Les Amants de Saint-Pierre
256 pages
Français

Les Amants de Saint-Pierre , livre ebook

-

256 pages
Français

Description

Abandonné à sa naissance puis recueilli par des religieuses, Démé voit sa vie basculer une seconde fois, lorsqu'à l'âge de sept ans, il est exclu de son foyer d'adoption. Est-ce à cause de Marie Anna, sa petite compagne d'école ? Très vite un sentiment puissant se développe entre ces deux enfants que tout oppose. Lui nègre rejeté. Elle mulâtresse, enfant issue de la haute bourgeoisie. Sauront-ils surmonter les terribles épreuves que leur réserve leur destin ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2004
Nombre de lectures 231
EAN13 9782296359994
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Amants de Saint-PierreLettres des Caraïbes
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
Henri MELON, Thélucia,2004.
Max JEANNE, Un taxi pour Miss Butterfly, 2003
Eric PEZO, Passeurs de rives, 2003.
Jean-Pierre BALLANDRY, La vie à l'envers, 2003.
Jean-Claude JOSEPH, Rosie Moussa, esclave libre de
SaintDomingue, 2003.
Monique SEVERIN, Femme sept peaux, 2003.
Eric PEZO, Passeurs de rives, 2003.
Marcel NEREE, Le souffle d'Edith, 2002.
Josaphat LARGE, Les terres entourées de larmes, 2002.
Gabriel DARVOY, Les maîtres-à-manioc, 2002.
Timothée SCHNEIDER, Rue du Soleil Levant- Voyage dans le
territoire de la Guyane, 2002.
Manuela MOSS, Sous le soleil caraïbe, 2002.
Victor-Georges DRU, Zack, Destin Caraïbes, 2002
Océane MONTMULIN, Lafiancée du Roi, 2001.
Dieudonné ZELE, Marie Passoula, 2001.
Joscelyn ALCINDOR, Carrefour des utopies, 2000.
FRANKITO, Pointe-à-Pitre - Paris, 2000.
Françoise EGA, L'Alizé ne soufflait plus, 2000.
Sylvain-Jean ZEBUS, Crépuscule et solitude, 2000.
Max JEANNE, Tourbillon partenaire, 2000.
Marise FIDORE-P ARICHON, Le figuier maudit, 2000.
Ernest BA VARIN, Le cercle des Mâles Nègres, 1999.
Danièlle DAMBREVILLE, Le Quimboiseur, 1999.
Eric PEZO, Marie-Noire, Paroles en veillées, 1999.
Térèz LEOTIN, Tré ladivini, Le plateau de la destinée, 1999.
Michel PRAT, Les Grands Fonds, 1999.
Liliane LISERON, La plaie danse avec la douleur, 1998.
Mona GUERIN, Mi-Figue Mi-Raisin, 1998.
José LE MOIGNE, Chemin de la Mangrove, 1998.
Danièlle DAMBREVILLE, L'arbre sacré, 1998.
Jocelyn ALCINDOR, Zabriko Modi, 1997.
Jean ROCH, Grigne au vent, 1997.
Michel ECLAR, Les champs coloniaux du malheur, 1997.Christian P AVIOT
Les Amants de Saint-Pierre
L'HARMATTANDu même auteur
La demoiselle des mornes. Ed. L'Harmattan
L'Harmattan
5-7,rue de l'École-Polytechnique
75005Paris
FRANCE
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
HONGRIE
L'Harmattan Italia
Via Degli Artisti, 15
10124 Torino
ITALlE
(Ç) L'Harmattan, 2004
ISBN: 2-7475-6421-5
EAN : 9782747564212« ... c'est de l'aliment des anges que
Tu as nourri ton peuple. »
La Bible (La Sagesse 16-20)CHAPITRE I
«J e me souviens de ce jour-là. Rue Saint Louis à
Fort-de-France, il pleuvait. Ce n'était pas un gros grain
comme on dit, mais de fines gouttelettes qui arrosaient
le pays.
Je me souviens de sa réaction quand il vit ma mère.
Sous le parapluie qui l'abritait je le vis figé dans un
heureux étonnement comme paralysé par une grâce
qu'il n'espérait plus. Ma mère connut le même instant
de bonheur qui la nimba d'un éclat particulier. Déjà
pourvue d'une beauté exceptionnelle qui ne semblait
pas varier malgré le temps qui courait, la joie que lui
procura le regard de mon père posé sur elle, disait
certes la passion qui la brûlait, mais la rendait, à
l'instant de ce contentement, plus éclatante. Quant à
lui, quittant soudain l'extase qui l'immobilisait, il
7l'appela: « Marie Anna! » Elle lui répondit en se jetant
à son cou, sous le regard gêné des passants. Elle le
serra très fort, et lui fit de même en fermant les yeux.
« Démé» prononça-t-elle les yeux pleins de larmes.
Puis, desserrant leur étreinte, ils se regardèrent comme
si le monde n'existait plus autour d'eux.
J'étais dans mes quinze ans quand j'assistai à cette
scène. Elle se déroula non à la suite d'une longue
séparation mais tout simplement un dimanche après la
grand-messe à la cathédrale de Fort-de-France. Mon
père était venu à sa rencontre. Il avait la peau noire, les
traits fms comme ceux des hindous, les cheveux
