la clef dans une poche, la trouve dans l’autre. Elle ne le suivait jamais. Il pousse la porte, et l’ombre épaisse, étrangère. Depuis combien d’années les volets n’avaient pas été fermés complètement ? D’une main souple il remonte la pendule. « Tic-tac-tic-tac… » : pendant huit jours un cœur battra dans le silence… Vite, ressortir, sans arrêter le regard sur l’étagère : le fuseau de Ménie, le bougeoir, la photo du père soldat, l’araignée dans sa toile, épargnée : elle tiendra compagnie à la maison… La serrure grince.
Sylvan se penche vers la voiture, s’immobilise, fait demi-tour :
— Deux secondes encore, j’ai oublié…
Il grimpe à nouveau l’escalier, ouvre, prend le couteau, le glisse dans la poche. Le repose à côté du coing laissé pour le parfum — contre l’odeur de cendre froide. Pourquoi emporter le couteau ? Quel besoin là-bas ? Sa place est ici, au bout de la table. Ou dans la poche du pantalon de travail, qui reste dans l’armoire… « Tic-tac-tic-tac » : le cœur du silence a-t-il déjà battu si fort ?
La serrure grince.
— C’est bon, on peut y aller ?
C’est bon  ! Sylvan s’assoit près de son fils, un peu courbé, sur le bord du siège. Puis contre le dossier. Droit, digne. Partir vite maintenant, sans se retourner.
Tu n’as pas fermé la chatière…
— Non.
Sylvan n’a pas envie d’expliquer. De parler.
— Plus d’homme, plus de nourriture : plus de rats. Inutiles les chats !
La voiture démarre, s’arrête.
— On a crevé ! Ça devait arriver. La commune pourrait boucher les nids-de-poule même si la route ne dessert qu’une ferme. Tu paies tes impôts quand même !
Sylvan descend de la voiture, s’assoit sur la pierre. Effleure la grosseur de la poche. Oui, finalement il a bien fait de l’emporter : un couteau ne quitte pas son maître.
— Il commence à pleuvoir, mets-toi à l’abri. J’en ai pour un moment, les vis résistent.
Sylvan marche vers la grange, s’arrête sous le tilleul. S’adosse au vieux tronc, face aux principaux bâtiments de la ferme. Si nets, si présents... sans vie désormais. Fermer les yeux... Dans la combe le ramier s’épanche. Plus doux ce soir… tellement… Allons, rester calme, les yeux grand ouverts.
— Voilà ! C’est dévissé.
Les géraniums ont quitté le balet 1 pour la remise de Guillaume : le gel ne les atteindra pas… Sur la porte de la cave le gros cadenas vissé ce matin brille. Il ne protègera qu’un fond de barrique, la dernière vendange est allée directement chez Roger. Combien de temps peut survivre l’odeur ?
Le grenier perd son bouquet. « 1702 . 300 ans : ça se fête ! » Rémy a fixé au pignon quelques poignées d’avoine et des marguerites. « Dommage qu’on ne puisse pas citer les maçons. »
La porte reprendrait bien un coup de peinture… Un peu de blé a été laissé aux arques 2 , pour l’illusion…
Contre le puits, le rosier de Ménie donne sa dernière fleur de la saison. « Toujours la plus belle, ne la coupe pas, Sylvan ! tu peux l’offrir sans la porter au cimetière, par la pensée : ta pauvre mère en profitera plus longtemps. » Ménie… La seconde mère après la mort de la première. Sylvan avait deux ans.
— Tu contemples le pigeonnier, Papa ? Dans le flou du soir, on dirait qu’il va danser…
Le pigeonnier : « Un chef d’œuvre d’élégance. Les quatre colonnes en champignon paraissent fragiles, mais depuis deux siècles et demi elles supportent sans broncher la vaste demeure cubique toute à colombage, son toit en pavillon, et le clocheton final délicatement effilé », précise le Catalogue du patrimoine . Vingt fois coupé le lierre repart à l’assaut.
Le mur du jardin remet du ventre, non ? Ce mur a failli faire de Sylvan un maçon. C’était l’année de l’entrée à l’école. « T’as vu cette bosse ? on va rebâtir tout le mur. » Et Sylvan s’est passionné à choisir les pierres, à les marier , rageant de manquer de force pour les porter lui-même. « Papa, celle-ci ! ou plutôt celle-là, un peu plus claire, un peu moins longue… Plus tard je construirai des maisons, et des châteaux ! » Mais quand le Père s’est cassé la jambe, la vigne et chacune des terres de la ferme imposèrent tout naturellement au garçon de treize ans son devoir de paysan.
— Je vais chercher la pompe du tracteur, la roue de secours est à plat !
Rémy traverse la cour, longe la mare, murmure :
— Ce vide...
Les oies, les poules, les coqs, les canards, les pintades, les pigeons, leurs parades et leurs chamailleries ont disparu dans le camion du volailler. Avec les lapins.
La jeune Mira qui courait toujours partout a pris pension chez Guillaume en début d’après-midi.
Pour la première fois la grande herse et la charrue ont trouvé place sous le hangar.

— Ta pompe fonctionne mal, la soupape est sèche.
Rémy a parlé sans doute.
— On partira quand ?
Rémy, étrangement réel dans ce silence…
Soudain, claquement du côté de la lapinière : le vent vient de rabattre la porte contre le mur. Trou noir brutale anomalie.
— Bon, on va y aller tout doux. Je n’ai pas pu gonfler suffisamment la roue de secours, on s’arrêtera à la station-service.
Partir tout doux  !
La porte de la lapinière bat plus fort. Ses coups résonnent dans chaque arbre, chaque pierre. Rémy court la bloquer.
Sylvan marche vers la voiture, les yeux sur le Pech 3 , derrière la maison. « Certains ont la mer, d’autres la Tour Eiffel, nous c’est le Pech », disait Ménie. « Prends le temps de le regarder, Sylvan. Dès le réveil, pour donner de l’élan à ta journée. Il rapproche du ciel sans éloigner de la terre. » Le Pech, force douce au milieu de la peine des heures… Pour regarder vers le haut.
— Papa, tu viens maintenant ?
Sylvan s’est arrêté. Il fait semblant de pisser : il contemple encore le monde.
Le maillage des haies. Celui des murettes… Petit berger, protégé du soleil et du vent il tressait un panier, ciselait une canne, taillait un sifflet… dessinait sur un cahier les plus beaux nuages, leurs métamorphoses — l’éléphant prenant son envol…
— J’arrive.
Sylvan se presse. Fait deux pas en arrière, libère les branches du chèvrefeuille emmêlées par l’orage. Avance plus vite, pousse en passant une pierre plate sous l’hortensia : elle prolongera l’humidité.
Au moment de fermer la portière, il se fige. « JE PARS ! » Soudain « je pars » remplace « je vais partir », ces trois mots qui depuis quelques semaines tenaient lieu de pensée.
— Qu’est-ce que t’as suspendu à la poutre du balet ?
— Un esquilou. 4
Sylvan n’ajoute pas : « Avec l’autan, il causera à la maison. »
Le cadenas brille. Des feuilles tombent sur l’escalier. La voiture démarre.

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