Plutôt rêve que révolution (livre 1)
220 pages
Français

Plutôt rêve que révolution (livre 1) , livre ebook

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220 pages
Français

Description

A ceux férus d'aventures vertigineuses sur fond d'idéalisme politique, de passion, d'envolées mystiques, Kémal Ndiaye Léna vous plonge dans Le monde étrange de Marie, avec ce volume Plutôt rêve que révolution, qui est le premier de la saga. Pas de fioritures ni de lourdeurs, mais une fascinante histoire avec des anecdoctes tangibles et un cadre réaliste; un style alliant le poison et l'antidote, la raison d'être et le faire-valoir, le sérieux et l'humour noir.

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Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 23
EAN13 9782296490079
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

























VERS LE MONDE ÉTRANGE DE MARIE


LIVRE I
PLUTÔT RÊVE QUE RÉVOLUTION














KÉMAL NDIAYE LÉNA





VERS LE MONDE ÉTRANGE DE MARIE


LIVRE I
PLUTÔT RÊVE QUE RÉVOLUTION
































© L'HARMATTAN, 2012
5-7, rue de l'École polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54908-1
EAN : 9782296549081










I.
Comme d’habitude la chaleur était torride ce jour-là et
Madaour Sène ne la supportait que très peu. Quoiqu’il ne fût
habillé que d’une simple chemise, sans rien en dessous, d’un
pantalon fort léger et chaussé de sandales, il lui semblait que
l’insolation n’allait pas tarder à le saisir. Pendant plusieurs
minutes, marchant d’un pas lent sur les trottoirs, le visage
tout baigné de sueur, les yeux à demi fermés, les mains
moites, les épaules lourdes comme si un lourd fardeau y était
posé, il pensait, libéré enfin de tout, que ses idées seraient
victorieuses.
Depuis l’époque, fort nostalgique, où il se trouvait à la
faculté de sociologie de Lille, l’une des mieux cotées
d’Europe, il n’était pas resté un seul jour sans s’imaginer un
tas fort pratique de moyens par lesquels, lui et son Parti
eussent pu guider le prolétariat du Sénégal. Pendant de
longues années, à la cité scientifique du Nord de la France, il
avait réfléchi, élaboré une théorie révolutionnaire (que
d’ailleurs les membres dirigeants du Parti populaire
clandestin, stationnés à Dakar, avaient lue) d’après laquelle,
au bout de cinq ans, toutes les grandes villes du Sénégal
logiquement passeraient entre les mains du PPC.
À Lille, Madaour Sène, plutôt que de sortir comme ses
autres compatriotes, avec les filles belles et blondes, avait
préféré s’enfermer pour étudier sérieusement, non
uniquement pour finir sa thèse de doctorat, mais aussi pour
en finir avec l’élaboration de sa théorie sur la révolution
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KÉMAL NDIAYE LÉNA
future au Sénégal. C’était ça le but de sa vie, ou du moins, il
avait voulu que cela fût le but de sa vie.
Maintenant il se trouvait en plein centre de Dakar, loin de
la neige et du froid. Il avait, quoique la chaleur fût
accablante, le sentiment d’être heureux, en pensant que le
Parti populaire clandestin était sérieux, efficace et discipliné.
Il marchait toujours d’un pas lent, la tête baissée, et soudain,
pour avoir consulté sa montre, réalisa qu’il ne lui restait plus
que trois quarts d'heure, avant de rencontrer la fille
(étudiante : c’était tout ce que Madaour Sène savait d’elle)
que le PPC avait délégué pour un premier entretien. La fille
et lui devraient se rencontrer à la place de l’indépendance,
sur le banc qui faisait face au comptoir franco-suisse.
Lui n’avait qu’à s’asseoir sur le banc et attendre ; la fille lui
filerait le mot de passe, qui consistait en une phrase – plutôt
en une question idiote du genre : « pour aller à la plage la
plus proche s'il vous plaît ? »
Madaour Sène avait donc le temps de se promener
encore, ou même d’entrer dans un des chics cafés de
l’avenue Ponty. Mais pour se promener par une heure aussi
chaude de l’après-midi, où pouvait-il bien se rendre ? Faisant
volontairement demi-tour, il alla épargner son crâne du soleil
dans un bistrot qui, à première vue, lui paraissait très peu
populaire. En effet, lorsqu’il fut à l’entrée du bistrot il
n’aperçut que des Européens, et une sorte de rage lui
traversa la gorge. Toujours planté à l’entrée, il sortit de l’une
de ses poches une cigarette (c’était justement ainsi qu’il
agissait avant d’entrer dans les bistrots à Lille), l’alluma, en
tira une longue bouffée qu’il s’amusa à libérer lentement de
ses poumons, puis fixant du regard la serveuse bien tassée
derrière le zinc, le marcha vers elle, le visage lugubre et
huileux. Quelques longues secondes passèrent avant qu’il
n’arrivât au zinc. La serveuse, une Européenne, s’empressa
de lui demander :

