Le temps d un silence
177 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le temps d'un silence , livre ebook

-

177 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

De son séjour de deux ans en Nouvelle-Calédonie, en tant qu'enseignante, l'auteur nous livre ses découvertes et ses réflexions sur l'atmosphère et la culture Kanak. Lucide et attentive, elle nous entraîne avec enthousiasme et nous enrichit de son regard sur cette île Pacifique, où tout invite à un retour au calme, à l'essentiel peut-être...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2005
Nombre de lectures 37
EAN13 9782336257983
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur:
« D’elles à eux » Nouvelles L’Harmattan, 2000
« Une pause à Tivaouane » Récit de voyage L’Harmattan, 2002
« Communiquer en anglais à l’hôpital » Méthode d’apprentissage Estem, 2004
« Réussir son stage en anglais à l’étranger » Méthode d’apprentissage De Boeck, 2005
Photo de couverture Denis Lenoble
Le temps d'un silence
Chronique calédonienne

Francy Brethenoux-Seguin
© L’Harmattan, 2005
9782747579414
EAN : 9782747579414
A mes amis kanaks

Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace L’envol Dréna, le cyclone Au dispensaire de Bélep Premiers liens kanaks Rentrée des classes Kermesse à Ouenpoues Quatrième et troisième DP La grotte aux esprits Le chef Ataï Premier départ Le sourire d’Augustine Conférence à Tiendanite Feux de brousse Prêche à Napoémien «Le Cri du désespoir» Un racisme transposé Coutume de deuil Les frères de Hienghène «Les Médiateurs» Glossaire
L’envol
Enfin !
L’avion va me déposer sur un morceau de terre égaré dans le Pacifique. Au regard de mes amis, je fais partie de ces audacieux qui réalisent une partie de leurs propres rêves. Au regard des envieux, je fais partie de ces rêveurs qui ont l’inconscience de croire que tout est mieux ailleurs. A trente ans, je suis une femme qui n’a rien à fuir, si ce n’est le gaspillage du temps qui me dérobe le présent.
J’aurais eu mille raisons de rester en France et de poursuivre la vie que j’appréciais. J’ai mille raisons de partir en Nouvelle-Calédonie. Mais si je devais en retenir une seule, je dirais que je pars rejoindre l’homme que j’aime et que je ne fais que tenir la promesse que nous nous étions faite, il y a sept ans, lorsque nous nous sommes rencontrés. Cette promesse, je la tiens dans mes mains. Une lettre que je relis pour la deuxième fois depuis que l’avion a décollé de Bangkok :
« Mélanie,
Ainsi prenons-nous aujourd’hui la décision du partir pour vivre notre amour dans un autre pays, le découvrir dans une autre culture. Combien de discussions auront été nécessaires pour parler de ce projet ? Combien d’années nous aura-t-il fallu pour franchir le passage entre rêve et réalité ? Le temps de terminer nos études, le temps de nous installer dans nos métiers, le temps de comprendre qu’il était temps de rompre avec le quotidien. Nous avons vite refusé de répéter l’identique, de revivre les mêmes expériences et les mêmes obstacles, ceux qui font renoncer à toute transformation.
Aujourd’hui, nous décidons de réinventer le passé pour qu’il ne ravisse pas la place au présent et au futur. La brûlante nécessité de transformer notre vie en découvrant ensemble des épreuves et des intérêts nouveaux est arrivée à un point de non-retour. Le moment est venu de mener une vie différente, où nous refusons ce qui rassure. Ce changement, je le mènerai souvent comme un combat ; toi, tu y mêleras la poésie et la faculté que tu as de t’émerveiller de nous et du monde.
Ce ne sera pas facile tous les jours, notre expérience quotidienne se trouvera radicalement modifiée par ce projet commun, mais nous affronterons ensemble les problèmes, lutterons côte à côte pour qu’il se réalise au mieux. Le partage de nos étonnements et de nos épreuves nous permettra de réinterpréter le monde, de réaffirmer nos droits de l’imaginaire sur la réalité, notre lutte contre l’existant.
Si l’on ne peut changer le monde, essayons au moins de participer à son évolution d’une façon constructive et positive.
A la femme que j’aime,
Vincent »

