Onze nouvelles
152 pages
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Onze nouvelles , livre ebook

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Description

Ce qu’il y a de bien, avec les nouvelles, c’est qu’elles ne prennent que quelques heures à écrire et quelques minutes à lire. De cette façon, si la bête est barbante, que ce soit à écrire ou à lire, on sait à l’avance que ce ne sera que de courte durée. On apprécie Dieu merci que ce ne soit pas un roman.
Cette crainte de gaspiller son temps fait de la nouvelle une forme de récit particulièrement bien adaptée à notre époque. Non pas que nous manquions de temps pour lire ou pour écrire. Soyons honnête : manquer de temps, c’est d’abord et avant tout une mode. C’est une façon de dire, et surtout de se dire, qu’on est important, sollicité, essentiel à la bonne marche de l’économie mondiale. Non. Si la nouvelle convient bien au siècle, c’est que ce dernier nous a tous habitués à passer à autre chose le plus rapidement possible. Tout nous étant maintenant offert digéré à l’avance, consacrer du temps est devenu synonyme de perdre du temps.
La bonne nouvelle, car il y en a une, c’est que la nouvelle est un roman que l’auteur a digéré dans sa tête pour lui éviter d’avoir à écrire trop longuement et pour éviter au lecteur l’inconfort de devoir lire des heures et des heures.
La mode sera-t-elle bientôt à la nouvelle courte, très courte, toujours plus courte ? Je parie que oui. Elle fera tout au plus une page, mes bons. Les auteurs les plus habiles feront même en sorte qu’elle puisse s’afficher toute entière et de manière parfaitement lisible sur l’écran du téléphone qu’on tient à la main quand on fait ses courses. En attendant, en voici quelques-unes honteusement plus longues. Sachant qu’elles mettraient toutes plus de deux minutes à lire, j’ai fait l’effort de les rendre intéressantes. Si vous les trouvez barbantes, rassurez-vous : ce ne sera que de courte durée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 janvier 2011
Nombre de lectures 13
EAN13 9782923916163
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Onze nouvelles
SINCLAIR DUMONTAIS
© ÉLP éditeur, 2010 www.elpediteur.com elpediteur@yahoo.ca
ISBN 978-2-9811085-8-6
Distribution : www.numilog.com
Couverture : bas-relief « Apelle » par Nino Pisano, image originale de Sailko, sur Wikimedia http ://commons.wikimedia.org/wiki/User :Sailko
Polices libres de droit utilisées pour la composition de cet ouvrage : Linux Libertine et Libération Sans
ÉLP éditeur, le service d'éditions d'écouter lire penser, un site dédié à la culture Web francophone depuis 2005, vous rappelle que ce fichier est un livre numérique (ebooks). En l'achetant, vous vous engagez à le considérer comme un objet unique des> tiné à votre usage personnel. En format PDF, ce livre a été conçu pour être lu sur un lecteur de livres numériques (ebook reader) ou une tablette tactile. Toutefois, si vous souhaitez le lire sur votre écran d’ordinateur, nous vous conseillons, pour profiter pleinement du plaisir de votre lecture, de cliquer sur le « mode plein écran » dans le menu « affichage » d’Acrobat Reader.
Table des matières
Lanthier-d'Arçon, un mercredi
Adieu Jeanne
La gare de Mouilt
La dénoce
Le vendredi des parcomètres
L’autre, dans le miroir
La filature
La biographie de madame Marot
Jacinthe
Les invisibles
La nouvelle érotique
Lanthier-d’Arçon, un mercredi
Comme tous les matins de toutes les semaines, Madeleine serait la dernière à quitter la maison. Son mari était parti à sept heures trente et ses enfants à huit heures : il lui restait une petite demi-heure pour passer sous la douche, s’habiller, monter dans sa voiture et filer à son tour pour la journée.
Pendant qu’elle cherchait l’énergie nécessaire pour la pousser jusqu’à son boulot, le téléphone sonna. « Made$ leine ? C’est Bertrand. Boisé du Domaine Lanthier-d’Arçon. Route 64, sortie Saint-Côme. De là, le boisé est indiqué. J’y serai à dix heures. »
Fidèle à son habitude, il avait raccroché avant même qu’elle pût dire un mot. Elle courut à la salle de bain : Saint-Côme était sans doute à près de deux heures de route. C'était serré. Elle informerait le bureau de son retard une fois dans sa voiture.
