Métissages culturels
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Date de parution 23 août 2018
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EDITIONS AÏNI BENNAÏ 131 BD D ANFA 20000 CASABLANCA MAROC ISBN : 9954-8153-6-8 Dépôt Légal : 2002/2300
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Rita El Khayat a publié :
Le monde arabe au féminin,3° éd., L’Harmattan, Paris, 1988 Le Maghreb des femmes, Eddif, Casablanca, 1992 Le somptueux Maroc des femmes, Dedico, Salé, 1994 Une psychiatrie moderne pour le Maghreb, coll. « »,Santé et Cultures L’Harmattan, Paris, 1994 Les sept jardinsÉcritures Arabes », L’Harmattan, Paris,, nouvelles, coll. « 1995 Les livre des prénoms, Eddif, Casablanca, 1996 La folie. El Hank. Casablanca,Eddif, Casablanca, 2000Le désenfantement,éd. Aïni Bennaï,Casablanca, 2002 Le Sein,éd. Aïni Bennaï, Casablanca, 2002 La femme dans le monde arabe,Jaca Book WIDE, collection Un’enciclopedia EDM del Mediterraneo, Milan, 2002
À PARAÎTRE :
La Liaison, roman L’ Œil du Paon, poèmes Les Arabes riches de Marbella, roman,
RÉ ÉDITÉS :
Le Maghreb des Femmes, Marsam, Rabat, mars 2001 Le Somptueux Maroc des Femmes, Marsam Rabat, 2002
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Alain Goussot a publié :
Giuseppe Mazzini (1805-1872), formazione intellettuale e rapporti con la cultura europea, Domus Mazziniana, Pisa,2000.
La storia difficila degli handicappati, con Andre Canevaro, Carocci editore, Roma, 2000.
À PARAÎTRE :
“Noi e gli Altri:riflessioni italiane sulla diversità”, Città futura,Catania,2003.
Ovide Decroly : l’opera pedagogica, Erickson, Milano, 2003.
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A Aïni Bennaï,
Algéro-Marocaine, conçue en Espagne andalouse, née à Genève, Suisse, déclarée Apatride par le Haut Commissariat des Réfugiés le 7 janvier 1997, ma fille. Rita El Khayat
A mon Père et à ma Mère, à tous ceux qui luttent et à la mémoire de ceux qui ont lutté depuis des siècles, partout dans le monde, pour une humanité meilleure. Alain Goussot
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METISSAGES CULTURELS
Plan
INTRODUCTIONS Pourquoi ce thème ?
1-Regard italien
2-Regard marocain
3- Regards croisés
CONCLUSIONS Questionnements et Questions réciproques.
Bibliographies pour les diférents textes.
Ce travail a été commencé en octobre 2000 à la faveur de l’un des voyages de Rita El Khayat à Bologne où l’accueille régulièrement Alain Goussot, voyages qui permettent à l’une d’intervenir en Italie dans un certain nombre de domaines et à l’Autre, le chercheur italien, de faire équipe avec une femme qui a choisi de vivre et travailler dans le tiers-monde, présent sous les yeux d’ Alain
Goussot en la présence des populations migrantes sur lesquelles et
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avec lesquelles ils travaillent tous les deux. Ces précisions prennent tout leur sens après le 11 septembre 2001…
Introduction
Alain Goussot
Le rapport avec l'Autre n'est pas seulement le rapport avec l'Autre différent de nous mais aussi, et avant tout, le rapport avec l'Autre ou les Autres qui sont en nous et nous constituent du point de vue existentiel. L'écrivain italien Antonio Tabucchi, dans un essai consacré à Fernando Pessoa, parlant de la construction de l'identité chez la personne affirme que nous sommes tous "une valise pleine de gens". Cela nous pousse à réfléchir sur la multiplicité de notre identité- sur nos identités- qui ne peut, en aucun cas, être réduite à une simplification uni dimensionnelle ou à une entité statique définie une fois pour toutes et fixée, verrouillée, dans le temps et dans l'espace. Dans le cas italien le raisonnement sur l'altérité doit passer par un raisonnement sur l'histoire des rencontres qui ont formé l'identité, ou plutôt les identités (l'écrivain Carlo Levi parlait des "milles patries"), de
