LE QUIMBOISEUR
288 pages
Français

LE QUIMBOISEUR , livre ebook

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288 pages
Français

Description

C'est l'histoire de deux marginaux affrontés à une société coloniale. L'un finira décapité, l'autre au bagne de Saint-Laurent en Guyane. Le Quimboiseur, c'est le bagnard. C'est aussi l'homme à l'ibis rouge qui hante la forêt et les berges du Maroni, celui du datura et des plantes magiques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 1999
Nombre de lectures 130
EAN13 9782296367487
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Quimboiseur<0L'Harmattan, 1999
ISBN: 2-7384-6818-7Danielle DAMBREVILLE
Le Quimboiseur
Roman
L'Harmattan L'Harmattan Inc.
55, rue Saint-Jacques5-7, rue de l'École Polytechnique
75005 Paris.. FRANCE Montréal (Qc) . CANADAH2YIK9Collection Lettres des Caraïbes
dirigée par Maguy Albet
et Alain Mabanckou
Déjà parus
Lucie JULIA,Mélody des Faubourgs, 1989.
Alice DELPECH,La dame de Balata, 1991.
Alice DELPECH, La dissidence, 1991.
Michel PONNAMAH,Dérive de Josaphat, 1991.
Roger PARSEMAIN , L'Absence du destin, 1992.
Sonia CATALAN,Clémentine, 1992.
Daniel BOUKMAN , Et jusqu'à la dernière pulsation de nos veines (réed.),
1993.
Clothilde G. THÉMIA, Laféodale. Majorine à la Martinique, 1993.
Daniel BOUKMAN , Chants pour hâter la mort du temps des Orphée ou
Madinina île esclave..., 1993.
Ernest MouTOUSSAMY, Des champs de canne à sucre à l'Assemblée
nationale, 1993.
Jeanne MAx, Jivaros, 1993.
ERNESTMOUTOUSSAMY, Chacha et Sosso, 1994.
Yanick LAHENS, Tante Résia et les Dieux, (nouvelles), 1994.
Jean-Louis BAGHIO'O, Choutoumounou, 1994.
Joscelyn ALCINDOR , Cravache ou le nègre Soubarou, 1995.
Ernest MOUTOUSSAMY , Aurore, (réed.), 1995.
JEANZébus, Deux et deux font quatre, 1996.
Pascale BLANCHARD-GLASS, Correspondances du Nouveau Monde, 1996.
Sylviane TELCHID,Throvia de la Dominique, 1996.
Evelyne TROUILLOT, La chambre interdite, 1996.
Jocelyn ALCINDOR, Zabriko Modi, 1997.
Jean ROCH,Grigne au vent, 1997.
Michel ECLAR,Les champs coloniaux du malheur, 1997.
Sylvaire Jean ZÉBUS,Idora, 1997.
Liliane LISERON,La plaie danse avec la douleur, 1998.
Mona GUÉRIN,Mi-Figue Mi-Raisin, 1998.
José LE MOIGNE,Chemin de la Mangrove, 1998.
Danièlle DAMBREVILLE, L'arbre sacré, 1998.
Ernest BAVARIN, Le cercle des Mâles Nègres, 1999."Qui a tué un homme est un meurtrier;
qui en a tué des milliers est un héros."
Proverbe indien.
1780 à la Bourse de l'ébène...
Marche danse saute cours reviens
montre tes dents ouvre la bouche
baisse-toi nègre écarte les fesses
chante fais le beau
Et le Commandeur soupèse les couilles au bel
étalon
à qui Jésus fit don de coeur d'âme et de peau
nOIre
- Qui veut de ma pièce d'Inde c'est 100
piastres et un fusil
- J'achète grogne une pipe que coiffe un
chapeau de paille
- 115 piastres surenchérit une mantille de
Manille
... 1986 à la Bourse de Paris
- "Saint-Gobain j'achète" ordonne le rejeton
du chapeau et de la mantille
Jean-Henri Azéma
Au soleil des dodos (le dodo moringueur)
Editions caribéennes
7L'ombre était douce dans le jour qui finissait.
La rivière était belle. Toutes les rivières sont belles
dans ce pays. Elles sont infinies. Comment la nature
a-t-elle pu créer de tels lits pour que se bouscule tant
d'eau? Ce n'est jamais une eau limpide, mais c'est
une onde épaisse et lourde, labourée de vie, colorée
de cette tendresse grise des alluvions tropicales.
Un vol d'ibis rouges ensanglanta le ciel. L'air
frémissait d'une beauté sauvage. Sous le grignon, les
oiseaux faisaient un tapage incessant et étourdissant.
Ils exorcisaient ainsi leur peur de la nuit qui
approchait. Une rumeur mélancolique venait de la
forêt, la même tous les soirs. C'était le grand soupir
de la jungle qui se débattait avec ses écorcheurs:
chasseurs, chercheurs d'or, équarrisseurs...
Il était là, heureux, détaché de tout, du malheur,
du bagne, de la vie, un ibis rouge à côté de lui. Son
ibis rouge. L'animal avait posé une de ses grandes
pattes d'échassier sur le bras nu de l'homme. Ils
restaient tous les deux, immobiles sur la berge, à
contempler l'esprit de la rivière dans le miroitement
du soleil couchant.
"Hé, Calendrin! c'est l'heure de rentrer." Le
garde-chiourme avait jailli silencieusement d'un
