PROIE DU MAL
300 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

PROIE DU MAL , livre ebook

-

300 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Au lendemain des indépendances, les populations africaines connaissent encore le calme et la paix. Un coup d'Etat mené par des soudards sanguinaires va réveiller tous les vieux démons et entraîner le pays dans l'abîme. Le diable est bien présent dans cette histoire et prend tour à tour les figures de la cupidité, de l'ignorance et de la folie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 71
EAN13 9782296460843
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA PROIE DU MAL
Gérard Pince


LA PROIE DU MAL


Roman dédié au cinquantenaire
des indépendances africaines
Avertissement : Ce roman est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, des événements ou des lieux serait pure coïncidence. Il va de soi que les idées et les opinions exposées n’engagent que les personnages qui les expriment dans le cadre d’un ouvrage de fiction.


Photo de couverture : Gérard Pince
Dans un village de brousse


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54709-4
EAN : 9782296547094

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Première partie : Masques
Chapitre 1
Cette histoire se passe au Tchad, en Afrique francophone, au lendemain des indépendances.

Tout a commencé en janvier 1963, par une procession de revenants. Sous le soleil brûlant de Fort-Lamy, la capitale du nouvel État, des hommes en tenues militaires rapiécées défilaient sur l’avenue principale en direction de la présidence. Âgés de trente à quarante ans, la plupart affichaient des mines résolues, arboraient des barrettes de médailles et brandissaient des drapeaux français. Certains poussaient les fauteuils roulants de grands blessés ou d’aveugles qui agitaient leurs cannes blanches. Un homme très corpulent, taillé comme un lutteur, conduisait le cortège. Sa grosse tête ronde et ses petits yeux durs n’exprimaient aucune émotion. Il marchait lentement en balançant ses bras sur le côté et en regardant fixement devant lui. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Un garçon athlétique coiffé d’un béret de parachutiste le suivait, ainsi qu’un petit moustachu qui marquait la cadence avec un sifflet à roulette.

Les enfants, les infirmes, les mendiants et les femmes enveloppées dans leurs voiles accouraient de partout et s’immobilisaient au bord du trottoir. On n’avait jamais vu des manifestations avant l’indépendance et seuls les accidents de voiture ou les rixes attiraient les foules qui commentaient l’événement en roulant des yeux blancs. Cette fois, aucun rire ne se faisait entendre. Seuls les coups de sifflet et le martèlement des pas découpaient dans le silence des instants d’une intensité indicible. Les passants regardaient ce cortège sombre et menaçant. Ils ne comprenaient pas ce qui se passait, mais ils savaient d’instinct que ce n’était pas un moment comme les autres.

Ce sont les anciens combattants de l’armée coloniale, souffla un passant en s’épongeant le front.

Leur chef en tête, c’est l’adjudant Adema, précisa une femme qui avait un parent parmi les manifestants.

Tout cela n’est pas bon, soupira un commerçant en tunique blanche avant de repartir vers son kiosque.

Au bout de l’avenue bordée par des comptoirs commerciaux et quelques boutiques encore tenues par des Français, le palais présidentiel se dressait avec ses murs crénelés. C’était en fait l’ancien gouvernorat de style néo-soudanais, repeint en blanc laiteux au moment de l’indépendance. Devant le grand porche, des gardes armés de vieux fusils prenaient position. Un officier français, en short, chemise et socquettes blanches, avec une tête glabre et des cheveux ras, aboyait des ordres pour protéger l’entrée de la présidence.

Adema se tourna vers le jeune homme en tenue de parachutiste :

Bamba, nous approchons. Fais serrer les rangs !

En dépit de sa jeunesse, le visage de Bamba exprimait une résolution martiale. Il se retourna vers le cortège en agitant les bras tandis que le moustachu accélérait la cadence avec son sifflet.

Le colonel Martin est là. C’est avec lui que nous allons parlementer, dit Bamba.

Adema secoua ses épaules en grommelant :

De toute manière, c’est notre dernière tentative. La prochaine fois, nous renverserons ce président pourri !