la péninsule. La Grande Grèce, le Monde étrusque, l'Empire romain et la civilisation latine sont les éléments constitutifs de l'humus sur lequel vont se brancher et s'entrecroiser une grande variété d'influences. L'empire romain lui-même avait une tendance à intégrer les peuples conquis avec leurs cultures et traditions. Les intellectuels romains parlaient plus souvent le grec que le latin ; à un point tel d'accorder à leurs divinités un droit de citoyenneté dans le panthéon des Dieux romains. L'étude de L. A.Thompson :"Romans and blacks" nous montre que les romains dans leurs rapports avec les populations noires passaient de la surprise (parfois de l'hostilité) à l'habitude et que le niveau d'hostilité diminuait avec la durée du contact. L'échange sexuel devait même porter à une absorption continuelle des populations originaires de l'Afrique noire. La capacité à englober des individus d'origine africaine ou gauloise découle du fait que les Romains fonctionnaient mentalement avec la certitude a priori de l'unité du genre humain, certitude ancrée dans le principe de symétrie et d'égalité qui régit la famille romaine.
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Cette attitude, de nature métaphysique, leur donnait le temps de s'habituer à toutes les différences concrètes. Durant le Moyen-Âge la péninsule a connu l'invasion des peuples d'origine germanique. N'oublions pas la figure exceptionnelle de Frédéric II Hohostaufen qui parlaient plusieurs langues et avait fait de la cour impériale de Palerme un centre de rencontres entre cultures (arabe, latine, germanique, normande). L'influence arabe a marqué la Sicile mais aussi une grande partie du Sud ; elle se croisait avec celle des rois normands, des Byzantins à Ravenne. Durant les XV° et XVI° siècles, l'Italie connaît la Renaissance, l'art devient le grand médiateur qui favorise les rencontres entre artistes de tous les points du monde ; l'humanisme de Pico Della Mirandola met l'universalité de l'homme au centre de tout discours philosophique. Du 15° au 19° siècles, l'Italie sera traversée par les Espagnols, les Autrichiens, les Français ; sans parler des Turcs, des Croates et des Russes. Les grands penseurs du Risorgimento italien comme G. Mazzini et C. Cattaneo étaient conscients de ce brassage et de cette grande variété italienne qui trouvait son point d'ancrage dans les stratifications profondes de la civilisation latine qui avait fini par métaboliser ces différentes influences. Ce mélange, ces croisements et branchements différents avaient produit des réalités locales particulières et des communautés historico-culturelles multiples. La Sicile ressent de l'influence arabe et nord-africaine mais elle est restée aussi marquée par la présence des Normands. Le Sud de l'Italie a connu la présence espagnole mais aussi le contact avec la France. Il suffit de penser aux rapports entre Naples et Paris ; le Piémont c'est la Savoie française, la Vénétie est ouverte à l'Orient et la Mittle-Europa. Ce que voulaient Mazzini et Cattaneo, chacun à sa façon (l'un par une forte décentralisation de l'Etat unitaire, l'autre par une structure fédérale), c'était l'unité dans la diversité. La reconnaissance des différences locales dans le respect de l'unité et de la solidarité entre tous les citoyens italiens libres et égaux. Mais cette idée d'une République démocratique d'hommes et de femmes libres et égaux dans le respect unitaire des différences ne s'est pas réalisée. Le nouvel Etat italien avec ses classes dirigeantes allait nier l'égalité entre les citoyens (excluant la majorité de la population) et les différences régionales au nom d'un nationalisme abstrait incompréhensible pour la majorité des Italiens. Ceux-ci allaient découvrir leur appartenance à une patrie commune dans les tranchées durant la première guerre mondiale La question méridionale, niée au nom d'une uniformité négatrice de la pluralité de cultures et traditions, allait éclater provoquant des explosions sociales et une émigration de masse. Il suffit de lire ce qu'écrit un historien comme Pasquale Villari (deuxième moitié du XIX° siècle) pourtant attaché aux valeurs patriotiques, pour se rendre compte de la misère qui poussait des millions de paysans du Sud à se lancer dans l'aventure de l'émigration. Cela ne concernait d'ailleurs pas seulement les régions du Sud mais aussi la Vénétie et le Friuli-Venezia-Giulia, régions du Nord. Cette histoire de l'émigration italienne reste encore à écrire ; la souffrance, le déracinement, les difficultés pour s'intégrer dans les pays d'accueil, le mépris vécu par de nombreux émigrants. En cela l'Italie a quelque chose en commun avec beaucoup de pays du Maghreb. Il faut lire les lettres, les carnets, les mémoires ; interroger les protagonistes encore vivant pour mesurer l'importance de cette histoire où les Italiens ont rencontré
