Les Goncourt à table
247 pages
Français

Les Goncourt à table , livre ebook

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247 pages
Français

Description

Au-delà d'une simple visée documentaire, l'étude des pratiques de table des Goncourt (restaurants, mondanités) permet de retracer l'itinéraire exemplaire de deux hommes de lettres témoins de leur temps, ainsi que de retrouver, dans une sorte de mise en abyme, l'essentiel de leurs préoccupations psychologiques, esthétiques et philosophiques, le compte-rendu des repas débouchant sur la critique de l'époque assortie d'une vision aristocratique empreinte de nostalgie.

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Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 86
EAN13 9782296714151
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

Les Goncourt à table
Espaces Littéraires Collection dirigée par Maguy Albet Dernières parutions Christine LARA,Pour une réflexion xommuno-culturelle de la lecture, 2010.Bernard POCHE,Une culture autre, La littérature à Lyon, 1890-1914, 2010. Lalie SEGOND,De la déficience: représentations, imaginaire, perceptions du handicap dans la littérature contemporaine, 2010; Claude FRIOUX,Le Chantier russe. Littérature, société et politique. Tome 1 : écrits 1957-1968, 2010 Céline GITON,Littératures d'ailleurs. Histoire et actualité des littératures étrangères en France, 2010. Hassan WAHBI,La beauté de l'absent, 2010. Claude HERZFELD,Paul Nizan, écrivain en liberté surveillée, 2010. Charles WEINSTEIN (textes réunis par),Récits et nouvelles du Grand Nord, 2010. Paul TIRAND,Edmond Combes. L'Abyssinien. 1812-1848. La passion de l'Orient, 2010. Paule PLOUVIER,Pierre Torreilles Poète, Entre splendeur hellénique et méditation hébraïque du souffle,2010. Tommaso MELDOLESI,Sur les rails. La littérature de voyage de la réalité aux profondeurs de l’âme, 2010. Cynthia HAHN (coordonné par),Ezza Agha Malak. À la croisée des regards, 2010. Miguel COUFFON,Marlen Haushofer. Écrire pour ne pas perdre la raison,2010. David L. PARRIS,Albert Adès et Albert Josipovici : écrivains d’Egypte d’expression française au début duX Xe siècle, 2010. Arnaud TRIPET,Poètes d’Italie. De saint François à Pasolini, 2009. Miguel COUFFON,Le Signe et la convention. Hommage à Ingeborg Bachmann, 2009.
Joëlle Bonnin-Ponnier
Les Goncourt à table
© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-13614-4 EAN : 9782296136144
IntroductionPourquoi se centrer sur la table quand on s'intéresse aux frères Goncourt et notamment auJournal qui, au premier plan de diverses entreprises, leur a valu de passer à la postérité ? La trace durable qu'ils ont laissée dans le monde littéraire suffirait à l'expliquer. L'Académie Goncourt et le prix Goncourt sont attachés, dès leur origine, à des célébrations festives, expressément voulues par Edmond dans son testament : « Je veux qu'il soit distrait chaque année sur les arrérages provenant de ma succession, et cela jusqu'à ce que les 65 000 francs de rente soient faits : 1° la somme nécessaire pour faire la rente d'un dîner mensuel à vingt francs par tête dont feront partie les dix membres désignés, pendant les mois de novembre, de décembre, janvier, février, mars, avril, mai ; 2° la somme nécessaire pour faire la rente provisoire de 1200 francs pour le meilleur ouvrage d'imagination en prose paru dans l'année. Le prix sera décerné tous les ans, dans le dîner de décembre. » En exprimant ses volontés, Edmond avait sans doute dans l'esprit de faire revivre les repas entre hommes de lettres auxquels les deux frères puis le seul survivant étaient profondément attachés. Les académiciens Goncourt ne trahirent pas ses intentions. Les dîners mensuels furent inaugurés le 26 février 1903 dans un « salon pour noces » du Grand Hôtel, près de l'Opéra, où avait eu lieu le grand banquet marquant la consécration d'Edmond en février 1895. Après quelques mois, en août 1903, l'Académie se déplaça pour une courte période au restaurantChampeaux, près de la Bourse, et y décerna le premier prix Goncourt,Force ennemie, de John Antoine Nau. Dès 1904 on retrouve le groupe auCafé de Paris. Il y resta jusqu'en 1914, année marquée par le passage place Gaillon, chezDrouant, restaurant qu'Edmond avait fréquenté lui-même dans les dernières années de sa vie. Le nom deDrouant sera désormais attaché aux réunions de l'Académie et à la remise du fameux prix. Il ne fait aucun doute que les deux frères auraient
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été satisfaits de la survie posthume d'une de leurs plus chères habitudes. Par ailleurs, ils ont témoigné de leur attachement à la (bonne) chère dès leur première jeunesse, comme nous l'apprend la correspondance. Ayant entrepris un voyage à pied dans l'est et le sud de la France, ils informent leur cousine Augusta Labille des détails de leurs pérégrinations : « Je crois que je ferais mieux, au lieu de continuer ma lettre, de t'envoyer la relation manuscrite du voyage, relation due à notre collaboration exclusive ; c'est de l'histoire jour par jour, presque heure par heure ; tu remarqueras que la gastronomie tient une grande place mais j'ai dû me rendre aux observations de mon frère qui m'a fait remarquer que cette science n'occupait pas 1 encore dans les voyages la place qu'elle mérite. » Le fait est que la chronique des diverses étapes du périple n'est pas avare de détails. Jules