Le dernier appel de Bertrand, c’était il y a trois semaines. À peu près à la même heure. Elle avait dû déplacer quelques ren$ dez-vous car c’était un vendredi, le jour où elle reçoit le plus de clients. Bertrand l’avait fait exprès, sans doute, car il savait combien les vendredis lui sont pénibles. Elle préfère de loin faire tranquillement son travail porte close, sans être dérangée, pour ensuite expédier le tout avec quelques notes explicatives en souhaitant ne pas avoir à rencontrer les clients.
Ces quelques mots de Bertrand étaient une directive, mais comme toujours elle en était ravie. Ce mercredi serait une journée magique, à classer parmi celles qui valent la peine qu’on se lève le matin.
De ce Domaine Lanthier-d’Arçon, elle ne connaissait que la réputation. On en avait parlé à quelques reprises dans les jour$ naux. Il y avait là un petit boisé de moins en moins fréquenté dans lequel un sentier menait à une clairière bordée par de très vieux chênes et quelques saules pleurant au-dessus d’un étang. Un lieu enchanteur pouvant ressembler à une peinture de Monet. Par contre, depuis qu’on y avait retrouvé le corps d’une jeune femme, il y a quelques années, il avait été banni des des$ tinations du dimanche et plus encore des jours de semaines. On lui collait maintenant l’image de ces sombres forêts qui ne
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servent qu’à piéger. La clairière s’était éteinte, de romantique elle était devenue hostile et peu recommandable. Ce choix de Bertrand n’avait rien d’étonnant : plus l’endroit était inusité, plus il était oublié, plus il y avait de chances qu’ils s’y retrouvent un jour ensemble.
Madeleine avait choisi une robe. La nature lui faisait tou$ jours préférer la robe au pantalon qui, de son avis, conve$ nait mieux aux lieux plus bétonnés, plus urbains. Pour se promener dans ce boisé menant à une clairière, elle avait choisi une robe longue, bleu pâle, qui lui descendait jus$ qu’au bas des genoux, à la hauteur des mollets.
Sur la route 64, elle se rappela les endroits imaginés pour leurs rencontres les plus récentes. La dernière fois, le ven$ dredi où elle avait dû reporter ses rendez-vous, c’était sur la voie ferrée menant de Sieurville à Chambrun. Le train n’y passait qu’une fois par jour, tôt le matin. Bertrand l’avait convoquée pour onze heures et jusqu’à quinze heures ils s’étaient allongés ensemble entre les deux rails, entre les deux villages. Elle se rappelait bien l’odeur des fleurs sau$ vages mêlée à celle de cette huile dont ils imbibent les tra$ verses de bois. Elle se rappelait la chaleur du soleil, mais aussi cette demi-crainte qu’elle avait eue de voir arriver un
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train suite à un changement d’horaire. Bertrand s’était un peu moqué d’elle et l’avait menacée, en riant, de l’attacher à la voie ferrée si elle persistait à résister à ses avances sous prétexte d’improbables changements d’horaires.
L’autre fois avant, il avait choisi l’extrémité d’un lac en forme d’hameçon, dans sa partie sauvage, après la courbe. Ils s’y étaient rendus dans une chaloupe louée sur le rivage du côté habité. À la suggestion de Madeleine, au bout du lac ils n’avaient pas accosté. Ils s’étaient aimés sur l’eau, au fond de cette embarcation déjà plus très jeune qui penchait d’un côté et de l’autre à chacun de leurs mouvements. Ils avaient nagé ensemble, aussi, entre les nénuphars, en pre$ nant garde de ne pas s’emmêler les jambes dans leurs longues tiges caoutchoutées. L’eau avait été bonne, la jour$ née avait été belle.
