Mélodie charcutière
43 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Au menu, une palette de récits saupoudrés de joie, de mélancolie et de mystère !

Comme lorsqu’on est convié dans un festin à l’ancienne, voici un assortiment de treize nouvelles, certaines courtes et légères et d’autres à la consistance plus élaborée. Des récits relevés d’une pincée de souvenirs d’enfance avec juste ce qu’il faut de rire et d’angoisse, des textes parsemés d’un soupçon de réminiscences de voyages, le tout saupoudré du piment de l’absurde, de la nostalgie et du mystère.

Dégustez ce recueil de treize nouvelles à la fois douces et piquantes, drôles et nostalgiques !

EXTRAIT

En même temps, je peux vous dire que j’ai moyennement apprécié qu’il ait envisagé de laisser le domaine devenir la propriété d’investisseurs chinois. C’est pas faute de l’avoir prévenu quand il avait évoqué cet « éventuel partenariat » comme il m’avait présenté cela.
— Le clos Montrecul, lui ai-je sifflé entre les dents, n’est pas à vendre et ne le sera jamais. C’est une affaire de famille depuis trois générations. Je n’ai pas supporté les humeurs d’Armand à longueur d’année, lavé ses calebars, préparé sa tambouille et dû me barricader cycliquement à double tour dans ma chambre certaines nuits quand le vieux bouc avait ses poussées d’hormones tardives pour que l’affaire me file sous le nez. Je me fous de tous les Yuans qu’ils soient prêts à mettre sur ou sous la table les Chinetoques. Qu’ils s’occupent de leur alcool de riz !
Je le connais le David maintenant. Cela fait vingt ans que je le pratique. Quand nous nous sommes rencontrés, il était saisonnier, étudiant, et Casanova à temps plein. De mon côté, j’étais bonniche d’Armand, héritière putative et gourde à temps plein. Une vraie bécasse, à temps plein aussi ! Je me suis laissé embobiner par sa fossette avantageuse et ses ridules de gaieté aux coins des paupières. Bon, j’ai marché… non j’ai couru, plus vite que la rumeur. Vous savez celle qui se murmure : « Ces deux-là, ma bonne dame je vous le dis, ça finira en épousailles ! » De fait, on s’est marié très vite. Faut dire que David a beaucoup-beaucoup insisté.
— Tu verras ! On va faire un malheur. Moi je m’occuperai de l’aspect pratique de l’exploitation et toi tu seras notre VRP de charme.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Installé à l’extrême Est de la Belgique, Roger Pleers est un Instituteur de longues années avant de devenir garde forestier. Il a été aussi correspondant pour la presse sportive et moniteur de voile et de ski. Dévoré par le démon de la lecture, il a attendu l’âge de la retraite pour se livrer à l’écriture.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 septembre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782851137173
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Roger Pleers
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Mélodie charcutière
Nouvelles
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
© Lys Bleu Éditions — Roger Pleers
ISBN : 978-2-85113-717-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
 
 
 
 
 
Remerciements :
 
 
 
Toute ma gratitude à Çoise, coach et supporter.
Merci à toi Jeanjean, feu mon ami, lecteur et auditeur si bienveillant.

 
 
 
 