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l'Autre, non comme conquérants et dominateurs, mais comme personnes dominées qui demandaient hospitalité pour mieux vivre. Ce qui frappe encore aujourd'hui c'est l'espace réduit consacré par les livres d'école à l'histoire de cette émigration (le fascisme avait parlé des génies italiens, jamais de la masse des pauvres).
Véritable drame humain de l'histoire italienne. Un drame humain qui continue encore aujourd'hui pour de nombreuses régions du Sud alors que l'Italie vit de nouveaux brassages avec l'arrivée des immigrés qui viennent d'Afrique, d'Asie ou d'Europe de l'Est. Pour un pays comme l'Italie l'immigration a un effet reflet par rapport à son histoire passée et récente ; est-il possible d'affronter le thème de l'altérité sans s'interroger sérieusement sur l'histoire et sur le sens que l'on attribue au concept ou à la notion d'identité ? Le cas italien démontre très bien que la notion d'identité ne peut être conçue au singulier et de manière anhistorique. Multiplicité et historicité sont les deux caractéristiques de l'identité; les traditions elles-mêmes finissent toujours par subir des mutations ou même parfois par disparaître. Cela est vrai aussi bien pour les individus que pour les peuples. Chaque personne est un être en situation et ce sont les situations vécues dans l'expérience qui produisent le sens que nous appelons identité. Celle-ci est composite et construite comme une réalité plurielle, une réalité plurielle à laquelle nous attribuons un sens ; nous sommes souvent plusieurs choses en même temps. Pour reprendre la réflexion de Jean-Paul Sartre (L'Etre et le Néant) nous pouvons dire qu'en tant qu'êtres en situation, nous sommes à la fois signifiants et signifiés ; signifiés par la situation que nous ne choisissons pas (lieu de naissance,couche sociale, contexte familial, groupe culturel), signifiés par les autres, par leur regard, mais nous sommes aussi signifiants dans la mesure où nous attribuons un sens et nous donnons une signification à ce que nous voulons être et désirons
devenir. C'est dans le choix de notre trajectoire comme agent libre situé dans le monde (Sartre affirmera que nous sommes contraints à êtres libres) que nous signifions le monde, nous nous signifions comme êtres agissant et nous nous dépassons en transcendant la pure nécessité. C'est d'ailleurs souvent notre regard sur les choses et notre façon de regarder qui conditionnent nos comportements et ceux des autres. Mais ce regard qui semble nous appartenir est fortement orienté par le regard des autres. Jean Paul Sartre n'avait pas tort d'affirmer que c'est le regard de l'antisémite qui crée le juif ou que c'est le regard du blanc qui crée le "Nègre". Franco Basaglia ajoutera que c'est le regard du psychiatre qui crée le fou. Le regard de l'autre, surtout quand il est détenteur d'un pouvoir quelconque (que ce soit un "savoir scientifique" ou une position économique) et expression d'une "majorité normative", contraint la minorité (qui n'est pas un concept quantitatif mais qualitatif) à régler ses rapports avec soi sur la mesure imposée par l'Autre "généralisé". L'Autre - le malade, le peuple colonisé ou opprimé, l'exclu,- est souvent fixé dans une identité immobile et uni dimensionnelle. Monsieur X n'est pas la personne mais le schizophrène, Madame Y. n'est pas la femme qui a besoin d'exister mais la Marocaine etc… Ce processus de définition et d'identification de l'Autre fonctionne comme un mécanisme de réification.