Arrivée devant le porche de la présidence, la belle ordonnance du défilé se rompit et tous se pressèrent pour parvenir au premier rang. Avec l’arrêt des coups de sifflet, les vociférations explosèrent avec un seul mot d’ordre scandé par toute la troupe :

Réintégration ! Réintégration !

Certains ramassèrent des pierres qui commencèrent à pleuvoir sur les gardes. Les femmes qui assistaient au défilé quittèrent alors les lieux en trottinant. Deux anciens combattants approchèrent un bélier devant le porche, le couchèrent sur le sol et l’égorgèrent. La mare de sang se répandit tandis que le corps de l’animal tressaillait. Des vautours tournoyèrent avant de se percher sur les branches des arbres en dodelinant leurs longs cous déplumés. Gris de peur, les gardes se serrèrent contre l’officier français qui prit la parole d’une voix forte :

Votre manifestation est absurde. Le président refusera de vous écouter tant que vous ferez ce raffut !

Réintégration ! Réintégration ! crièrent tous les manifestants en s’approchant au point de bousculer les gardes.

Le colonel les repoussa et monta sur un escabeau pour mieux se faire entendre. Il pouvait voir la foule des hommes en kaki et des badauds qui hésitaient entre la curiosité et le souci de se mettre à l’abri avant que les choses ne se gâtassent. Il connaissait certains des anciens combattants et notamment Adema. En cette période transitoire, il cumulait les fonctions d’attaché militaire à l’ambassade de France et de chef de la gendarmerie tchadienne en attendant la nomination d’un indigène. En tant qu’officier français, il éprouvait de la sympathie pour ses compagnons d’armes. Il voulait surtout éviter un dérapage de cette manifestation :

Écoutez-moi ! Le président est prêt à recevoir Adema pour qu’il présente vos réclamations. Mais d’abord, dispersez-vous !

Au premier rang, Adema et Bamba se concertèrent.

N’y va pas. C’est un piège. Ils vont t’arrêter !

Ils n’oseront pas. Le colonel Martin est là. Il ne les laissera pas faire, dit le moustachu.

Adema hésita un instant, en grattant ses cheveux crépus. Le sang du bélier léchait la semelle de ses chaussures. Il aperçut une vieille femme à moitié nue qui le fixait avec des yeux déments. Son intuition lui commandait de suivre le conseil de Bamba, mais puisque le président acceptait de le recevoir, pouvait-il se dérober au risque de passer pour un pleutre ?

Koffi a raison. On peut faire confiance à Martin. Je vais y aller seul. Nous n’avons pas le choix.

Il monta sur l’escabeau et parla d’une voix forte pour dominer le bruit :

Le président va me recevoir ! Notre manifestation est terminée ! Disloquez-vous ! C’est un ordre !

Les manifestants firent mine de protester, mais comme ils étaient disciplinés, ils commencèrent à se disperser par petits groupes en se mêlant à la foule des badauds. Profitant de leur départ, un vautour plus audacieux que les autres s’abattit sur la charogne du bélier pour le déchiqueter à coups de bec vifs et saccadés.

Adema s’avança seul sous le porche. Martin lui serra la main en murmurant :

Je t’avais dit que cette manifestation était inutile. Elle n’a fait qu’indisposer le président. À présent, suis-moi.

Escortés par trois gardes, ils montèrent l’escalier monumental qui conduisait au premier étage et au bureau du président. Ils passèrent devant madame Berval, la secrétaire française, qui leur dit d’attendre. Après quelques minutes, la porte capitonnée du bureau présidentiel s’ouvrit et un garde leur fit signe d’entrer.

Assis derrière son vaste bureau, le président Sylvio, grand et mince, triturait ses lunettes. Ses cheveux crépus et grisonnants, comme du coton sale, signalaient qu’il était âgé d’une soixantaine d’années. Il devait son teint clair et ses traits réguliers à une lointaine ascendance portugaise. Tout le séparait donc de ce Bantou d’Adema qu’il fixait d’un regard mi courroucé, mi-méprisant. Le ministre de l’Intérieur, un ancien instituteur décharné, aussi noir que son costume, assi

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents