Nouvelles du Sénégal
39 pages
Français

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Nouvelles du Sénégal , livre ebook

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Description

À la découverte des traditions et de la culture du Sénégal.

L’histoire du Sénégal, ou en tout cas de cette partie de l’Afrique de l’Ouest, ne commence pas avec les Indépendances : sa préhistoire, la longue et riche histoire de ses royaumes, sont en grande partie dans le précieux patrimoine que constituent ses langues et leur mémoire que sont le diola, le malinké, le pular, le peul, le sérère, le soninké ou le wolof. Le français s’est imposé comme langue nationale après deux siècles de colonisation. C’est la langue de la plupart des écrivains sénégalais aujourd’hui, même si certains, tel Boubacar Boris Diop, ont aussi écrit en wolof. Outre l’importance de Léopold Sédar Senghor, de Cheikh Hamidou Kane ou de Sembene Ousmane, une autre spécificité de la littérature sénégalaise est la place qu’y occupent les femmes : Mariama Bâ, Aminata Sow Fall, Fatou Diome, Ken Bugul, Khadi Hane, Nafissatou Dia Diouf. Francophone et féminine, telle se présente la littérature sénégalaise, consciente de son passé, attachée à des traditions multiséculaires, mais aussi moderne, ouverte sur le monde, sur le reste de l’Afrique, sur le monde arabe et sur l’Europe, tout en nouant de subtils liens avec les Amériques du Nord et du Sud où vivent tant de descendants du commerce triangulaire.

Laissez-vous emporter dans un formidable voyage grâce aux nouvelles sénégalaises de la collection Miniatures !

EXTRAIT

Ma mère changea. Tous les jours, elle porta la même camisole d’épouse de gouverneur, ne se maquilla plus, ne sortit plus. Mes trois sœurs se marièrent. Safi, médecin, convola la première. Suivit Raki, l’avocate. Et enfin, Lali, femme au foyer, reléguée à la popote. Là, tous les regards se braquèrent sur moi. J’étais le fils unique. Avec mon diplôme, on comptait sur moi pour prendre la relève économique et sociale de mon père: veiller à ce que la famille ne manquât de rien et surtout faire en sorte que le nom du clan des Faye ne disparût pas. Pour cela, il me fallait du travail d’abord, puis je me marierai. À mon tour, j’engendrerai des Faye. Seulement, je ne trouvais pas de travail. J’étais chômeur et ce nouveau titre de noblesse oisive me rendait invisible. Et à défaut de relever mon père pour les dépenses de la maison, que ses gendres assumaient désormais, il me restait son nom qu’il m’avait légué, que j’étais seul à pouvoir perpétuer. Rude tâche que je voulais bien assumer, mais il y avait un autre problème: aucune fille n’épouse un chômeur.