mentionne tout, les heureuses surprises comme les mécomptes qu'il juge d'ailleurs faire partie des inévitables aléas du voyage. Des années plus tard, une lettre de Venise, 2 adressée à Georges Duplessis , célèbre comme dignes de figurer parmi d'autres agréments plus esthétiques de la cité des Doges, « une table d'hôte d'horlogers suisses, (...) du vin de 3 Chypre, d'heureuses digestions » . Suivre les Goncourt pas à pas, de table en table, en tâchant de reconstituer leurs goûts et leurs pratiques contribue donc à éclairer la biographie des deux frères, ce qu'autorise la part intime, non négligeable, duJournalcoexiste avec son but qui avoué : enrichir l'histoire littéraire de leur temps. Mais il y a plus. La table est en effet une composante intrinsèque de cette histoire sociale dont une bonne part de l'œuvre est l'instigatrice, histoire qui s'attache à reconstituer non les grands événements mais l'esprit d'une époque à travers ses mœurs et sa vie quotidienne : « Un temps dont on n'a pas un échantillon de robe et un menu de dîner est un temps mort, un temps ingalvanisable.
1  De Jules de Goncourt à Augusta Labille, 19 juillet 1849,Correspondance généraleTome I, Edition établie par Pierre-Jean Dufief, Paris, (1843-1862), Champion, 2004, p. 91. 2  Duplessy, Georges (1834-1899), amateur de gravures, attaché puis conservateur au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale. 3 8 décembre 1855,ibid., p. 286.
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L'histoire ne peut pas y revivre, la postérité ne peut pas le 4 revivre. » On sait que les Goncourt ont suivi ce programme en ce qui concerne leur siècle de prédilection, le XVIII°, mais on peut considérer que leurJournal, sous une forme éclatée faisant la part belle à l'instantané et au fragment, constitue l'histoire, comprise au sens où ils l'entendaient, de la deuxième moitié du XIX°. Dans cette perspective, les itinéraires gourmands et les circuits mondains du journal sont des documents de première main. Ils éclairent notamment des aspects du Paris du Second Empire et des débuts de la Troisième République. L'orientation de cette histoire de la table, telle qu'on peut la reconstituer à l'aide d'une poussière de remarques échelonnées sur un demi-siècle, n'est toutefois pas neutre. Les Goncourt n'entendent pas seulement ni essentiellement faire la chronique des habitudes de leur époque, ils rendent compte de leur existence d'hommes de lettres selon les exigences et les contraintes du moment. Loin d'être isolés, en effet, ils ont fréquenté tous les lieux de sociabilité de leur temps, lieux dont l'étude complète équivaudrait à analyser leJournal page par page, car, s'il est vrai qu'ils sont convaincus que l'isolement est nécessaire au travail créateur, ils ont tout autant affirmé leur soif de contacts humains. Par tempérament d'abord. La solitude leur arrache des plaintes : « Sous nos apparences froides, [nous] avons si besoin de la chaleur, de l'effusion, de l'expansion des 5 autres. » Cette tendance personnelle se double, ensuite, du désir de ce dont, selon eux, l'artiste contemporain est privé, la reconnaissance sociale. Le fragment du 11 mai 1859 tente l'explication de ce nouveau phénomène : « L'ourserie forcée (...) de l'homme de lettres du XIX° siècle est étrange, quand on la compare à la vie, toute mondaine, en pleine société et criblée d'avances, d'invitations, de relations de l'homme de lettres du XVIII° (...). L'homme de lettres ne fait plus partie de la société, 6 il n'y règne plus, il n'y entre même plus. » Se considérant pratiquement comme des parias, ils consacreront une bonne part de leur temps à pallier ces manques, avec les moyens qui restent 4 29 juin à 7 août 1859,Journal, I, p. 466 (la pagination est celle de l'édition Bouquins, Robert Laffont, Paris, 1989). 5 25 janvier 1865, I, p. 1133. 6 I, p. 453.
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à la disposition de l'artiste moderne, répartis dans la double sphère de l'espace privé et de l'espace public : dîners à l'occasion mondains (en dépit de l'affirmation de leur mise à l'écart) et/ou amicaux, fréquentation des espaces de convivialité institutionnalisés, bals, cafés, restaurants. Les lieux de table sont particulièrement bien représentés et caractéristiques de leur statut en même temps que de leurs goûts. Mais si leJournalfait revivre des atmosphères, il indique aussi des préférences ou des répulsions. La description débouche souvent sur des considérations toutes personnelles qui dépassent le sort de l'homme de lettres. Avec la table, les Goncourt touchent à une matière beaucoup plus vaste. Leur expérience du restaurant les amène à juger leur époque et, par-delà, à exprimer une conception très personnelle du plaisir et de l'existence. De même, leur pratique assidue des repas privés entraîne une réflexion sur la convivialité, c'est-à-dire sur le rapport avec autrui. Les propos sur la nourriture, enfin, dépassent les simples considérations gustatives pour retrouver les sujets de prédilection duJournal, la critique de l'époque et l'analyse de soi. C'est pourquoi il conviendra, dans les pages qui suivent, de prolonger l'histoire des tables goncourtiennes par l'analyse des discours qui leur sont inhérents, tout en distinguant, pour les commodités de la présentation, le restaurant des dîners en ville.
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