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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 11 octobre 2018 |
Nombre de lectures | 3 |
EAN13 | 9782336853604 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Couverture
4e de couverture
Espaces Littéraires
Espaces Littéraires
Collection fondée par Maguy Albet
Cette collection est consacrée à la publication d’œuvres de recherche universitaire dans le domaine des études littéraires. Privilégiant la littérature contemporaine, elle est ouverte à toutes les aires culturelles.
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Titre
Bianca Romaniuc-Boularand
Louis-Ferdinand Céline
Récurrence lexicale et poésie du style dans Voyage au bout de la nuit
Copyright
© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’École-Polytechnique ‒ 75005 Paris
www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-85360-4
Exergue
Ce livre n’aurait pas été possible sans la réflexion entamée dans ma thèse de doctorat, « Voyage au bout de la nuit » de Céline en roumain : Questions de rythme et de poétique , thèse dédiée aux problèmes posés par la traduction du rythme lexical célinien.
Je tiens à exprimer ma gratitude à ma directrice de thèse, Michèle Aquien, pour m’avoir accompagnée, avec l’exigence et la rigueur professionnelles qui la caractérisent, dans ce parcours de longue haleine à travers les méandres du style célinien.
Je remercie également Pascal Ifri pour la relecture attentive d’un manuscrit qui, ayant subi une restructuration en profondeur par la mise de côté des références aux traductions, exigeait réévaluation et conseil avisé.
Dédicaces
À mes parents, Viorica et Ion
À mon mari, Philippe, grand passionné des mots céliniens
« Des mots, il y en a des cachés parmi les autres, comme des cailloux. On les reconnaît pas spécialement et puis les voilà qui vous font trembler pourtant toute la vie qu’on possède, et tout entière, et dans son faible et dans son fort… C’est la panique alors… Une avalanche… On en reste là comme un pendu, au-dessus des émotions… C’est une tempête qui est arrivée, qui est passée, bien trop forte pour vous, si violente qu’on l’aurait jamais crue possible rien qu’avec des sentiments… Donc, on ne se méfie jamais assez des mots, c’est ma conclusion. »
( Voyage au bout de la nuit , 487)
Introduction
« Au commencement était l’émotion » 1 , affirme Louis-Ferdinand Céline en déplaçant légèrement la signification de la sentence biblique qui situe le Verbe comme point d’origine de la création. Le Logos, dans sa double dimension de Verbe et de Raisonnement, ne représente plus, pour Céline, le passeur idéal, censé permettre à l’émotion de « pren[dre] au trognon de l’Homme [,] de son âme » 2 , de « s’enfoncer dans le système nerveux » 3 . Plus proche de l’émotion, le rythme devient désormais le principe génétique de son style émotif. En effet, si Céline affirme que son style est une manifestation artistique proche de la musique (« Ce qui ne chante pas n’existe pas pour l’âme – merde pour la réalité. Je veux mourir en musique pas en raison ni en prose » 4 ), de la danse (« [d]anser tout est là » 5 ) et de la poésie (« en un mot je hais la prose… je suis poète et musicien raté » 6 ), c’est parce qu’il subsume un ensemble de formes ayant le rythme comme principe fondamental.
Quand il s’agit toutefois de donner une définition du rythme, Céline reste relativement vague. Le rythme est défini par le prisme du conflit, théorique du moins, qui s’établit par rapport au sens et aux idées. L’idéal de l’écrivain est de « [r]esensibiliser la langue, qu’elle palpite plus qu’elle ne raisonne » 7 . Le conflit est parfois radical, qui exclut sens et rythme. Dans Rigodon, Céline se dresse contre les correcteurs qui, préoccupés par le seul sens, procèdent à des changements, lesquels, fussent-ils minimes, détruisent le rythme du texte :
« [À] peine un accent… une virgule… il faut se méfier des correcteurs, ils ont n’est-ce pas le “solide bon sens”… le solide “bon sens”, mort du rythme 8 ! … »
Se confondant généralement avec les saccades résultant de l’utilisation massive des trois points, la notion de rythme devient plus problématique à définir lorsque l’analyse prend en compte Voyage au bout de la nuit . Sur le rythme de ce roman, les déclarations céliniennes se révèlent à la limite paradoxales.
D’un côté, Céline impose une définition extrêmement restrictive du rythme, jusqu’au point où il attribue sa destruction à la disparition d’une syllabe. Avant la publication de Voyage, dans une lettre à son éditeur Robert Denoël, Céline montre déjà son sens aigu de la finesse et de la précision rythmiques :
« De grâce surtout n’ajoutez pas une syllabe au texte sans me prévenir ! Vous foutriez le rythme par terre comme rien – moi seul peut [ sic ] le retrouver où il est 9 . »
Cette mise en valeur de la cadence numérique soutient la définition que Céline donne de son écriture comme poésie. Ainsi, ses textes n’auraient « [r]ien à faire avec la prose-prose » 10 , ils seraient une « espèce de prose versifiée » 11 aussi « fastidieu[se] que les mots croisés ou la composition musicale » 12 .
L’acception d’Henri Godard va dans le même sens. Le critique envisage le rythme célinien selon un principe numérique, qui repose sur la reconnaissance des vers caractérisés, en général l’octosyllabe, autour desquels se forme un rythme facilement perceptible, assimilable à une cadence :
« L’importance primordiale du rythme chez Céline tient moins à une prédilection particulière pour certaines suites ou à leur association à certains contenus thématiques qu’à la pure exigence d’une prose constamment nombrée 13 . »
D’un autre côté, Céline parle de Voyage comme d’un roman assez traditionnel, à « phrase filée », niant ainsi l’existence même d’un rythme dans ce texte. C’est cette déclaration qui est retenue en général par les critiques, qui tendent à négliger le rythme de ce premier roman. Godard, qui envisage le rythme célinien en prenant comme canon les rapports numériques syllabiques, exclut d’emblée Voyage en tant qu’œuvre rythmée :
« Le nombre des syllabes d’un groupe varie, mais jamais de façon fortuite ou indifférente : chacun est toujours, avec ceux qui le précèdent, dans un rapport sensible et qui satisfait quelque chose en nous. Ce canon n’est pas instinctif. Voyage au bout de la nuit l’ignore en grande partie 14 . »
Le vrai mouvement rythmique commencerait avec les œuvres à trois points. Vu sous cet angle, Voyage resterait un roman « atypique » :
« Les points de suspension permettent à cette syntaxe de rester en mouvement […]. On pourrait presque ouvrir au hasard n’importe quel livre de