 
Cela fait des années que les blindés soviétiques ont déserté la place de l’université, mais le mannequin représentant Yvan épiant la jeunesse étudiante frondeuse surveille toujours l’entrée de la faculté de lettres de Prague. Sur la colline voisine, le balancier géant continue à rythmer les journées d’une capitale qui se veut enfin bohémienne.
Gégard a débarqué ce lundi d’un autocar hors d’âge. Il a quitté Varsovie deux jours plus tôt, n’emportant avec lui que son saxophone et l’envie de s’essayer à des riff improvisés dans des entrées de portes cochères d’immeubles préservés. Gérard a fui la Russie où ses talents de musicien charmaient surtout les babouchkas faisant la queue devant les magasins d’état. Banni des cercles académiques parce que préférant aux balades sibériennes les accords syncopés du jazz, il avait décidé de faire défaillir les esprits mélomanes dans des villes où l’occident musical représentait une aspiration plutôt que la preuve de la décadence. La Pologne s’étant avérée plus encline à célébrer la joie de vivre au son des accordéons, il ne s’y attarda que le temps d’une brève aventure artistique au sein d’un groupe de musique traditionnelle enchaînant Polkas et Mazurkas. C’est au fin fond du massif des Tatras qu’il fit la connaissance de Peter, Praguois d’origine venu conclure des affaires avec un éleveur local pour le compte de son frère boucher. Après l’avoir écouté, sur son tabouret de bar, vanter les qualités du bœuf montagnard, entre basses côtes et bavette, Gérard en tailla une avec Peter qui l’invita à venir exercer son talent dans la ville dorée. Grégor – car avant d’occidentaliser son prénom en « Gérard » c’est ainsi qu’on le connaissait – n’hésita guère d’autant qu’un différend venait de l’opposer à l’accordéoniste du groupe qui n’y connaissait rien en jazz et martyrisait, chaque fin de soirée après sa dix-huitième vodka, « Strangers in the night ».
Gérard est donc là à Prague et roule les « r » dans un anglais incertain pour ne pas révéler qu’il est russe et n’est investi d’aucune mission secrète par le KGB ; on ne sait jamais, le contentieux tchécoslovaque soviétique semble encore très vivace. Le saxophoniste découvre dans cette capitale presque aristocratique une ambiance détendue que ses ex-compatriotes considéraient eux comme délétère. Dans les ruelles de la vieille ville, au pied du château, autour de l’ancienne synagogue, sur la place dont les pavés auraient accueilli les sitting des contestataires estudiantins excédés, Gérard y retrouve des espaces scéniques multiples pour ravir les sens des jolies Praguoises en mal de sérénades. Mais comme chacun sait, la musique nourrissant mal son homme, il doit se résoudre aussi à pratiquer la musique alimentaire. C’est la raison pour laquelle il a rendez-vous avec Peter qui doit le présenter à son frère, responsable du rayon boucherie dans un petit supermarché nouvellement ouvert à proximité de Staré Miesto, la vieille place.
— Tu devras t’y produire chaque midi et y jouer de ton saxophone devant une tête de gondole où mon frangin fait étalage d’une terrine aux cèpes. Moyennant quoi, à l’issue de ta prestation tu pourras, pendant dix minutes, t’approvisionner en produits de bouche. Attention ! Pas question de les emporter ! Uniquement les consommer sur place. Et rien que du solide ! Le Slivovicz est réservé aux jongleurs qui te succéderont à quatorze heures.
C’est ainsi qu’entre tripes et pieds de porc en gelée, Gérard trouve l’inspiration dans un répertoire de jazz manouche qui semble le mieux correspondre aux circonstances.
— Je trouve, lui dit un jour Alexis le boucher entre deux arpèges, que votre musique a tous les échos de ma vie professionnelle. J’aime beaucoup la voix rauque de votre saxophone. Lorsque, dans l’atelier de découpe, j’use de la scie à os et du hachoir, cela s’accorde parfaitement avec ces mélodies que vous nous jouez. Il y a dans, l’assemblage de ces harmoniques différents, un équilibre parfait qui réjouit les sens à un tel point que des clientes, qui hésitaient entre faux-filet et paupiettes, finissent par opter pour un rôti, plus onéreux certes, mais qui, au moment où la cuisson débutera, exhalera un soupir polyphonique capable à la fois de charmer les oreilles mélomanes et de faire saliver les papilles gustatives… Dites-moi, vous pourriez jouer un peu d’Aznavour, un groupe d’Arméniens vient juste d’entrer ?...
Gérard, qui rêvait de solos romantiques sur le pont Charles au bord de la Moldau avala tout rond sa tranche de jambon puis fit à nouveau glisser ses doigts (ce fut plus facile) sur les clés de son instrument en attaquant le thème de « Il était une fois dans l’ouest », sorte de message subliminal à destination de ses aspirations, puis il s’éclipsa pour céder la place à des jongleurs kazakhs qui pratiquaient leur art en s’échangeant savamment des gigots d’agneau.
S’éloignant du supermarché, il commença par s’égarer vers les impasses et les passages sous les maisons au pied du château royal. Là, pour son plaisir personnel, il rendit hommage à Louis Amstrong devant un auditoire de touristes américains ravis qui n’en demandaient pas tant. Devant le théâtre Noir, où tous les jours on joue Kafka, il laissa libre cours à son inspiration, improvisant du blues, sous les applaudissements mesurés d’une plantureuse blonde qu’il lui sembla déjà avoir repérée mêlée aux Américains peu avant. Rendu soupçonneux par dix ans de pratique en Russie, il changea prestement de lieu, sauta dans un trolleybus qui le mena au pied du monument de la résistance. Un car Pullmann y débarquait à l’instant un contingent de citoyens français à qui il dédia « La Bohême », c’était de circonstance. Il allait attaquer un medley de morceaux de Bécaud lorsqu’on lui tapota l’épaule. Gérard était sur le point de piquer le sprint de sa vie pour échapper aux sbires du KGB quand il s’avisa que c’était la blonde plantureuse un peu chevaline – après l’épisode boucherie il craignait le pire – une blonde tout sourire du haut de son mètre quatre-vingts et quelques qui elle aussi roulait les « r » dans un anglais germanique cette fois.
— Hello, lui fit-elle ! Je vous ai entendu jouer et j’aime beaucoup votre répertoire. Je suis en vacances ici mais j’

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