Simone Schwarz-Bart
278 pages
Français

Simone Schwarz-Bart , livre ebook

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278 pages
Français

Description

Mariella Aïta établit dans cet essai la correspondance entre l'oeuvre de la romancière guadeloupéenne Simone Schwarz-Bart et la modalité narrative du "réel merveilleux". Le point de départ est l'accord entre ses oeuvres et cette notion élusive qui surgit de l'intuition spontanée de la réalité américaine. Cette intuition crée une sensation du merveilleux en dévoilant ce qui est inattendu, inhabituel, surréel, insolite, magique et qui caractérise la nature, la vie sociale et la pensée américaines. Cette réalité est transcrite comme un roman avec la structure du conte créole.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2008
Nombre de lectures 95
EAN13 9782296213371
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

«La vie est une mer sans escale, sans phareaucun… et les hommes sont
des navires sans destination… Je me demande si les gens supportent cette
incertitude,cetéclatétincelantdelamort. »
SimoneSchwarz-Bart.Pluieet ventsurTéluméeMiracle
«Palmes!etladouceur
d’une vieillesse des racines… !Lessouffles
alizés,lesramiers etlachattemarronne
trouaient l’amer feuillage où, dans la crudité
d’un soirau parfum deDéluge,
leslunes rosesetvertespendaientcommedesmangues. »
Saint-JohnPerse.Éloges
«Trésor,comptons :
lafoliequisesouvient
lafoliequihurle
lafoliequivoit
lafoliequisedéchaîne.
Etvoussavezlereste :
Que2et 2font5
quelaforêtmiaule
que l’arbre tire les marrons du feu
quelecielselisselabarbe
et cætera etcætera… »
AiméCésaire.Cahier d’un retourau pays natalINTRODUCTION
Dans l’histoiredesdifférents genreset formes simplesde la littérature orale
ou écrite des Petites Antilles françaises, nous pouvons suivre, d’une certaine
façon, le processus complexe de la formation de leurs sociétés et de leurs
cultures insulaires. Un processus marqué par la violence des hommes et des forces
naturelles.
D’abord, la violence du conquérant et des premiers colons contre les
Indiens taïnos et caraïbes dune bonne partie annihilés et le reste déportés plus
tar d d qui donne origineà une culture de l’épéeet de la croix.De là, une
littérature des chroniqueurs de la découverte et de la conquête, les récits des
voyageurs et des missionnaires. Face à celle-ci, les«roches gravées de soleils et de
lunes » ; des graphismes votifs, symboliques et iconiques des cosmologies, des
légendeset desrituels magico-religieux desaborigènes.
Puis, l’exploitation du maître de l’habitation contre les «engagés » et les
esclaves originaires d’Afrique noire, qui donne origine à la culture de la
violence coloniale esclavagiste. De là, une littérature des maîtres blancs et des
missionnaires en opposition à la littérature orale des aborigènes survivants et
desesclavesavec leurs formes simpleset leurs thèmesd’origineafricaine.
Plus tard, apparaîtront les formes et les thèmes de la littérature orale
provenant du processus d’enracinement, de métissage et de créolité des aborigènes et
des différentes ethniesnoires esclavagées.
Par la suite, après l’abolition de l’esclavage, à la violence traditionnelle
coloniale s’ajoute l’exploitation du libre marché du travail. Par ailleurs, les
agressions gratuites d’une foule d’oisifs contre les Noirs congos émigrés font
leurapparition.
Delà, une prolifération dans le temps de littératures diverses: celle des
Blancs créoles, les«Békés », nostalgique du passé ; celle des«Indiens »et des
Métis: la littérature « assimilationniste».Elles s’opposent à la littérature
naissa ntede la « négritude »etde l’«oraliture »en languecréole.
Une parenthèse s’ouvre.Aux PetitesAntilles françaises s’impose la terreur
de la «révolution nationale»du gouvernement deVichy.En
oppositionàceluicisurgit une littérature delarésistance,représentée parlarevueTropiques.
Enfin, à partir de l’accession des Petites Antilles françaises au statut de
Département d’outre mer, la violence n’a pas complètement disparu. Elle se
joint, de façon pluscomplexe,àla violence de la «folieantillaise», de la
« mauvaise mentalité » et des « troubles mentaux ». De là, une littérature de
l’Antillanité oude la créolité, dontSimoneSchwarz-Bartestà l’avant-garde.
Pendanttoutes ces périodes historiques, les forces tellurique, éolienneet