À PROPOS DES ÉDITIONS

Créées en 1999, les éditions Magellan & Cie souhaitent donner la parole aux écrivains-voyageurs de toutes les époques. Marco Polo, Christophe Colomb, Pierre Loti ou Gérard de Nerval, explorateurs pour les uns, auteurs romantiques pour les autres, dévoilent des terres lointaines et moins lointaines. Des confins de l’Amérique latine à la Chine en passant par la Turquie, les quatre coins du monde connu sont explorés. À ces voix des siècles passés s’associent des auteurs contemporains, maliens, libanais ou corses, et les coups de crayon de carnettistes résolument modernes et audacieux qui expriment et interrogent l’altérité.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 août 2018
Nombre de lectures 1 263
EAN13 9782350745169
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avant-propos
La nouvelle dition de ce volume de la collection " Miniatures nous entra ne en Afrique subsaharienne, dans un des pays embl matiques de l Afrique moderne, cette Afrique dont on a c l br le cinquantenaire des ind pendances en 2010. Contrairement ce qu un pr sident de la R publique fran aise d clarait en 2007 l universit de Dakar (" L homme africain n est pas assez entr dans l Histoire. (...) Le probl me de l Afrique, c est qu elle vit trop le pr sent dans la nostalgie du paradis perdu de l enfance. (...) Dans cet imaginaire o tout recommence toujours, il n y a de place ni pour l aventure humaine ni pour l id e de progr s ), le gigantesque continent africain n a jamais cess de faire l histoire du monde, et ce depuis des mill naires. Comment l ignorer ?
Depuis son Ind pendance en 1960, apr s deux si cles d appartenance l ancienne Afrique occidentale fran aise (AOF), qui comprenait galement la Mauritanie, la Guin e, la C te-d Ivoire, le Niger, les actuels Mali, Burkina Faso et B nin, apr s avoir t l un des points d embarquement de la traite n gri re Gor e et Saint-Louis, ce pays de pr s de quinze millions d habitants qu est le S n gal a fait entendre sa voix sur le plan politique, sur le plan conomique et sur le plan culturel comme peu de pays africains. Que l on songe la place politique et culturelle occup e par L opold S dar Senghor : po te, chef de l tat s n galais de 1960 1980, premier Africain membre de l Acad mie fran aise Au travers d un homme qui a montr la voie et qui disait : " La n gritude est la simple reconnaissance du fait d tre noir, et l acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture , c est tout le destin d un peuple et d un pays qui a t trac .
L histoire du S n gal, ou en tout cas de cette partie de l Afrique de l Ouest, ne commence pas avec les Ind pendances : sa pr histoire, la longue et riche histoire de ses royaumes, sont en grande partie dans le pr cieux patrimoine que constituent ses langues et leur m moire que sont le diola, le malink , le pular, le peul, le s r re, le sonink ou le wolof. Le fran ais s est impos comme langue nationale apr s deux si cles de colonisation. C est la langue de la plupart des crivains s n galais aujourd hui, m me si certains, tel Boubacar Boris Diop, ont aussi crit en wolof. Outre l importance de L opold S dar Senghor, de Cheikh Hamidou Kane ou de Sembene Ousmane, une autre sp cificit de la litt rature s n galaise est la place qu y occupent les femmes : Mariama B , Aminata Sow Fall, Fatou Diome, Ken Bugul, Khadi Hane, Nafissatou Dia Diouf Francophone et f minine, telle se pr sente la litt rature s n galaise, consciente de son pass , attach e des traditions multis culaires, mais aussi moderne, ouverte sur le monde, sur le reste de l Afrique, sur le monde arabe et sur l Europe, tout en nouant de subtils liens avec les Am riques du Nord et du Sud o vivent tant de descendants du commerce triangulaire.
Les cinq auteurs de ce " Miniatures S n gal , avec cette seconde dition, nous pr sentent toutes les facettes du S n gal d aujourd hui, au travers d histoires qui renouv lent et perp tuent les traditions orales.
Pierre A STIER
J IRAI 1
" J irai Dakar, prendre l autocar.
Le taxi qui me m ne la gare de si bon matin n a pas de phares, pas de compteur, pas de plancher d ailleurs par endroits. Tant pis s il fait encore noir. Tant pis si je n ai pas envie de parler, encore moins de discutailler le prix de la course. Tant pis si mes chaussures reposent sur un tapis en plastique mou qui se d forme sous le poids de mes jambes et s enfonce dangereusement vers l asphalte dont je ressens les exhalaisons ti des. La chauss e caboss e ne nous pargne aucun heurt. Chaque nid-de-poule trouve cho dans mon ventre vide. Le moteur est nerveux comme un diesel mal rafistol . Le coup de volant est brusque et mal assur . Le chauffeur est en rogne, sans doute un sirouman 2 en fin de service. Je n en ai rien faire. Je n ai pas plus envie de lui tre sympathique que lui de conna tre ma vie.
Ma vie, je ne la connais pas moi-m me
