Les longs chemins afars
154 pages
Français

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Les longs chemins afars , livre ebook

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154 pages
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Description

Au début des années 90, Noumo quitte son campement pour aller voir son frère, secrétaire dans un village éloigné. Il ne se doute pas des événements qu'il vivra, ni de la tournure que prendra son voyage. La caresse divine a oublié, a-t-on dit, cette région de la Corne de l'Afrique où vivent les Afars, tant le soleil y est grand... Au long du récit, l'Histoire est évoquée pour éclairer l'évolution des personnages : époque du territoire Français des Afars et des Issas, de l'Indépendance, de la République de Djibouti etc.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2008
Nombre de lectures 50
EAN13 9782336268705
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les longs chemins afars

Christian Dubau
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1 @wanadoo.fr
9782296063488
EAN : 9782296063488
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace Dedicace 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
À Sébastien, Véronique, Eneko, Pyrène...
À ma famille
Pour les Afars
1
Il quitta le campement accroché à la pierraille, gravit la pente en balançant les épaules au rythme de ses pas légers. Il se retourna, et malgré la distance, aperçut sa mère, toute menue, debout près de la hutte, et dont le geste lent du bras voulait dire : « Voyage bien... voyage bien... »
Il s’arrêta au sommet de la colline. La nuit naissait, soudaine. La lune était pleine et les étoiles se plaçaient avec une exactitude parfaite au bord d’une voûte ronde, les unes étincelantes, les autres encore indécises. Un jour, il était enfant, il avait parsemé le toit de la hutte de coquillages blancs et avait annoncé à son père :
- Comme le ciel !
Et son père avait répondu :
- Bien...
Il repartit avec entrain. Il voyait peu son chemin, mais suffisamment pour assurer ses pas dans l’éboulis de basalte. Il faisait peu de bruit. Ce déplacement silencieux aurait pu lui valoir de se trouver nez à nez avec une bête, mais il n’y pensait pas. Ainsi Noumo. marcha toute la nuit.
Il en avait fini avec le sentier de crête quand le ciel se devina, à peine rosé, et il regarda s’éteindre les étoiles. Brusquement, surgissait le soleil qu’il redoutait, il préférait les astres de la nuit. Il discerna, au-delà de la vaste étendue plate, la ligne ténue qu’il atteindrait pour faire halte. Et ce fut la fournaise habituelle. L’air vibrait au ras de l’argile sèche, et au loin ondulaient des lacs qui reculaient en même temps qu’il s’en approchait. Il enveloppa mieux sa tête, ses épaules, et pressa le pas. Il ne laissa aucune trace derrière lui.
Vers le milieu de l’étendue, il repéra, en haut de la barre rocheuse, l’échancrure vers laquelle il devait se diriger. Le fusil auquel était accroché le baluchon se fit plus lourd. Il ralentit la cadence pour se défatiguer, mais il arriverait avant que le soleil ne soit au plus haut, peut-être même avant.
Au pied des rochers végétait une oasis clairsemée. Il la contourna d’abord car le sol s’effondrait, et s’engagea sur un chemin qui le mena vers une rigole. Il se déshabilla dans un massif de palmiers nains, rinça dans l’eau brûlante son pagne et sa cotonnade, puis les étendit sur les palmes. Il remplit d’eau la timbale et y versa une poignée de riz qu’il retira du sac de toile. En attendant qu’il soit chaud, il observa le filet d’eau : des poissons minuscules pouvaient vivre là, et même y batifoler par petites bandes furtives ! Il fit couler délicatement l’eau de la timbale et goûta le riz. Alors il nettoya la croûte du sol et gratta un peu de sel.
Quand il eut mangé, il rapprocha contre lui le couteau, le fusil et la cartouchière, plaça le baluchon pour en faire un oreiller. Il s’étendit tout nu, disposa sa tête avec soin car le baluchon contenait le cadeau que sa mère destinait à Loïta, et s’endormit sous les palmes.