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Plutôt rêve que révolution
« Que puis-je servir à Monsieur ?
À moins d’un mètre de Madaour Sène, toujours au
comptoir, se trouvait un Européen qui dégustait bien
tranquillement un café. Madaour Sène le regarda et l’homme
lui sourit, presque fraternellement. C’était un homme au
crâne rasé, assez jeune, aux yeux d’un bleu de mer, que la
chaleur avait délavés. Il portait une chemise africaine et par
sa mise triomphante, répondait bien aux qualificatifs que l’on
pouvait adresser à ceux que l’exil a grisés.
Après avoir répondu au sourire de l’homme par un autre,
hypocrite, qu’un homme intelligent eût traduit par « fous le
camp, visage pâle ! », Madaour Sène s’approcha de
l’Européen, lui tendit la main en laissant s’échapper de sa
voix :
– Quelle chaleur ! Même les étés indiens sont encore plus
supportables !
Il tira lentement le tabouret qui se trouvait à gauche, s’y
tassa désespérément, et pendant que l’homme se proposait
de lui répondre, il dit à la serveuse :
– Un café s’il vous plaît ma jolie, comme monsieur !
Il regarda à nouveau l’homme, tout prêt à discuter avec
lui, mais ce dernier était, dans ses poches, à la recherche
d’une boîte d’allumettes ou d’un briquet pendant qu’entre
ses lèvres, une cigarette reposait. Avec rapidité, Madaour
Sène lui alluma le briquet qu’il gardait dans sa main droite, et
après que la flamme fut éteinte, se retourna vers la serveuse
qui, à cet instant même avait placé en face de lui une tasse de
café et un ticket. Madaour Sène s’intéressa d’abord au ticket
qu’il retourna. Il vit, parce qu’il avait tendu le bras à une
distance pour laquelle un myope n’eût pu lire, le nombre
« 500 » suivi de « fr » et cette somme lui paressant énorme, il
ne put s’empêcher de demander à l’Européen le montant qui
était marqué sur son ticket. Ce dernier sourit une nouvelle
fois et dit :
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KÉMAL NDIAYE LÉNA
– J’ai beaucoup aimé quand vous avez parlé tout à l’heure
d’été indien. J’ai été en Inde et je connais la mousson, les
orages terribles, la chaleur caniculaire, et tout le reste… Ce
n’est pas vraiment la chaleur de Dakar qui peut m’abattre.
D’ailleurs à Strasbourg où je suis né et où j’ai grandi, il fait
plus chaud l’été qu’à Dakar, car à Dakar on a la chance d’être
partout à quelques mètres seulement de la mer. Vous savez,
moi je m’appelle Alain, je suis représentant, et vous ?
Madaour Sène s’attendait bien à cela. Il savait qu’il lui
suffisait d’adresser la parole à l’homme, pour que celui-ci ne
le lâchât plus, l’entraînât dans une discussion sans fin, pour
la raison simple qu’à la manière dont il dégustait son café, on
pouvait constater qu’une compagnie – n’importe laquelle –
lui manquait profondément. Pour Madaour Sène, il s’agissait
de savoir si, en fait cela valait la peine d’insister pour
connaître le prix du café d’Alain (car 2 jours après son
arrivée de France, certains de ses amis lui avaient certifié que
dans les bars chics du centre de la ville, les tarifs alloués aux
Africains n’étaient pas égaux à ceux alloués aux Européens),
ou bien de se laisser entraîner par l’Européen – sans doute
de la bourgeoisie française – dans une causerie qui ne
prendrait jamais fin. Mais il lui sembla plus sérieux de
demander à Alain à combien son café lui était revenu. Il lui
fallait pour cela être respectueux, et éviter le plu

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