Je plie la lettre et la remets dans mon sac.
L’avion va atterrir dans moins de dix minutes. Mon visage reflète à peine la fatigue du voyage. J’ai pu dormir près de la moitié du vol. A partir de Bangkok, les deux sièges près de moi se sont libérés, Il faut vingt-trois heures d’avion pour couvrir les vingt-deux mille kilomètres qui séparent Paris de Nouméa... Je suis surprise de découvrir que cette île est presque entièrement habitée par la chaîne montagneuse qui la partage en deux du nord au sud, n’accordant au bord de mer qu’un espace étriqué vu d’avion. La lumière matinale permet au lagon vert-bleu d’exprimer pleinement sa transparence turquoise. L’avion s’en approche. Mon regard s’y engouffre.
Près de trois mois que nous ne nous sommes pas vus. Vincent a trouvé de métropole un poste d’infirmier itinérant en Province Nord. Il est parti le premier, début octobre. Je n’ai pas voulu quitter en milieu de trimestre l’école où j’enseignais, aussi ai-je préféré le rejoindre en janvier. C’est ma première infidélité à Angoulême. Je n’ai encore jamais quitté ma ville natale. Quelques semaines ne furent pas de trop pour prendre congé des vieilles ruelles qui m’ont vue grandir et saluer une dernière fois amis et famille. Je pressens déjà le manque que j’aurai d’eux.
L’heure n’est pas à la nostalgie, mais aux retrouvailles. Les formalités de douane terminées, je peux enfin quitter la chaleur moite et étouffante de l’aéroport. Vincent est là. Nous nous regardons. Nos deux silhouettes s’approchent, se serrent, se reconnaissent puis s’écartent. Seuls les yeux expriment dans la retenue ce que nos corps n’osent manifester dans cette foule indiscrète. Il me prend par la main et me dit rapidement en m’amenant vers la voiture :
« Je suis venu avec Joseph, l’ambulancier du dispensaire. Nous avons dormi dans sa famille, hier soir à Nouméa. Tu vas voir, il est très gentil. »
J’aurais préféré partager ces premières heures, seule, avec Vincent. Je me demande pourquoi il n’y a pas pensé. Il y a pensé, me dira-t-il plus tard. Mais je ne sais pas encore qu’en brousse, on laisse rarement passer une occasion de descendre à Nouméa quand on n’a pas de voiture. C’est le cas de Joseph. Je m’installe à l’arrière. Dès les premières minutes, je saisis à quel point ces deux hommes sont proches.
La route qui mène à Hienghène est longue. Très longue lorsqu’on la découvre pour la première fois. Très, très longue quand on l’observe d’un regard qui est décalé de neuf heures. Est-ce la fatigue ou le désappointement de ne pas être seule avec Vincent qui donne de ce paysage une impression décevante ? La terre calédonienne est ainsi faite. Elle vous donne très peu lors de la première rencontre. Il faut l’apprivoiser et y revenir plusieurs fois pour en apprécier toutes ses rondeurs, ses verts et ses silences...
Vincent me lance des regards discrets dans le rétroviseur. Je commence à m’endormir. J’ai lutté contre le sommeil jusqu’au col des Roussettes. Il me confiera plus tard qu’il aurait aimé me réveiller, en traversant Poindimié, pour que je découvre la façon sauvage dont la nature s’épanouit sur la côte est. Nous arrivons à la tombée du jour.
C’est à l’ombre orangée et bleutée de cette première nuit que nos corps et nos mots explosent, se posent et se fondent dans la moiteur tropicale.

Le lendemain matin, Vincent m’amène au point de vue surplombant la baie de Hienghène et ses falaises noires plantées dans la mer. Elles se sont détachées du rivage et l’eau salée, artiste subtile, les a sculptées, ici en poule couveuse, là en sphinx.
« La plupart d’entre elles gardent le secret de leur légende, m’explique Vincent. A la nuit tombante, il faut voir ces milliers de petits anges noirs s’échapper des falaises de Lindéralique.
– De quoi parles-tu ?
– Des chauves-souris qui attendent l’obscurité pour saluer l’ombre de la nuit. Audacieuses, elles esquivent habilement les coups de feu des chasseurs qui les dégustent dans un bougna ou en civet ! »
L’après-midi même, nous quittons la côte est pour nous rendre au dispensaire de Ouégoa, où Vincent doit assurer un remplacement d’un mois. Il m’explique qu’il ne peut pas quitter les tribus alentours sans dire au revoir aux amis qu’il s’est déjà faits. Arrivé à Ouaré, il demande aux enfants près du pont de la Tanghène s’ils ont vu Joseph, l’ambulancier :
« Oui, il est là-bas. Il pêche à l’épervier. »
Un corps noir, b

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents