Léon de Mézières, le joyeux guerrier
258 pages
Français

Léon de Mézières, le joyeux guerrier , livre ebook

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258 pages
Français

Description

Vivant en milieu périphérique de Paris, où s'épanouissent les nations que la France décolonisatrice a logées dans des cités de plus en plus autonomes, une mère et un fils, eurasiens, enquêtent paisiblement sur Alexandrine, l'épouse légitime de Léon de Mézières qui, joyeusement, fit de nombreux enfants à Nini de Tandin'h, en Indochine.
Alexandrine est gouvernante d'un colonel organisateur de la mobilisation du 1er août 1914, date qui confirme les prophéties de Léon de Mézières alors qu'il initiait le colonel aux rites de l'holocauste du joyeux guerrier celte. Un monde s'apprête à disparaitre.

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Informations

Publié par
Date de parution 30 avril 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782140120473
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Harmatan.
Illustraîon de couverture : © François Hornn
 aux édiIons
François Hornn
Léon de Mézières, le joyeux guerrier
er 1 août 1914. Racines mythologiques
Léon de Mézières, le joyeux guerrier
er 1 août 1914. Racines mythologiques
FrançoisHORNN
Léon de Mézières, le joyeux guerrier
er 1 août 1914. Racines mythologiques
Du même auteur Le maître des pierres. Faire de l’art avec les mains et le cœur. Mémoires, L’Harmattan, 2014. © L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-17462-4 EAN : 9782343174624
1 Maman et Alexandrine
C'est vrai quoi !
Ma maison, où je demeure avec mon épouse est dans une rue en impasse. C'est très bien pour empêcher les voleurs de nous envahir, mais pas suffisant pour nous mettre à l'abri des égorgeurs de poules. Et lorsque viennent les heures de partir dans les bois, en prenant le chemin qui est après la barrière posée par l'ONF, on ne peut prétendre prendre le large, la forêt nous cerne en cercles diffus où tout peut disparaître. C'est la profondeur des abysses où se noient en un même mystère la profusion et la sécheresse, surtout en ce moment où le printemps lutte avec rage contre un hiver qui n'a jamais été très froid, mais dont l'humidité fait pourrir les chairs et les écorces.
Je lutte pour faire venir à moi les âmes d'Alexandrine, fortunes de mer, dit-on des bouts d'épaves que l'on ramasse sur les plages au lendemain des tempêtes. La mer m'emmerde. C'est le plus grand cul-de-sac que je connaisse, alors pourquoi faut-il que je pense à la grande mer lorsque je veux dire l'existence d'Alexandrine ? C'est une femme que je n'ai jamais vue. Personne dans mon entourage ne se souvient d'elle, certains savent qu'elle fut la cause de notre bâtardise, mais ignorent tout d'elle. Ma mère, vivante, aimait en évoquer l'existence avec moi. Non point pour me dire ce qu’elle en savait, mais plutôt pour vérifier que je n’en sache trop. Comment me dire qu’elle avait même tenté quelques négociations, avec la dame, au sujet de partage de pensions de réversion ? Après la mort de notre père, Maman pensait que tout sujet de discorde avait disparu. La dame Alexandrine devant, dès lors, se muer en protectrice d’orphelins que son défunt époux fit à une autre qu’elle. Nous n’étions plus en Indochine où le plaisir d’adopter des enfants est toujours plus fort que le dépit d’avoir à partager l’homme dont de surcroit on fit un filleul lorsqu’il était déjà au bord de la mort. Il ne mourut point, sauvé par une médecine éclairée des
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applications de Marie Curie. Miraculé, selon les critères de l’époque, il s’enfuit au plus loin qu’il fut possible de celle qui aurait dû se trouver pensionnée comme veuve d’un « mort pour la France ». Lorsqu’il lui revint, de nouveau moribond et ne sachant où aller, elle s’était bien promis de le faire baver de rage jusqu’au-delà de l’enfer. Le pauvre est toujours resté, malgré lui, l'époux de la femme dont il voulait se débarrasser, et ne le fut jamais de celle qu’il aima comme telle. Ce fut l'impasse, une impasse énorme pour tout le monde, à cause de Pétain d’ailleurs !
Alors l’impasse, c’est toujours où je me tiens.
L’impasse commence dès que je raconte quelque chose, il suffit de se reporter aux lignes ci-dessus. J’imagine mon frère Pierre exhalant son exaspération par des trous de nez presque fermés, les yeux levés au ciel et sifflant le « mais qu’est-ce que tu fais chier ! » ouvrant les sarcasmes qui dominent nos travaux à l’heure de l’apéritif, qui chez lui, sous la direction de sa femme, est une grande et riche cérémonie. Oui ! Qu’ai-je à emmerder le monde à ne pas dire tout simplement les choses comme cela se fait dans les journaux ?
Par exemple, pourquoi ma mère aimait-elle parler d’Alexandrine avec moi ? En parlait-elle avec mes frères et sœurs ? Qu’est-ce que j’en sais puisque nous n’en parlions pas, à l’évidence, entre nous. Ou si peu, comme on le fait d’une affaire sans importance dont tous les attendus sont connus, ramenés dans les faits à rien, parce qu’on n’en connaissait pas grand-chose. Notre mère, pas tellement plus que nous, ne pouvait en dire quoi que ce soit de simple, de ces choses qui n’ont pas besoin d’être écrites pour faire images dans nos cerveaux. Une silhouette, une simple silhouette dont on aurait pu dire « tiens voilà la grosse », ou « tiens voilà la garce ». Ne disant rien, on pourrait éprouver quelque sentiment plus ou moins trouble à la contemplation d’une forme plus ou moins avenante. Rien, on n’en savait rien à dire. Ma mère est aussi la mère de mes frères et sœurs, tous de même couleur, ce qui n’est pas une évidence dans la périphérie qui nous vit naître. D’autres couvées se composaient de petits êtres plus ou moins colorés, du blanc blond le plus nordique aux bistres très prononcés ou crémeux comme le café. On aurait tendance à ne pas les aimer trop, les colorés, à cause du péché dont ils témoignent, les pauvres, qui ne sont de la couleur de personne dans le coin. Les plus dissemblables de leur mère ont tendance à se
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réclamer de cultures irréductibles au milieu qui leur « met la honte » et à se montrer très agressifs envers les pures races. Il y a parmi nous de beaux esprits pour se déclarer ouverts à toutes cultures et tous usages, mais ceux-là ne vivent pas dans les périphéries où se tiennent les autres. Que d’engueulades tyranniques sur le sujet, déversées par notre ainée, l’universitaire colloque-actrice, sur notre mère furibarde et nos cousines et cousins, radicalement incultes. La victime favorite des diatribes antiracistes et pro sémites de l’aînée de notre couvée, est la plus énorme cousine, celle qui ne pouvait plus faire deux pas sans s’écrouler dans des sueurs et des spasmes cardiovasculaires, obligée très souvent de ramper pour accéder à son F2 au quatorzième étage d’une HLM à l’intersection de Bagneux, Cachan, Fresnes et Bourg-la-Reine. Quatorze étages, plus un demi-étage sans ascenseur, tout là-haut, sur l’axe impérial du mal des banlieues.
La pauvre Mone, autrefois si belle, est devenue une énorme femme, handicapée non tant par son poids que par l’horreur qu’elle s’inspirait à elle-même. Quand je pense à tous ses volumes pourtant solidement tenus dans des chairs fermes, sauf au niveau de la ceinture qui était plutôt une masse de gelée roulant à chaque mouvement tout autour de son abdomen, je me prends de honte à me sentir handicapé par mon œuf colonial quasiment génétique. Par je ne sais quel mystère, elle s’est vue gratifiée d’une habitation à loyer modéré, comme la population dont j’envie le réseau social lui permettant d’accéder à ces châteaux. J’ai toujours eu envie de m’installer dans ces tours. Mone, comme nous tous, aimait se mêler au peuple pour s’amuser, mais surtout pas pour en subir un contact trop familier. Il lui fallait toujours établir une distance entre elle et ce peuple pour y choisir les particuliers dont elle ferait des serviteurs. Bien que de tempérament très enjoué elle n’aimait pas vraiment ceux qui gravitaient autour d’elle. Les posséder lui était sa façon de les câliner, n’admettant personne dans le fond de son cœur où reposait son fils mort à peine après être devenu un homme. Il eut juste le temps de se marier et faire une petite fille pour occuper le vide qu’il laisserait après lui dans la vie de sa mère. Celle-ci s’était débrouillée pour obtenir un logement le plus haut possible au-dessus du sol où vont et viennent les habitants des périphéries. Elle verra ainsi la vie proliférer autour d’elle sans s’y mêler trop. Il y a là beaucoup de petits enfants noirs toujours joyeusement bruyants ; il y a leurs mères, aussi, grandes et fortes dondons encombrées de marmots ensachés sur le dos, baluchons en plastique dans chaque main, bloquant la porte de
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l’ascenseur ouverte avec une pointe de pied, gros orteil sorti d’une tong, et qui continuent de se marrer en racontant les conneries commises par le mari. Ces femmes drapées de tissus roulés, corollés de franges d’ondes de toutes les couleurs sont dévoreuses d’hommes que l’on ne voit pas beaucoup, sauf aux heures louches du soir auxquelles ils sont les seuls maintenant à occuper l’espace du hall d’entrée de l’immeuble. Ces hommes souvent en costumes cravates, (ils ont été agents de sécurité dans la journée) semblent protéger des maghrébins plus silencieux. C’est l’heure louche des fins de journées de travail. L’immeuble de Mone, au carrefour des voies qui mènent aux quatre solitudes des banlieues, avec son parc à voitures, est de ceux où viennent s’approvisionner les pauvres gens qui ne se contentent pas de se saouler la gueule. À ceux-là il faut de la défonce à plein nez, pleines veines, ou à pleins poumons. Dans le hall de l’immeuble on tient marché à ciel couvert de l’herboristerie à paradis artificiels. C’est même plus proche du « drogues-store ».
Pour accéder à leurs appartements, les locataires de la maison sont obligés de se frayer un chemin à coups de petits « faites-z-excuses » très timides. Malheur à qui ose élever le ton surtout si c’est un visiteur. « Où que vous allez-vous ? » - « Fais voir tes papiers » que l’on demande au plus hésitant, à celui qui pourrait avoir été envoyé par une bande concurrente déloyale. Il arrive qu’un, qui se croit plus malin que tout le monde, se fasse démasquer. Le lâche, alors, court vers l’ascenseur en prétendant se rendre chez la vielle grosse tata ! Il n’a pas le temps de déclencher le décollage de la cabine pour les étages salvateurs, une volée de balles de gros calibre éclate le verre épais de la porte à fermeture lente. Bizarrement il y a peu de morts, quelques blessures et le mec qu’on laisse se trainer ailleurs où il aura le droit de saigner en paix. Bien sûr, c’est à cette heure-là que Mone choisit de rentrer de chez le kiné qu’elle aurait pu visiter plus tôt dans la journée, mais non, il ne faut pas croire qu’elle ait du temps, pas du tout ! Se levant très tard, il ne faut pas la déranger avant 13 heures, et encore, si elle a fini de prendre son café au lait concentré sucré. Alors, les rendez-vous en extérieur auxquels il faut la conduire en voiture et tourner pendant deux heures à chercher une place de stationnement quand, on est, à pied, à cent mètres de chez elle, doivent être pris sur le temps que les professionnels réservent aux travailleurs qui ne « posent » pas l’après-midi à leur entreprise, aux frais du trou de la Sécu. Mone rentre chez elle aux heures des trafics illicites. Souvent au milieu
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d’altercations chipoteuses au sujet de prix abusifs des marchandises. Elle se permet de hurler, la Mone, elle insulte tout le monde, menace d’interventions diaboliques tous les malfaisants qui ont une trouille incontrôlée du diable. Les chefs se précipitent pour la calmer, « Pardon Madame, pardon pour le dérangement, venez Madame, on va vous accompagner jusqu’ à chez vous ». Et les mecs, empressés de vouloir se charger de son gros cabas où elle a toujours, fourré, sous deux ou trois rouleaux de sopalin, toute une quincaillerie de bijoux qu’elle ne laisse jamais seuls, sans elle. Les gentils hommes ne comprennent pas la brusquerie de son refus à se dessaisir de sa lourde charge. Ils mettront cela au compte des bizarreries de l’âge. Un homme de main est désigné pour escorter la terrible dame. Arrivée dans son antre, elle appellera la police pour se plaindre de tentatives de séduction sur sa personne, par des hommes de couleur et aussi par de plus jeunes, un peu moins colorés. Personne jamais ne se dérange, il y a des conventions.
Finalement, avec le temps et avec l’aide des trafiquants, les portes extérieures de l’immeuble seront équipées de systèmes de sécurité à code. Beaucoup d’HLM ainsi, prennent l’aspect pimpant de résidences. Promotion sociale qui permet de ne pas cacher la Mercédès. La sœur universitaire ne venant là que le dimanche, ne croira jamais que le monde des premières périphéries est plein de violences quotidiennes et ne comprendra jamais les réactions racistes de nos ainées.
Ma mère habite un immeuble juché sur le haut de Bagneux, sur la colline qui surplombe le quartier de Mone, de l’autre côté de la nationale. Ici c’est tout de même plus calme, peut-être est-ce dû au caractère d’impasse que présente ce point de ville excentré des grandes voies directes permettant de fuir dans toutes les directions.
De son balcon on peut admirer un large panorama ouvrant sur le Nord–Est de la proche banlieue qui depuis ce temps est devenue presque intérieur à Paris. Le grand hôpital Gustave Roussy s’élève sur la colline d’en face. Le bâtiment est massif comme le piton rocheux derrière lequel vont venir les gentils visiteurs du troisième type, du film fameux de Spielberg. Les éclairages des autoroutes A6a et A6b délimitent les aires techniques sur lesquelles se déplacent les lucioles rapides des véhicules spatiaux. Mais ici ce sont des myriades de points lumineux qui décorent les ténèbres des flancs des collines. Ce sont des myriades de vies signalées, mais interdites d’approche. Je les imagine
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