Ruines
170 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Une terre inconnue : l'Algérie, quelque part dans le XXIè siècle. Une terre que Pierre-Hassen va apprendre à connaître, à reconnaître. Il y reconnaîtra aussi Imane, la femme de sa vie. Des ruines antiques de Tipasa, d'un voile de pierre sur une statue romaine à celui jeté sur un visage de chair se construit alors un récit où les voix s'entremêlent, se confrontent, et où un couple, s'extirpant des entraves sociales et du passé, ose prendre le risque de la liberté et de l'amour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 octobre 2015
Nombre de lectures 21
EAN13 9782336393063
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright





























© L’Harmattan, 2015
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-74317-2
Titre
Claire Isselée





Ruines

Figue de Barbarie


Roman
Écritures
Collection fondée par Maguy Albet

Sereno (Y.), La nuée blanche , 2015.
Bourgouin (Sylvie), L’or de la misère , 2015.
Winling (François), La clef des portes closes , 2015.
Lissorgues (Yvan), Ce temps des cerises , 2015.
Destombes-Dufermont (Michel), La ville aux remparts , 2015.
Mignot (Fabrice), Haute tension au Laos , 2015.
Michelson (Léda), Chapultepec , 2015.
Quentin (Marie-Christine), Des bleus au ciel , 2015.
Aubert-Colombani (Eliane), Le château du temps perdu , 2015.
Lozac’h (Alain), La clairière du mensonge , 2015.
Serrie (Gérard), J’ai une âme , 2014.
Godet (Francia), La maison d’Elise , 2014.
Dauphin (Elsa), L’accident , 2014.
Palliano (Jean), Lana Stern , 2014.
Gutwirth (Pierre), L’éclat des ténèbres , 2014.
* * *
Ces quinze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Dédicace


À Ouiza, Meziane, et au sourire de Hamida.
Citation


« No hay patria, hay tierra, imagenes de tierra, polvo y luz en el tiempo. »

« Il n’y a pas de patrie, il y a la terre, des images de la terre, poussière et lumière dans le temps. »

