Rencontre d hier
114 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Rencontre d'hier , livre ebook

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114 pages
Français

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Description

Une alerte, quelques clics sur eBay : une vieille dame se retrouve propriétaire du tableau d'un peintre dont les oeuvres sont disséminées en France et dans le monde entier. Pendant le nettoyage de la toile, au fur et à mesure que réapparaissent les contours et les couleurs, elle se retrouve transposée dans les tonalités et les sonorités du Paris de son enfance, dans l'appartement du peintre et de son épouse, écrivain et poète...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2012
Nombre de lectures 28
EAN13 9782296497160
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Rencontre d’hier
Amarante


Cette collection est consacrée aux textes
de création littéraire contemporaine francophone.

Elle accueille les œuvres de fiction
(romans et recueils de nouvelles)
ainsi que des essais littéraires
et quelques récits intimistes.


La liste des parutions, avec une courte présentation
du contenu des ouvrages, peut être consultée
sur le site www.harmattan.fr
Dominique Lamon


Rencontre d’hier

Transposition littéraire
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-57025-2
EAN : 9782296570252

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
En mémoire de Monsieur et Madame J.,
mes deux héros,
en souvenir de ma mère, Henriette, qui me fit connaître les
personnages de ce livre,
pour Suzanne, son arrière-petite-fille,
ma petite-fille,
et en souvenir des Suzanne qui m’ont aimée
et que j’ai aimées.
L ES PERSONNAGES :

L’auteur enfant
Henriette, sa mère
Madame Suzanne J.
Monsieur J.
Antoinette
L’auteur adulte