océanique enveloppent la violence humaine et accroissent sa rigueur : des
éruptions volcaniques, des séismes, des cyclones, des trombes d’eau, des torrents
boueux, des éboulements tombés par des glissements ou des avalanches sontrécurrents, fauchant la vie des hommes et des animaux et détruisant aussi le
fruit dutravail.
Descataclysmes, desconflitssociaux et même laviolenceaveugle des
« troubles mentaux » ont pesé sur la vie quotidienne de l’archipel de
laGuadeloupe marquant sa conscience sociale et ses comportements individuels qui
apportent des registresdiversàsalittérature.
Ces circonstances qui basculent entre le dramatique et le pathétique
constituent une réalité masquée par le charme du paysage tropical, de la musique et
des danses, du décor heureux des visagessouriants desAntillais.Elles marquent
les conditions qui ont fait apparaître dans la littérature les traits du réel
merveilleux et sa contrepartie du réel affreux. Toute cette réalité divergente, en
opposition, va engendrer la prolifération des registres cohabitant dans un même texte :
lebaroqueantillais.
L’élan originaire du processus de la formation sociale, tel que nous le
comprenons, est constitué d’hommes déracinés, réduits en esclavage et venus,
comme des alluvions, de divers versants de l’Afrique. Ces individus, en tant
qu’appartenant à un collectif hétérogène d’esclaves, réduits à un travail
épuisant, ne pouvaient pas se créer une expression culturelle propre jusqu’à ce
qu’apparaisse le métissage ethnique, le syncrétisme et la créolisation. C’est
ainsi que surgit le nouveau processus d’expression culturelle qui n’existait pas
surlecontinentafricain.
Cette culture va engendrer un nouveau trait dans la créolisation, en
apportant une nuancehéroïque à ses expressions. Alejo Carpentier, dans un bref
essai: Comment les Noirs devinrent des créoles,affirme qu’ils ne se résignèrent
jamaisà être des esclaves ni renoncèrent «à l’idée dela Liberté ».(p.349)
En effet, la recherche de la liberté fut à la source du marronnage, des
insurrections, des luttes abolitionnistes et, plus loin encore, de l’émancipation
poli1tique. Ceciapporteraunregistre épiqueaux futures manifestationslittéraires du
récitréelmerveilleuxantillais.
Ce chemin vers la liberté n’est pas arrivé d’Afrique non plus. Il surgit de
l’évolution du Noir en Amérique, qui semble se faire dans une sorte de
métamorphose sociale qui va de l’esclave noir africainà l’esclave noir créole et
aprèsauNoircréole libre,quia,finalement, donné origineà l’homme américain
créole d’aujourd’hui. C’est pareil qu’il soit Antillais ou de terre ferme, qu’il
soitNoir,Blanc ouMétisaurythmesurprenant dela génétique.
Entre les extrêmes de cette métamorphose, nous pouvons dire suivant
Frantz Fanon dans Les Damnés de la Terre, qu’il n’existe aucune ressemblance
culturelle entre eux. L’essentiel réside dans leur différence culturelle.
Néanmoins, « […] les Blancs s’étaient accoutumés à mettre tous les nègres dans le
même sac. »(p. 157)
1
NouspensonsàHaïtiqui est devenuindépendant en1804.
1 0Pour Fanon la différence sera saisie finalement par les Noirs américains
eux-mêmes : «Les hommes de culture africains en parlant de civilisations
africaines décernaient un état civil raisonnable aux anciens esclaves. Mais,
progressivement, les nègres américains se sont aperçus que les problèmes
existentiels qui se posaient à eux ne recoupaient pas ceux auxquels étaient confrontés
les nègres africains. Les nègres de Chicago ne ressemblaient aux
Nigériens et aux Tanganyikais que dans l’exacte mesure où ils se
définissaient tous par rapportaux Blancs.» (p.158)
Ceci nous mène au thème de l’identité qui aux Petites Antilles françaises
est intimement lié à la formation littéraire. En effet, chaque phase interne de ce
que nous avons nommé la métamorphose sociale fut accompagnée depuis le
début– comme nous l’avons vu –de tout un patrimoine de la littérature orale
créole (oraliture) : poèmes, chansons, contes, légendes, proverbes et les
formules du savoir magico-religieux pour les rituels. Les formes les plus
complexes de la littérature écrite viendront s’ajouter après, pour arriver jusqu’au
romancontemporain.
La littérature orale créole apporte le discou

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