Avant la fin de l’après-midi, une file de chamelles entra dans l’oasis et chemina parmi les palmiers nains pour atteindre le puits. L’homme dénoua un seau dans le harnachement d’une bête et s’enfonça dans le trou en utilisant l’improbable échelle de bois, restée là depuis toujours. Il remonta le seau, versa l’eau, et recommença plusieurs fois ; les chamelles, tête contre tête, s’abreuvèrent en reniflant et, la panse remplie, s’agenouillèrent avec des mouvements de tête à cause des nuées d’insectes virevoltant autour d’elles.
En regardant alentour, il aperçut un peu d’herbe froissée, s’en approcha, scruta les lieux, et se dirigea vers le massif où dormait Noumo, recroquevillé. Il le regarda, évita de faire du bruit, et revint vers son troupeau. Alors une des bêtes se mit à sautiller, ce qui excita les autres. Et Noumo se réveilla. Il enroula son pagne et s’approcha. Ils se saluèrent en se plaçant face-à-face, calés sur les pieds aplatis, les fesses au ras du sol.
L’homme l’observa, lui trouva de la rudesse à cause de sa peau très noire, de ses joues mal rasées, de ses dents taillées en pointes, de ses mèches retombant en tortillons sur son front et son cou, de ses membres longs et secs. Il lui donna une trentaine d’années.
- Qui es-tu ? demanda-t-il.
- Noumo.
- Bien...
- Et toi ?
- Afaré.
- Bien...
- D’où tu viens?
- De Lamoo, je vais à Mamaata...
- ...
- Voir Loïta, c’est mon frère.
- Bien...

Afaré se redressa, alla vers un palmier, décrocha un godet au-dessous d’une rame entaillée et revint prendre sa position. L’alcool de palme était opaque mais assez propre ; ils burent l’un après l’autre. Afaré faisait du bruit car ses dents de devant étaient gâtées, et comme il avalait de franches gorgées, il se mit assez vite à raconter des histoires drôles et des fadaises qui mirent Noumo en joie, mais aussi des récits ambigus où se mélangeaient la réalité et le rêve.
Ainsi il lui était arrivé de guider une caravane toute chargée de tissus précieux, de bijoux en or, d’ustensiles rares, de denrées de toutes sortes ; et le voyage avait été très long, semé d’embûches et de dangers, cependant son courage lui avait permis de sauvegarder son bien et d’arriver à destination au milieu d’une liesse magnifique. Le commerçant lui avait remis les billets, un par un, pour toutes ces richesses quand il s’était réveillé, palpitant : il avait rêvé...
Mais aujourd’hui, avec le temps et la réflexion, confia-t-il, il avait la certitude que ce voyage avait eu lieu, qu’il avait bien reçu les billets sans qu’il en manque un seul, mais qu’on les lui avait volés alors qu’il dormait sous un appentis recouvert de palmes.

Après avoir rempli l’outre, Noumo se prépara. Il fallait que tout soit parfait avant le départ. Il démonta en trois parties le fusil qu’il tenait de son père, astiqua chacune d’elles avec un peu de salive et s’appliqua pour la crosse en nettoyant bien le coquillage incrusté. Il frotta les cinq cartouches, des chevrotines, les replaça dans la cartouchière à laquelle il noua le sac de riz et la torche électrique dans sa housse. Il essuya la lame du couteau, vérifia le tranchant, l’enfonça dans la gaine, et fixa au ceinturon la timbale et la corde. Au moment du départ, Afaré vint à sa rencontre et lui offrit un étui qu’il lia lui-même au ceinturon.
- Du tabac..., dit-il.
- Merci.
- Voyage bien...
-
Il quitta l’oasis avant le coucher du soleil. Afaré, avec une démarche chancelante, et en marmonnant, revint vers ses chamelles qui se laissaient placidement picorer le cuir par des oiseaux blancs qu’une longue bouffée de vent avait aidés à planer lentement jusqu’à elles.
2
Il longea la barre rocheuse et trouva le passage où il fallait s’engager pour la traverser plus facilement. La pénombre fut brève, la nuit tomba. Mais il était en terre connue et ses pieds se posaient avec précision sur les blocs. Parfois un caillou se détachait et roulait avec un son de métal, sans réveiller la moindre vie alentour.
Au sommet, l’air était chaud. Il écarta les pans de la cotonnade, aéra sa poitrine, massa ses jambes et entreprit la descente en suivant un chemin mal défini dans le chaos, ce qui l’obligea à quelques reprises d’utiliser la torche pour éviter les éraflures. Il ralentit un peu afin de préserver ses forces et s’encouragea, à chacun de ses pas, en poussant un cri du fond de la gorge : hhêê... hhêê... hhêê... hhêê...hhêê...
Quand il arriva au bas de l’escarpement, il choisit un bon endroit dans le champ de pierraille et s’accroupit face au soleil levant. Il fit ses besoins et choisit autour de lui la meilleure des pierres rondes. Une bonne journée s’annonçait.
Il se remit en train, traversa un espace parsemé d’épineux après lequel s’étendait une surface claire, dont il ne voyait pas la fin. Il se protégea au mieux avec la cotonnade, accompagna ses enjambées en chantonnant. Quand il aperçut au l

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