Ce récit est autobiographique. Toute ressemblance avec des personnages ayant existé est plausible, voire probable.
PREMIÈRE PARTIE
E-bay Paris, mai 2008
« Félicitations, douchka, vous êtes le dernier enchérisseur ». Ainsi commence ma première aventure avec le monde virtuel des ventes aux enchères. Habituée des salles de vente parisiennes, souvent, et provinciales, quelquefois, où s’agitent dans un immense brouhaha commissaire-priseur, crieur, clercs, experts et manutentionnaires, j’ai besoin de cette angoisse ultime du moment où l’objet convoité n’a pas encore atteint, atteint parfois, dépasse d’autres fois, les limites que je me suis fixées, ou que m’impose la sagesse élémentaire, avant d’entendre, irrémédiable, incontournable, le coup de marteau, du maillet d’ivoire, sur la table d’adjudication en même temps que la voix du commissaire-priseur : – « adjugé à Madame… au troisième rang !… ». Aujourd’hui, dans le silence de mon appartement parisien, l’angoisse est présente, décuplée par le manque d’expérience de l’outil informatique, imperturbable, froid, sans âme, qui se trouve devant moi. Il semble donc bien que le tableau tant convoité, tant désiré, me soit attribué par cette machine, fort utile, certes, mais, ô combien barbare encore à mes yeux, elle qui, il y a quelques jours déjà, m’a demandé de choisir un surnom ; « douchka », le nom d’un de nos chats fera l’affaire, un mot de passe : « ****** », nom d’un autre de nos chats, veillant sur ma réussite. Alors, l’espace d’un instant, je suis prise de panique : comment dois-je régulariser la transaction et à qui dois-je payer au plus vite le tableau afin de le recevoir ? Heureusement, j’arrive à comprendre les instructions de l’ordinateur ; dans cet univers impersonnel, le vendeur affublé d’un surnom, lui aussi, qui n’a pas l’air d’être le nom d’un chat, celui-là, habite Paris et accepte de me recevoir à son domicile quelques jours plus tard. Ouf ! Me revoilà dans le monde du réel, des êtres vivants et des objets non plus virtuels, cette fois : un rendez-vous est pris !
Par une fin de matinée ensoleillée, je me gare dans une belle rue calme du huitième arrondissement, bordée d’immeubles haussmanniens tous semblables. Fébrile, le cœur battant, j’attends quelques longues, trop longues minutes, dans la voiture, car, bien sûr, je suis en avance ! Enfin, je sonne à l’interphone ; le vendeur m’avait fort aimablement proposé que sa fille, jeune adolescente, descendît le tableau pour m’éviter de monter les cinq étages à pied de son immeuble sans ascenseur, mais ce jour-là, je crois que j’aurais pu en escalader le double, d’un pas cadencé, délié, tant j’ai hâte d’échanger mon chèque contre la toile si désirée. L’escalier de l’immeuble est clair, lumineux, inondé de soleil au travers de grandes fenêtres aux vitraux jaunes et rouges, assortis aux tons rouge et or des tapis de Pinton qui recouvrent marches et paliers en bois ciré. Je sonne à l’unique porte du cinquième étage : et en effet, c’est une jeune étudiante blonde, timide, elle va sans doute regagner son lycée tout à l’heure, qui m’ouvre et me tend le tableau, oubliant presque de prendre le chèque que je lui présente. Je suis un peu déçue que la toile ne soit pas encadrée, mais il est vrai que la photo sur Internet la présentait sans cadre. Je prends quelques minutes pour la regarder : la signature est bien là, encore plus nette réelle que virtuelle. Je l’aurais reconnue entre mille, le J majuscule, avec sa barre verticale nette, assurée, tout comme l’autre, à peine au-dessous de l’horizontale, longue, presque infinie, comme la jambe d’une danseuse esquissant une arabesque ; la lettre est suivie d’un point, le même point, toujours, l’immuable point, indissociable de la signature de son auteur que j’ai vue tant de fois dans mon enfance…
Réinstallée devant le volant de ma voiture, je défais à nouveau le paquet, constitué de deux panneaux de carton d’emballage aux dimensions du tableau, fixés ensemble sur toute une longueur, afin de le transporter comme s’il se trouvait à l’intérieur d’un carton à dessin. Soigneusement placée entre la partie peinte de la toile et la face interne de cet étui de fortune, une feuille de papier translucide assure la protection de la peinture. De nouveau, toujours en proie à l’émotion, je dégage le tableau, et, plus calmement maintenant, j’observe le travail de l’artiste, je reconnais les bandes régulières faites par le pinceau plat, la technique du peintre tant de fois contemplée : tout est là dans ce paysage de rivière que le vendeur a été incapable de situer. Mais moi, je sais, il s’agit des bords de l’Yonne aux environs de Joigny, retraite estivale du peintre et de sa femme. Et en effet de combien d’étés passés là-bas ai-je entendu parler par Monsieur et Madame J., de combien de péripéties lors de leurs départs en vacances dans cette région, au moment où, tentant de rassembler tous leurs bagages sans oublier le panier du chat avec son occupant, ils devaient se mettre à courir dans tout l’appartement pour attraper ce voyou de Tigry qui refusait de se laisser prendre, se cachait sous les meubles, les lits, et où encore, lui seul le savait ! Il avait l’art, de rendre ses maîtres fous, risquant à chaque fois de leur faire rater le train… Que de rires, l’automne suivant, à l’évocation par Madame J. de ces moments de crise !
Devant ce tableau, les souvenirs me reviennent en mémoire, non pas d’un seul coup, en bloc, mais par à-coups, par bouffées, tantôt de longues scènes complètes, tantôt des bribes, des images plus ou moins fugaces. Comment après tant d’années, ce tableau vient-il, comme un signal, me retrouver et me jeter, me balancer au visage les moments d’une enfance, non pas oubliée, certes, car j’ai une trop bonne mémoire, mais ancrée, enfouie au plus profond de mon cerveau, comme remisée dans la mémoire annexe d’un ordinateur où l’on aurait emmagasiné les informations sans, toutefois, être bien certain d’éprouver un jour le besoin de les faire réapparaître.
Quelques jours plus tard, installée devant la table de marbre de la cuisine, avec, posé devant moi, le tableau de Monsieur J., je m’apprête à en nettoyer la peinture. A cette intention, j’ai préparé les accessoires indispensables à une restauration en règle : coton hydrophile, baguettes de bois, anciennes aiguilles à tricoter de récupération, produit de nettoyage et bouteille d’eau déminéralisée. Il y a plusieurs années, j’ai suivi quelques cours de restauration de tableaux anciens : nettoyage, camouflage des déchirures éventuelles avec des pièces de toile, retouches, et même parfois rentoilage complet. Mais dans le cas présent, seul un bon nettoyage s’avère indispensable : il s’agit d’une œuvre contemporaine, certes, mais fort poussiéreuse. Comment peut-on, après seulement quelques décennies, avoir laissé s’encrasser pareillement un tableau ? Je suis surprise, mais je ne connaîtrai sûrement jamais le parcours de cette toile qui va bientôt rejoindre ses sœurs sur les murs de notre appartement, bouq

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