Mauvaises nouvelles
224 pages
Français

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Mauvaises nouvelles , livre ebook

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Description

Trente et une histoires brèves ou très brèves, tendres ou caustiques, douces ou cruelles. Trente et un scénarios farfelus, tragiques, comiques, imaginés ou vécus, aux dénouements inattendus. L'auteur évoque des tranches de vie, des rencontres, des personnages imaginés ou réels, aussi divers que Cendrillon, Dieu, un sauveur de bonsaïs, un charcutier et un vieil oncle facétieux, ou un bibliophile épuisé. Autant de saynètes inspirées par la vie de tous les jours.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 28
EAN13 9782296474390
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mauvaises Nouvelles
Amarante
L’INVISIBLE AU PETIT CHIEN (septembre 2011) Roman
Jacqueline Zinetti
LA DERNIERE LARME DU LAC (septembre 2011) Roman
Patrick François
LE SILENCE DES HOMMES (septembre 2011) Roman
Henri Chapelet
L’ENDROIT OU IL Y A DES RAPIDES (septembre 2011) Roman
Isabelle Rigolo
FRAGMENTS D’UN JOURNAL INFIDÈLE (AVRIL 2011)
Hana Sanerova
LA DRH ET AUTRES NOUVELLES AU SEIN DU MONDE DU TRAVAIL (janvier 2011) Sylvain Josserand
JOSEPHINE OU LES CALLIGRAPHIES D’ERDEVEN (novembre 2010)
Claude Choquet-Guillevic
LE POTENTIEL EROTIQUE DES ANNEES SARKOZY (octobre 2010)
Juan Cabanis
RUE DAGUERRE (septembre 2010)
Paul Fabre
UN CRI (septembre 2010)
Didier Tassy
EL SHAÏR (juillet 2010)
Virginie Buisson
LE GRAND CIEL (juillet 2010)
Chantai Saragoni
Pierre Schuster


Mauvaises Nouvelles
Du même auteur

Meurtre à Venise , Editoria Universitaria Venezia, 2006
Visit Venice ! Rapport d’étape Venezia, 2009


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55575-4
EAN : 9782296555754

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Toutes ces histoires sont réelles,
du moins l’auteur le croit-il…
(S) CENE
A quelques kilomètres au sud-ouest de Colmar, le village de Legersheim coulait des jours paisibles. Situé juste au-dessus de la route des vins, abrité des hordes de touristes qui ne détestent rien tant que la sortie des chemins balisés, il avait tout, néanmoins, pour leur plaire : une situation dominante sur la vallée du Rhin, la ligne bleue de la Forêt-Noire à l’horizon, un premier plan de collines sensuelles couvertes de vignes tirées au cordeau, et dont les saisons faisaient chanter les couleurs, une vieille forteresse de grès tombée en ruine, mais encore fièrement accrochée depuis mille ans à un piton rocheux, à la lisière de la forêt de sapins des Vosges.

Toute l’Alsace était représentée dans ce décor que n’aurait pas renié Hansi : la petite église gothique avec son clocher pointu, son retable du XV ème siècle en bois sculpté typique de la facture rhénane, inscrit à l’inventaire des monuments historiques, sa fontaine de grès rose, aujourd’hui muette, au centre de la place ombragée par un vénérable tilleul, les ruelles étroites bordées de maisons à colombages soigneusement entretenues, repeintes régulièrement de tons pâtissiers : vert amande, rose bonbon, jaune vanille, et dont les balcons de bois croulaient sous d’exubérants géraniums rouges, le bien nommé roi des balcons.

Grâce à la ténacité de son maire et à la fidélité de ses habitants attachés à ce village par le lien de plusieurs générations, la désertification rurale avait pu être évitée et une vie communautaire maintenue. Et si le curé ne résidait plus sur place, il y restait tout de même un médecin, un instituteur pour quelques élèves et trois commerces : l’épicerie-bazar-dépôts de journaux, la boulangerie et surtout la célèbre boucherie-charcuterie des Schirn. En Alsace, faut-il le préciser, le bœuf et le porc font bon ménage sous le même toit.

Fondée il y a une centaine d’années par l’arrière grand-père de l’actuel propriétaire, elle était passée de père en fils, sans interruption, sans drame familial, tout naturellement, par une sorte de droit d’aînesse implicitement reconnu et respecté mais qui avait entrainé l’exil de tous les autres enfants de la famille Schirn. Les cadets avaient leur dignité !