Sous les lampadaires orang s, mille petits soleils blafards donnent Pompier 3 un air de f te. La nuit s ach ve peine, mais on se croirait mi-journ e tant la place est grouillante. Des ballots, des sacs, des chaises en plastique, des moutons sont charg s sur les galeries des Ndiaga Ndiaye 4 par des coxeurs 5 z l s. Les marchandes de fond vendent leur bouillie de mil pleines louch es. De mon taxi, j observe cet lot de vie dans la ville encore morte. J ai mal aux cervicales force de tourner la t te pour distinguer cette centaine de pantins s agiter sous les lumi res bl mes, que dispute un soleil encore falot. Le chauffeur, lui, regarde toujours devant, imperturbable. Heureusement, d ailleurs. Je ne sais pas si j ai vraiment envie d arriver bon port mais s rement pas de terminer dans un ravin. Imperturbable. Sans doute est-il press de terminer sa derni re course et d aller enfin commencer sa nuit six heures du matin.
" prendre l autocar. Nous roulons pr sent sur le boulevard de l Arsenal, la gare routi re derri re nous. C est mal parti Cette comptine d cole primaire me revient en m moire comme une ritournelle obs dante mais bienvenue. Une distraction point nomm pour parasiter les milliers de questions et de doutes qui se bousculent dans ma t te.
Au d tour de la place du Tirailleur o Demba et Dupond se tiennent dos dos, le b timent fa ade d architecture coloniale se d coupe dans le petit matin. Les ex-fr res d armes. Dos dos. Je me suis toujours demand e comment il peut y avoir un change nord-sud dans ces conditions. Quelle langue parle le dialogue islamo-chr tien ? Pourquoi l un a droit un patronyme, et l autre juste un pr nom ? Encore heureux qu on ne l ait pas pr nomm Mamadou, ou Doudou, le masculin de Fatou, comme devraient s appeler, par raccourci, tous les Africains musulmans.
Le chauffeur contourne la place et me d pose devant l entr e de la gare. Je lui tends un billet. La somme a l air de lui convenir, et dans le m me silence tacite, j ouvre la porte qui proteste de tous ses gonds rouill s et la claque derri re moi.
Le grand hall est d sert. Hormis quelques chats errants, deux clochards qui dorment sur des bancs en b ton, un vendeur de cigarettes et de petit cola 6 et le guichetier qui somnole derri re sa vitre, comme un poisson dans son aquarium. Je suis probablement beaucoup trop en avance. De toute fa on, je n arrivais pas dormir. Toute la nuit, je me suis tourn e et retourn e dans mon lit sans trouver le sommeil. De guerre lasse, pour occuper mes pens es, je me suis lev e et, apr s une douche rapide, je suis sortie de la maison dans la nuit, pr f rant affronter les djinns et les nitu guddi 7 plut t que mes propres d mons. Je jette un coup d il mon poignet. Mince ! J ai oubli ma montre. La grande horloge murale ne m est d aucun secours. Ses grandes aiguilles sont fig es dans une ternit poussi reuse. Le temps, ici, a une autre valeur
Je m approche du guichetier dans son bocal. Il a les yeux mi-clos, un bol de caf au lait devant lui et un grand pain emball dans du papier journal. Je pense que bien avant Johannesburg, Rio ou Copenhague, ce sont les Africains qui en premier ont eu le r flexe du recyclage. Syst me D oblige
Il a les yeux mi-clos mais ne dort pas. Peut- tre est-il aussi frapp de cette m me inanition ambiante ? J observe la salle des d parts. part moi, rien ne bouge, comme si j avais dit : " Un deux trois, soleil ! Seulement, le soleil n est pas encore lev et mes compagnons de jeu n ont pas l air d avoir le c ur la f te. Alors, je me tourne nouveau vers le guichetier, toujours immobile. Je suis dans son champ de vision mais il est flagrant qu il essaye d ignorer ma pr sence.
Je finis par toquer la vitre sale, moiti recouverte de prospectus et de calendriers obsol tes l effigie de guides religieux. Il l ve les yeux au ciel avant de porter un regard agac sur moi ou la personne imaginaire derri re moi. Si ce n tait pas au-dessus de ses forces, il aurait ajout : " Quoi ? ! Pourtant, on ne peut pas dire qu il soit d bord cette heure ! Peu sensible ses tats d me, je r ponds sa question muette :
- quelle heure est pr vu le d part de l Express pour Saint-Louis ?
- Maal kum salam 8 !
- Euh, assalamu aleikum , r ponds-je un peu d contenanc e.
Dans mon empressement, j oublie les civilit s les plus l mentaires. Mais ce petit type valait bien une entorse mon ducation
-
Il a entendu ma question mais ne va pas bouder son plaisir de me la faire r p ter. S il n y a que cela pour faire son bonheur, je ne vais pas l en priver Il y a longtemps que j ai compris : avec le petit personnel (et " petit , cette fois, n a rien de p joratif dans mon esprit), il faut se montrer poli, la limite de l obs quiosit , saluer comme il se doit, mettre autant de " s il vous pla t et de " merci que la phrase peut en supporter, juste pour avoir le droit une petite information, pour la d livrance de laquelle, certes, il est mal pay mais pay tout de m me. La notion de " service public est trang re nombre de nos concitoyens qui ne croient qu en une chose : le " service camarade , ou encore leur bon vouloir dict par l humeur du jour et la capacit de l autre s en accommoder. Seulement, voil : je suis mal r veill e, et bien qu attendant ce jour depuis des ann es, voire depuis toute ma vie, j ai la fois envie et pas envie d entreprendre ce voyage. J ai la fois peur de l y trouver et de ne pas l y trouver. Je n ai surtout pas envie d tre sympathique un guichetier lev du pied gauche et dot d une susceptibilit mal plac e.
Il l a sans doute compris, car entre deux bouch es et une gorg e sonore de son caf au lait, devant mon insistance muette et but e, il l che :
- Dans deux heures de temps
Avant de se replonger dans la lecture de son jour

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