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L'Autre a été un objet sans histoire fixé dans les vitrines exotiques des musées européens ou interné dans les prisons et les asiles d'aliénés. L'Autre était donc fixé dans une identité immobile et imperméable; c'est ce que faisait le fondateur de l'anthropologie criminelle, en Italie, Cesare Lombroso quand il décrivait comme déviants les comportements sociaux des gens du Sud de l'Italie ou comme somatiquement et biologiquement déterminés les tendances vers la délinquance et la prostitution. Toujours le même processus de réification de l'Autre ; la science positiviste du début du siècle faisait la même opération avec les pauvres, le prolétariat, les marginaux de tout poil, les fous, les malades, les handicapés. Michel Foucault nous a expliqué comment sont nées les structures d'enfermement de l'Autre, la clinique, l'asile d'aliéné et la prison, c'est lui qui nous explique dans "Les Mots et les Choses" comment la culture européenne passe progressivement d'une pensée analogique à une pensée logique, d'un modèle de connaissance basé sur l'association à un modèle basé sur la différentiation. Les tableaux et les classifications de Buffon et de Linné furent l'expression épistémologique du principe différentiel qui sera à la base de toute la pensée scientifique européenne et cela au détriment du principe de ressemblance encore fort présents chez des penseurs comme Rabelais, Giordano Bruno et Montaigne. "L'intelligence tabulaire" trouvera sa synthèse dans l’œuvre de Descartes qui avec son "clair et distinct" propose un modèle d'observation qui définit, classifie et discipline l'Autre. C'est une approche binaire et au fond toute l'approche diagnostique en médecine reproduit ce type de modèle épistémologique. L'identité devient ici l'identique et ce qui n'est pas identique, c'est l'Autre. Pourtant les choses ne sont pas aussi simples. Souvent l'Autre n'est pas autre mais il nous ressemble. Si on accepte comme Gianbattista Vico que l'homme est le créateur de sa propre histoire, d'une histoire faite de mémoire qui comprend l'Autre ou les Autres qui nous constituent, Vico avait travaillé sur l'importance des mythes et de la symbologie comme forme d'auto définition de l'identité, on ne peut éviter de considérer l'identité comme une création de l'homme, et comme une création qui se redéfinit en continuation. Vico avait une approche comparative et soulignait les connexions entre les mythes produits par les différentes cultures, et cela au-delà des formes expressives et linguistiques différentiées. La question de fond qui se pose est celle, en fait, des " branchements " entre cultures, pour utiliser l'expression de Jean-Loup Amselle (Logiques Métisses), c'est-à-dire des formes de connexions, contaminations réciproques et implications mutuelles. Ces connexions ou ces branchements se font toujours à l'intérieur d'une dynamique sociale ; de ce point de vue les contacts entre cultures ne sont jamais neutres ; ils se font dans des situations de développement historique où il existe des rapports de force. Les processus d'acculturation dont nous parlent des anthropologues comme Melville Herskovits et Ralph Linton se produisent à travers un système de sélection et d'emprunts d'une culture par rapport à une autre. Seule une approche historique, interactionniste et constructiviste nous permettra de comprendre le phénomène complexe de l'hybridation culturelle. Il n'est pas possible de séparer ce qui est intimement lié dans la construction vivante de l'histoire des hommes et des femmes ; les théories ethnicistes tendent à identifier personnes et groupes avec une entité ethnique ou culturelle qui relève plus de
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