Octavio Paz
I DÉCOUVERTE
Un verre d’eau fraîche attendait sur une table. Dans le ciel et dans la mer : la Liberté, à portée de main. Tellement facile à prendre, comme ce verre, que j’avalai d’un trait, dont je sentis la vague glacée pénétrer tout mon corps brûlant. Faut-il attendre beaucoup pour la voir, être à bout de patience pour se laisser surprendre ? Je pensais à la beauté sauvage de toutes ces choses qui nous font peur autant qu’on les désire. La force animale de cette envie de couper les chaînes, la jouissance enivrante de réchapper quelques instants à la chasse d’un fauve, quand on ose tenter le coup. Cet élan bêtement – bestialement – vital.
La mer était enserrée dans un bras de terre massif. Indigo avec un peu de turquoise dans les replis de ses vaguelettes blanches. Elle éclatait en bas du vert obscur des pentes, presque noires contre le couchant. Une stèle, des ombres sous les pins – des chèvres aux longs poils, un caméléon amnésique dans l’antique rocaille. Je me souviens de ça.
À force d’être pris en Elle, d’être trop épris d’Elle, à force d’être libre, il est arrivé que j’en devienne aveugle, aliéné. Où sont les entraves ? Je n’aurai jamais été sûr… Hommes, Femmes… Libres ? Esclaves… ? Tous se ressemblent ou rien ne se voit. Sur ce port, ce matin-là, j’étais calme, bien, enfin, je n’avais pas envie de mourir.
Quoi d’autre ? Rues, gens et encore le Ciel vers qui la tête bascule. J’étais content d’être là.
* * *
C’était un treize août. Elle ne m’était ni familière, ni étrangère cette côte. Les rives méditerranéennes se font écho. Les odeurs de soleil entre les épines de pin, de grillades de poissons sur un marché, de sève fraîche autour des jeunes figuiers… Sorrente, Alméria… Ç’aurait pu être ailleurs, n’importe où sous cet heureux climat. Il faut être amoureux ou un peu chauvin pour trouver une différence frappante entre deux très beaux visages, deux très belles plages du Sud. Ou il faut avoir été maladivement épris dans une ville, un pays, pour que, des années après, le nom de cette ville, de ce pays, de cette plage fasse encore vibrer en vous une corde intérieure.
J’ai débarqué là pour oublier, c’est assez clair. Pour une raison, un sentiment purement personnel. Enfin, par fuite, presque par effroi. Je venais de comprendre d’un coup que cette jeunesse évidente qui s’acharnait sur moi depuis des années avait tout à coup décidé de prendre la pente commune ; ça m’ennuyait ; j’avais envie comme jamais de cogner le premier type de vingt ans qui passe, histoire de me prouver quelque chose… J’avais en apparence la tête de l’homme le plus raisonnable et sage du monde… les gens sont dupes. Mon directeur s’était félicité d’envoyer quelqu’un comme moi pour cette mission, « un garçon expérimenté et mûr ». J’avais même réussi à paraître un peu triste de partir, prétextant une compagne (inexistante), mon père (à peine moins) et même l’instabilité politique alors que j’aurais accepté des fouilles en Palestine même, pourvu de tout quitter. Bref, je savais que cette asphyxie lente ne pouvait pas être la Vie, pas la mienne du moins. Et c’est pour ça que je suis parti, comme beaucoup partent aussi : pour reprendre souffle.
* * *
[Je crois que je me suis trompée. Hier, il m’a regardée, le regard transparent qui rafraîchit si bien. Même ce regard n’y a rien fait, car je ne sais plus, je me suis trompée, mais je ne sais pas où. Hassan m’a regardée, mais c’est comme si tout ça n’avait plus du tout d’importance, une amertume totale, j’hésite : disparaître ou me mettre à nu sur une plage. Tout ça est trop pour moi. Jamais il ne comprendra et je voudrais avoir son regard bleu qui fait peut-être voir les choses plus simples.
Il m’a montré son début de rapport, il m’a emmené surtout sur le site des fouilles. J’ai revu la tête de matriarche ou de déesse qu’ils ont déterrée. J’ai de nouveau aimé les plis de son voile dans la pierre. Son nez aquilin, parfait. Son regard blanc. J’ai une sœur de marbre. Je sais que je me suis trompée, mais au moins j’aurai découvert quelque chose qui me remplit de paix. Hassan était très heureux qu’elle me plaise. Je ne sais pas s’il devait vraiment l’être. J’ai rêvé que je courais sur une plage très blanche devant le bleu du ciel et de la mer, dans un voile de pierre que le vent gonflait.]
1
Ce jour-là, nous avions commencé à travailler à l’aube et il était déjà presque midi. Les Italiens étaient partis les premiers vers les terrasses du port, j’entendais de loin leurs voix souriantes, je pouvais imaginer la fraîcheur de leurs limonades ; la passion qui me retenait encore sur le site bataillait dur avec mon envie de les rejoindre. J’étais donc parfaitement seul au milieu de quatre murets de briques romaines, avec quelques lézards muets et des crépitements d’insectes dans l’accablant soleil. Je besognais patiemment sans attendre grand-chose, il s’agissait là sans doute d’une ancienne échoppe, beaucoup de fragments d’amphores, de jarres que j’époussetais… je crus d’abord à un morceau de parement car, tout à coup, sous une mince pellicule de terre ocre jaillit l’éclat étonnant d’un coin de marbre.
Et je dois dire qu’elle était son négatif parfait et pour cela aussi sa semblable, la femme que j’allais rencontrer, au même moment.
Dans la lumière totale, un peu cachée dans le creux d’un olivier tordu, juste au-dessus de moi, elle m’avait regardé mettre à jour la pièce, sans dire un mot et sans que je la remarque. Mais, lorsque la tête se dégagea, j’entendis alors une voix un peu rauque et nasale dire en français : « c’est très beau ».
Elle était complètement vêtue de noir, seul le visage apparaissait dans l’ovale du tissu, et dans ce visage très fin, deux très grands yeux, noirs aussi. Cette présence soudaine m’étonna presque autant que celle que j’avais commencé à exhumer. Par un fait exprès, un pressentiment, mes collègues revenaient déjà de leur pause et leurs éclats de rire la firent partir comme un oiseau. Cette première rencontre ne dura donc qu’un instant, pourtant son incongruité m’impressionna durablement. Je n’en dis rien à personne, mais cela m’avait jeté un froid qui se remarqua. On l’imputa à une réaction

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