L’Eugène était un bon gros, comme se doit de l’être tout boucher-charcutier alsacien qui se respecte. Jovial en apparence, dur au travail comme avec lui-même, il connaissait son métier jusqu’au bout du hachoir et les préparations savoureuses du cochon sous toutes ses formes, transmises depuis l’arrière grand-père, améliorées parfois par la touche féminine d’une aïeule, ravissaient les habitants du village et des environs. Il faut dire qu’il ne chômait pas l’Eugène ! A l’aube il fallait débiter les carcasses et détailler la viande. Le soir, après la fermeture de la boutique, tandis que sa femme projetait la sciure avant de balayer le carrelage gras, il s’activait dans son sous-sol transformé en un véritable laboratoire : la chambre froide où pendaient les carcasses de porcs, les hachoirs, les tranchoirs, les couteaux à dépecer, découper, désarticuler, soigneusement rangés, les saloirs, les fumoirs, les fours pour la cuisson, les moules pour apprêter la cochonnaille sous toutes ses formes : saucisses (wurst), jarrets (wädele), fromage de tête (presskopf), jambonneaux (schiffele)…

Sa femme c’était la Marie, fille d’un petit viticulteur du village voisin de Sommerberg qui faisait un excellent Gewurztraminer vendages tardives, et dont il avait fait connaissance, par une belle soirée de juillet au cours d’une fête patronale. Ses rondeurs épanouies, sa blondeur de blés mûrs, ses fossettes rieuses l’avaient immédiatement séduit. Comme les deux familles se connaissaient depuis longtemps et que la Marie ne voyait pas d’un mauvais œil le fait de passer de la treille à l’étal, on ne tarda pas à publier les bans.

Aux côtés de l’Eugène elle avait rapidement appris le métier. C’est elle qui avait en charge le rayon charcuterie et la caisse, pendant que l’Eugène débitait les côtelettes, tranchait le gîte, ciselait les filets mignons. Toujours vêtue de son tablier rose, toujours tout sourire, frisottée de frais par son coiffeur de Colmar, chez qui elle se rendait chaque semaine, elle n’oubliait jamais de régaler les petits enfants d’une tranche de saucisse de jambon (lewerwurst) qu’ils dégustaient comme un bonbon.

Ah les enfants ! Que n’aurait-elle pas donné pour en avoir un ! Ça lui aurait épargné les chuchotis des commères et les regards appuyés sur son ventre plat à la sortie de l’église. Ça lui aurait évité les reproches muets, les soupirs lourds, les regards assassins de l’Eugène qui voyait s’écrouler son rêve : passer la main au rejeton, et qui ne se résignait pas à l’idée de vendre un jour la maison Schirn à un étranger à la famille. Un étranger, vous vous rendez compte ? Pourquoi pas un Allemand pendant qu’on y était ? Car si la Marie avait largement contribué à la bonne santé de l’entreprise, elle avait failli à l’essentiel : elle était stérile, la faute de l’infertilité conjugale lui incombant tout naturellement car l’Eugène avait refusé catégoriquement, pétri de lectures bibliques qu’il était, les examens médicaux élémentaires qui auraient pu le rendre responsable.

A 20 heures, travail terminé, le couple passait à table et avalait la soupe et la charcuterie devant le journal télévisé sans un mot, sans un regard. Pendant que la Marie s’activait à la vaisselle, l’Eugène terminait les Dernières Nouvelles d’Alsace. Puis il montait se coucher, en silence, tandis qu’elle essayait de se consoler devant une histoire à l’eau de rose sur la première chaîne. Quand elle entrait dans la chambre, cela faisait belle lurette que l’Eugène ronflait comme une forge.

Le matin, l’Eugène se levait vers 5 h 30. Il avalait son bol de Nescafé et descendait préparer le rayon boucherie. Une heure plus tard environ, la Marie préparait le petit-déjeuner qu’ils prenaient silencieusement vers 7 h 30 juste avant de lever le rideau de fer.

Et c’est ainsi que, dans ce petit village d’Alsace, passaient les journées, paisibles, sans histoire, rythmées par le mercredi, jour des livreurs, le jeudi celui des enfants et le dimanche celui de la grand-messe à l’église, où l’on se rendait en famille, femmes à gauche, hommes à droite, avant d’aller chercher chez le boulanger le traditionnel baeckeofe cuit au four à bois.

En fait, les journées n’étaient pas si paisibles que ça dans l’impeccable boucherie-charcuterie des Schirn. Au fil des années, abrutis par le travail monotone, assourdis par l’absence de cris d’enfants, les Schirn ne semblaient plus tenir ensemble que par ce travail de somnambule et le compte en banque. Ah ça ! On peut dire que ça avait bien marché ! D’année en année, patiemment, avec l’opiniâtret

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