Reporter comme au ciel
167 pages
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Reporter comme au ciel , livre ebook

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Description

C’est l’histoire d’un journaliste gonzo et bipolaire de rien ayant commencé son parcours à Libération avant de chuter sévèrement. Il s’en sortira grâce à sa femme, M.C., deux psychiatres, l’amitié vraie, l’amour courtois et deux molécules. Mais aussi par la raison sensible et le mysticisme bien compris.
Autofiction conçue comme un grand article gonzo.

Informations

Publié par
Date de parution 13 juillet 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312045474
Langue Français

Extrait

Reporter comme au ciel
Benoit Helme
Reporter comme au ciel
Aimer, ou se défaire Roman








LES ÉDITIONS DU NET 126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2016 ISBN : 978-2-312-04547-4
À Marie , Alexandre et Charlie
« Le buisson d’épines est le vieil obstacle sur ton chemin. Si tu veux avancer, il doit prendre feu. »
Franz Kafka
Longtemps, je me suis couché débonnaire.
Couché, debout.
Ceci est une histoire de fou inspirée de faits réels – une auto-friction. On y causera sexe, espace, amour, kabbale et camisole de force. Il est minuit moins le quart avant la fin du monde. L’espace a coupé le temps. Le soleil cogne chez les gonzos. Le journaliste gonzoïde est ce terrien médiatique qui s’exprime à la première personne après s’être immergé profondément dans son sujet en le pénétrant au plus près des muqueuses. Le journaliste gonzo tente de témoigner d’une réalité alors même qu’il baigne ou se noie dans cette réalité là. Il considère que la neutralité et l’objectivité sont des points de vue impossibles à atteindre pour un être humain comme pour un escargot. Je y est perpétuellement un autre. Son objectif consiste à ne pas l’être. Il entend informer ses lecteurs sur la nature et l’intensité d’un évènement après s’y être infiltré comme on plonge dans un océan. En se faisant poisson baltringue, le gonzo cherche avant tout le souffle de vie et parie sur le sens critique et les émotions du lecteur. Il espère que ce lecteur se construira une idée au plus près de la réalité vécue. Ecrire qu’un tremblement de terre a fait dix mille morts ne renseigne en rien sur la manière dont on vit un tremblement de terre – ce qu’il s’agit de saisir, c’est la réalité du tremblement.
Il pourra aussi bien tenter de saisir le tremblement dans un couple – hétéro, homo, bi, bi-bop. C’est un peu plus difficile, car il faut expérimenter longtemps. Comment on s’aime au début. Comment on s’ennuie bien avant la fin, parfois. Pourquoi du côté de la rive gauche, il est dit que l’amour dure trois ans. La vie de couple est un reportage de longue haleine. Il est compliqué et bien souvent impossible de comprendre la vérité dans un couple. Il y a ceux qui parlent dans la tension et ceux qui parlent dans l’attention. Mais ça ne dit rien de leur amour. Il faut être en couple pour de bon, rencontrer d’autres couples, sentir ce qui s’y passe, pour essayer de comprendre la vie à deux. Au final, on ne sait pourtant rien du lien qui fait un couple plutôt qu’un autre. Il faut alors sortir en couple comme on va sur le terrain. Certains s’évertuent à donner le change quand ils croisent un autre couple, en lui crachant leur bonheur à la gueule et comme pour dire on est bien plus heureux que vous. Serait-il possible au fond que tout le monde s’emmerde en couple ? On voit ça parfois, comme une ridule planquée sous du rimmel en couches. La grande variable en couple serait l’effort de mise en scène pour impressionner la galerie, selon Virginie D. Des couples resteraient amoureux de l’effet qu’ils produisent en société. Tant qu’ils ont un public, ils continuent de faire semblant. Mais de retour à la maison, ils s’ennuient à nouveau.
Ecrire à ce sujet ?
Quel sujet ?
Le couple ?
Mais non, l’amour fou.
La folie ?
La Folie-Méricourt ?
Ce quartier de bars où le cours du demi varie selon le prix du mètre carré parce que les cocktails y portent des noms de peintres américains ?
Pas du tout.
Parlons de la folie, tout court.
Aberrant. Absurde. Ecervelé. Abracadabrantesque. Affolé. Egaré. Anormal. Eperdu. Braque. Chimérique. Cinglé. Cinoque. Débridé. Cintré. Aliéné. Voilà ce que j’ai été sous le soleil des mourants. Par ce jour de folie. C’est un jour où je me dirige vers le Palais de l’Elysée sans boussole ni télescope. Je marche dans les rues de Paris comme propulsé par un sentiment de toute puissance. La puissance est noire, compacte et légèrement velue, il faut le savoir. La troisième guerre mondiale a du commencer – je le suppose en tout cas, persuadé de la validité de mes sources. Je vois des bombes et des fleurs calcinées partout dans le ciel de Paris. Je marche vite, très vite, dans une fièvre impossible à négocier. Je suis un autre et cet autre a un nom. Il s’appelle Ruy-Blas, de Victor Hugo. Me voilà donc azimuté pour de bon, biscornu, bizarre, et bouffon en chef. Bouleversé, branque et baltringue. Je marche dans Paris. Je crois être un chevalier blanc tout froid sorti du dix-neuvième siècle, revenu de l’exil pour donner la leçon.
J’avance. Ils vont bien voir de quoi je suis capable. Je marche de plus en plus vite avec la mort aux trousses – l’avion d’Alfred n’est jamais loin, il vole de plus en plus bas. Le vent souffle dans la plaine et je distingue au loin l’Arc de Triomphe . C’est un violent coup de grisou que je traverse. Mais la victoire est au bout. J’ai le sang plein de gin orange et de kérosène brûlé. Je marche. La terre est bleue comme un orage. De l’encre noire coule dans mon sang de zombie parachuté. Je marche pour ne pas crever. Je veux décrocher mon premier rôle aux forceps. Ruy - Blas est un immortel. Je veux en être, je crois être Ruy - Blas dans la réalité. Je me souviens par cœur de cette scène – acte III , scène 2 – où le chevalier s’indigne de tout son souffle devant des ministres corrompus. Je l’ai apprise au Cours Florent lorsque j’avais vingt ans. Ruy - Blas est le roi du putsch, du kitch et du lyrisme débridé. Alors que personne ne l’attendait là, il déboule en plein repas et lance à la face de ministres vieux, moches et médusés :
– Bon appétit, Messieurs !
Et puis direct, il en remet une louche exaltant le panache : « Ô Ministres intègres, conseillers vertueux, voilà votre façon de servir, serviteurs qui pillez la maison ? ».
Je ne veux pas rater le rôle, je ne veux pas rater ma cible. Au cours Florent, on disait bien que cette scène était la plus difficile à jouer dans le répertoire français du théâtre. Je suis maintenant une flèche tendue vers les frissons du blizzard. Je remonte le temps. Je passe devant l’ancien club de l’Elysée Matignon, pas loin de la vieille Apocalypse, une autre de ces boites où j’ai dansé il y a longtemps comme n’importe quel branché ordinaire de l’ère Mitterrand. Ici comme au Privilège, au Palace, ou aux Bains Douches à l’époque où Maryline sélectionnait sur fringues à l’entrée.
Les Bains douches ne sont plus ce qu’ils étaient, et alors ? Je m’en fous complètement. La douche en vue sera froide pour les ministres, droit devant. C’est tout ce qui compte. Un oui, un non, une ligne droite, un but disait Frédéric Nietzsche , et je veux tout faire comme le philosophe. Je suis au bout des nerfs. Je suis comme un junkee rongé par l’envie du crack. J’évolue dans la folie pure, pas la coke de salon. Je suis devenu dingue. Le flux du vent. Le soleil en berne. C’est la révolution pleine, enfin. Moteur . Action . Ca tourne à ciel ouvert, extérieur nuit à l’heure du grand midi dans mon esprit de reptile.
Moteur.
Action.
Total kheops ?
C’est à dire grand bordel en grec ancien.
Je n’ai plus de néo cortex. Je suis fou. Je marche à la fois dans le huitième arrondissement de Paris et le dix-neuvième siècle. Je suis dans un jour où l’espace a coupé le temps. Suis-je au moins vivant ? J’arrive enfin sur les lieux du crime politique, ils sont là, casqués au sabre clair sur le trottoir d’en face. Pile poil en faces cachées, raides comme l’injustice ou le devoir oublié, qui sait. Ils protègent les ministres. Je fais maintenant face au commandement militaire du Palais de l’Elysée. Je ne bouge plus, je les fixe. Ils sont en ordre bien serrés. Je ne bouge plus, je les fixe. Le premier régiment d’infanterie de la Garde Républicaine commence alors une manœuvre par un enchainement de gestes parfaitement logique et maitrisé. Je ne bouge pas, je les fixe. Puis je déclare les hostilités ouvertes :
– Bon appétit, messieurs !
L’un des gardes se déplace alors, tout en discipline rongée par le métal, comme pour assurer la relève. Je ne bouge pas, je les fixe. Il y a ensuite un temps long, très long, dont je ne me souviens plus très bien. Je ne bouge pas, je les fixe. Il y a dans mes yeux de la défiance, du cabotage en surdose, et de la folie pure.
Alors l’ordre est enfin donné

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