taillis, comme un félin à l'attaque. Le bagnard se leva
9péniblement. La journée avait été difficile. Toujours
cette satanée route coloniale à entretenir! Il avait vu
l'enfer avec un ciel voilé qui retenait l'humidité et
écrasait l'air d'une insupportable chaleur. Il n'aimait
pas ce ciel sournois qui s'amusait à cacher le soleil
pour mieux vous étouffer. Il avait alors une
transpiration épaisse qui l'irritait et lui paraissait
inexplicable car tout son corps était si desséché qu'il
semblait ne sécréter que la maladie et la mort.
Il avançait, les jambes raides, l'ibis perché sur
l'épaule. Le garde-chiourme, lui, labourait le sol de sa
démarche lourde et grossière. A chaque pas, il
soulevait un panache de poussière ocre qui sédimentait les
alentours. "Quel balourd! pensa le bagnard. Aussi
balourd dans sa démarche que dans sa tête!"
Au passage, le prisonnier salua Ma-Zabeth,
MaZa, son amie, sa mère, sa soeur, son frère, son père...
Ma-Zabeth, la possibilité de l'amour, d'une tendresse
tardive. Ma-Zabeth! Marginale comme lui, cafrine à
deux coeurs et sept peaux, qui cultivait la solitude
dans son carbet tremblant à la lisière de la jungle.
"Alors, Ma-Za, la vie a été belle aujourd'hui ?"
A la vue du bagnard, le visage de la femme
s'éclaira. "Oui. Très belle. De magnifiques aras n'ont
pas cessé leurs cris guerriers perchés sur mon
fromager. Ils viennent de plus en plus nombreux et de
plus en plus souvent. Presque régulièrement. On
dirait que ma présence les a apprivoisés. Ça fait
10vraiment plaisir. Et toi, le Quimboiseur! Comment
va?" dit-elle avec entrain.
Le Quimboiseur! un mot qui avait fini par
caresser son coeur durci, un nom que lui avait donné
Ma-Za. Elle ne l'appelait jamais autrement. "Avec
ton air de nulle part, la folie de ton regard, ton amour
de l'invisible et ce pouvoir des plantes qui te possède,
je ne peux t'appeler autrement" avait-elle dit. Et les
autres, toute la Guyane, de Saint-Laurent à Cayenne
en passant par Mana, du moindre placer à la moindre
crique, finirent par l'appeler ainsi. Il n'y avait qu'au
bagne qu'il était Calendrin. Mais le bagne, c'était
autre chose. Etait-ce vraiment la vie?
Le Quimboiseur! Elle avait forcé le terme, forcé
le respect pour lui, le bagnard. Et on le respectait car
Ma-Zabeth était respectée. On lui octroyait volontiers
des pouvoirs surnaturels. Car cette négresse qui
assumait une solitude d'ermite dans un environnement
hostile de serpents, de jungle, de misère, était capable
de jouer sur les esprits, les bons et les mauvais. Et il
n'y a rien qui porte au respect que cela. On la
craignait, par conséquent on la respectait. On venait
la voir pour ses décoctions-miracle, ses bons conseils,
on lui montrait même sa déférence pour se protéger
du mauvais esprit.
"Ce n'est pas moi, c'est lui, le Quimboiseur.
C'est lui qui sait tout, disait-elle invariablement.
Regardez cette vilaine cicatrice. Elle montrait alors sa
11jambe. Ce fut une horrible plaie comme savent faire
les bêtes d'ici quand vous vous reposez
innocemment. La gangrène était déjà là. Je puais comme une
charogne et il m'a guérie. Le Quimboiseur m'a guérie
alors que les docteurs de France, ceux de l'hôpital,
ceux des blouses bien blanches, ceux des diplômes
sans fin, n'ont rien pu faire. Il m'a sauvée, lui, pour
rien. Comme ça. Il a nettoyé la plaie, posé un
cataplasme, m'a fait boire un breuvage amer puis s'en est
allé sans rien dire comme poursuivi par un esprit.
Tous les jours, il revenait et refaisait la même chose
jusqu'à ce que je sois guérie. Sans une parole, avec
seulement un regard d'illuminé. Pourquoi m'as-tu
soignée lui ai-je demandé à la fin ?" "Pour rien, me
répondit-il. Ou alors, peut-être bien pour ta solitude,
ta marginalité, cette fragilité qui fait ta force. Je suis
un solitaire moi-aussi. Peut-être également parce que
tu ne demandes rien. Tu ne mendies pas, toi. Tu es là,
avec ton carbet, ta pauvreté, ta fierté et tu fais face. Je
dis que tu fais face. Tu crèveras mais tu fais face. Et
ça, ça secoue, même un bagnard comme moi." Ce fut
'
ainsi qu'elle lui avait ouvert les bras de sa solitude.
Le Quimboiseur était devenu à la fois son
protégé et son maître. Son maître, oui! alors qu'elle

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