crépus. D'apparence athlétique, il avait fière allure.
Tout le monde l'appelait Démé. »
C'est ainsi que mon père Sylvain, homme au geste
auguste, pour mieux me faire connaître mon
grandpère et ma grand-mère, écrivit ces quelques lignes à
mon attention. Il les écrivit le jour où il me remit la
bonne vingtaine de petits cahiers que mon grand-père,
Sylvain Démétrius, avait rédigé, d'une main sûre et
d'une plume alerte, pour informer sa succession des
faits terribles qui émaillèrent sa vie. Le récit que feu
mon grand-père écrivit commence ainsi: «Toi mon
héritier qui lit mon récit, mon lecteur bien aimé, sois
patient, poursuit cette lecture jusqu'à son terme. Tu
sauras, à ce terme, les terribles évènements que j'ai
affrontés, depuis l'âge de sept ans, pour échapper à la
vie misérable qui me guettait et à laquelle on me
vouait. Tu sauras, en acceptant que, goutte à goutte, je
t'informe, comment j'ai compris que: être libre de
faire ou de ne pas faire était la conduite qui me seyait.
Toi qui me lis, non selon le seul et unique sens de ta
vue, mais d'après la profondeur de ton entendement,
profondeur issue de l'harmonie, je te dis ceci: ne
8m'interromps pas. Ecoute par les mots (parce que
l'écrit englobe en essence la musicalité de l'esprit), ma
voix ferme et celle très douce de ma merveilleuse
épouse. Je commence. Ouvre tes oreilles sensibles et
fais silence en ton cœur. »
Je me souviens de Saint-Pierre où je suis né.
SaintPierre la belle qui carrait par endroits et geignait par
d'autres.
Elle carrait aux abords du théâtre par ces dames et
damoiselles pimpelotées jusqu'à l'outrance, par ces
messieurs de la bourgeoisie, de la haute société, « la
haute» comme on dit, celle qui porte redingote, queue
de pie et moustache lustrée. Tout ce monde en beauté
allait fièrement, bras dessus, bras dessous, se divertir
au théâtre.
Elle geignait sur le port et dans les plantations. Elle
geignait place Bertin où germait puis grandissait la
douleur de l'ouvrier qui, muscles bandés, entassait,
pour être exportés, d'énormes barils de sucre et de
rhum.
D'après ce qui m'avait été dit, je suis le fùs de untel et
de unetelle. En effet je suis un enfant abandonné,
trouvé dans une niche à l'entrée du couvent de
SaintPierre. Ramassé là-même par les bonnes Sœurs de cet
établissement, je fus élevé par elles à hauteur de leur
vœu, et par elles, bien sûr, catéchisé chrétien jusqu'à
l'âge de sept ans. Le lendemain de mes sept ans la
mère supérieure me convoqua dans son bureau et,
froidement, me dit ceci: «Sylvain Démétrius, flis de
untel et de unetelle tu as atteint tes sept ans (tu les as
même dépassés de un jour.) D'ailleurs je te précise que
ta date de naissance est une date approximative. Tu es
probablement plus âgé que cela. Tu as donc l'âge de
9raison. Nous ne pouvons plus te garder. Tu ne dois
plus rester au couvent à compter de ce vingt-cinq avril
mille huit cent quatre-vingt. Nous t'avons nommé
puisque tu as été trouvé. Nous t'avons nourri jusqu'à
tes sept ans. Grâce à nous tu sais lire et écrire (ce n'est
pas encore la perfection mais tu as la capacité de
t'améliorer.) A ton égard nous arrêtons tout. Nous ne
pouvons plus continuer à t'accorder ces faveurs. A
compter d'aujourd'hui tu dois quitter le couvent. Nous
t'avons préparé quelques petites affaires. Tu peux
maintenant partir. »
Frêles, mes petites jambes flanchèrent. Et, debout
que j'étais pour écouter la mère supérieure, je me
retrouvai par terre par suite d'une chute due à
l'impossibilité pour mes jambes de soutenir le reste de
mon corps. J'avais de la peine et, parce que mon cœur
embruni m'en empêchait, je ne sentais plus ma
personne. J'étais comme mort. La mère supérieure se
leva, me souleva et me porta pour mieux m'extraire de
ce en quoi par destination j'étais ancré, jusqu'à la porte
de son bureau où elle me posa par terre, contre un
mur. Elle me dit : « tu te remettras mon garçon. C'est
juste un mauvais moment à passer. Tu te débrouilleras
bien dans la vie. »
Je me souviens qu'après m'avoir parlé ainsi, elle
réintégra son bureau en claquant la porte dont le bruit
sourd, en me faisant sursauter, me fit prendre
conscience avec brusquerie de ma triste réalité: j'étais
de nouveau aband

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