L’un de ses meilleurs souvenirs, c’était ce jour où Bertrand l’avait kidnappée au restaurant, un midi où elle mangeait seule, pour l’emmener au bout d’une petite route de terre sans issue qui s’arrêtait aux terrains de l’aéroport. Ils avaient fait l’amour tout juste sous les avions qui décollaient toutes les trois minutes dans un grondement infernal. C’est à peine s’ils s’entendaient souffler quand les avions passaient à
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quelques mètres au-dessus d’eux après avoir quitté le sol. Le bruit, la chaleur, l’odeur du kérosène, tout ce que d’ordinaire on fuit s’était réuni pour créer autour d’eux une enveloppe qui curieusement les protégeait. Personne ne viendrait les déranger, les surprendre, car c’était l’enfer. Elle en gardait le souvenir d’une visite surréaliste dans le monde tel qu’on imagine qu’il pourrait devenir suivant les scénarios les plus catastrophiques. Un monde de fer et de béton, de bruit et d’odeur de mazout, un monde sans douceur et sans répit. Elle en gardait le souvenir d’un voyage dans un au-delà où la nature et la poésie seraient absentes. Curieusement, cette rencontre avait quand même été parmi les plus mémorables, sans doute du fait de sa violence.
Le boisé du Domaine Lanthier-d’Arçon lui apparut sou$ dainement un choix bien banal. Mais qui sait si Bertrand ne lui réservait pas une nouvelle surprise. Il n’y avait qu’en hiver que leurs rencontres avaient lieu à des endroits moins extravagants. Et encore : l’hiver dernier ils s’étaient rendus en raquettes dans un chalet de pêche abandonné. Bertrand avait allumé un feu dans le vieux poêle à bois et il avait sorti de son sac une grosse couverture qu’il avait réchauffée avant de l’étendre sur le sol. Ils avaient passé là trois heures à se réchauffer l’un contre l’autre en se demandant si les
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hôtels cinq étoiles étaient vraiment plus confortables. Ils avaient décidé que non, que le confort de ces établissements était beaucoup trop calculé pour être authentique.
Bertrand et Madeleine avaient eu des parcours très sem$ blables. Mariés, avec des enfants, leur quotidien était terne au point d’être aussi prévisible que la carrière d’un notaire. Très rapidement ils avaient réalisé, chacun de leur côté mais au même moment, que leur vie n’aurait d’éclat que dans la diffé$ rence, que dans la dissidence. La routine qui pour certains est tout autant une victoire qu’une assurance était pour eux une défaite lamentable, voire inexcusable. Un jour, pendant que les invités d’un mariage discutaient politique et se racontaient des histoires grivoises, Bertrand l’avait fixée droit dans les yeux jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’il la voulait. Quelques minutes plus tard, ils étaient discrètement disparus ensemble, ils avaient franchi les barbelés qui séparaient le jardin du champ de maïs voisin et ils avaient couru main dans la main jusqu’à cet endroit isolé, loin du monde, où ils se connurent l’un et l’autre et décidèrent de se connaître encore, elle et lui, secrètement et régulièrement.
Depuis ce jour, toutes les trois ou quatre semaines, le téléphone de Madeleine sonnait et Bertrand lui donnait une
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instruction avant de couper brusquementla communication. C’était un ordre, un ordre qu’elle avait attendu avec la même impatience que la fois d’avant et que toutes les autres fois d’ailleurs.
Sortie Saint-Côme. Le Domaine Lanthier-d’Arçon est indiqué. Il faut tourner à droite et c’est à quinze kilomètres. En accélérant un peu sur cette route bien droite, elle serait à l’heure.
Ces rencontres avaient lieu depuis huit ans déjà. Jamais il ne s’était passé plus de quatre semaines entre chacun de leurs rendez-vous secrets. Heureusement car leur vie fami$ liale ne leur offrait rien qui puisse les stimuler, les faire vivre, leur faire aimer tous ces jours et toutes ces semaines qui se suivaient et qui ressemblaient aux jours et aux semaines d’à peu près tout le monde.
Le jour du champ de maïs, le jour du mariage, lorsqu’ils avaient abandonné la fête pour se réfugier ensemble dans un autre monde, Bertrand et elle s’étaient juré de résister à l’en$ nui de la vie banale et conjugale et de se retrouver ensemble aux endroits les plus fous pour se moquer du monde, des conventions et des institutions, pour défier les convenances, pour piéger le quotidien, pour croquer ensemble dans la
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