Sois mon fou
113 pages
Français

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Sois mon fou , livre ebook

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Description

Manipulations, profits, conflits d'intérêts, emprise de Big Pharma : Sois mon fou est une entrée vertigineuse dans l'univers de la psychiatrie.
Hadrien, médecin reconnu et adulé, semble n'avoir qu'un tort, celui de vouloir à tout prix soigner Victoire, sa femme bipolaire...
La narratrice explore, sur un ton intimiste, l'emprise au sein du couple et les dérives d'une psychiatrie qui transforme nos émotions en symptômes. Elle nous invite à recouvrer notre liberté et notre énergie créatrice.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 octobre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782806122926
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright
























D/2019/4910/50
EAN Epub : 978-2-8061-2292-6

© Academia – L’Harmattan s.a.
Grand’Place, 29
B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit.

www.editions-academia.be
Titre

Annick Van Damme










Sois mon fou

Roman
Dédicace


Pour Christophe, Dominique, Philippe, Sophie

Pour tous les psychiatres épris et respectueux de la singularité et de la vitalité créatrice qui fleurissent en chacun de nous.
I. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
Rabelais
Vendredi 2 mars 2012
Rentré chez lui vers 19h, la maison vide, Victoire absente, Hadrien se prépara un en-cas qu’il avala machinalement tout en lisant les gros titres de son quotidien. La dernière bouchée engloutie, il quitta la salle à manger sans prendre la peine de ranger dans le frigidaire le morceau de gruyère, les cornichons et le fond d’une bouteille de Bordeaux, vestiges de ses agapes solitaires.
Il gagna sa chambre, tout en jetant un dernier regard au miroir du salon qui lui renvoya l’image d’un sexagénaire pas mal conservé. Un front haut et lisse sans l’ombre d’une ride, l’ovale du visage bien régulier, le teint frais, et surtout, pas la moindre trace de calvitie en vue. Victoire, si souvent ingrate à son égard, avait vraiment de la chance de vivre à ses côtés, se dit-il en pénétrant dans la chambre. Il faisait nuit depuis longtemps. Hadrien, éreinté par sa longue journée de consultations, dormait du sommeil du juste.
Victoire rentra tard elle aussi, fatiguée par une journée riche en émotions. Plutôt que de plonger dans les bras de Morphée, elle se rendit dans le bureau, sous les combles de la villa. Elle alluma l’ordinateur, ouvrit Word et rédigea une lettre qui lui trottait en tête depuis la fin de l’après-midi. Ses doigts parcouraient le clavier avec la fébrilité de celle qui lance un appel au secours. Serait-elle entendue et lui porterait-on assistance ? Rien n’était moins sûr, songea-telle.

Cher Hadrien,

Qui sait naviguer prend la mer par tous les temps. Tel fut mon cas durant trois décennies.
La dernière tempête, que nous sommes en train de traverser, sera probablement la dernière. Le navire gîte dangereusement. Que peut faire l’équipage, quand son embarcation sombre inexorablement, si ce n’est la quitter avant qu’il ne soit trop tard ? Je souhaite changer de cap et me laisser porter par des eaux plus calmes.
Certes, la vie n’est pas une mer tranquille, mais je rêve aujourd’hui de paix et de sérénité.
Jadis, amoureux, nous nous sommes lancés et avons pris le large pour découvrir des territoires merveilleux, d’autres parfois plus ardus. Nous avons essayé de maintenir le cap malgré les turbulences. Mais aujourd’hui, il y a belle lurette que toi et moi, nous ne fixons plus le même horizon. En outre, la peur, la méfiance sont mauvaises conseillères lorsque l’on tient la barre ensemble. Il faut pouvoir la tenir fermement et sereinement pour braver les tempêtes de la vie.
En affrontant les tourments de l’existence, j’ai appris beaucoup sur les hommes et je crois être devenue plus forte. Je ne regrette rien, car j’aime la femme que je suis devenue.
Quant à Jean, il a quitté les rivages de l’enfance pour devenir notre fils. Puisse-t-il ne pas trop m’en vouloir le jour où je mettrai les voiles pour de nouvelles aventures avec comme seul bagage le souvenir des jours heureux.

Victoire
2 mars 2012, 22h45

Fatiguée, mais satisfaite d’avoir exprimé ce qu’elle ressentait au terme de cette journée particulière, Victoire se glissa sous la couette, en évitant de réveiller Hadrien qui dormait à poings fermés. Il ronronnait comme un moteur ayant atteint sa vitesse de croisière. Cette nuit-là, Victoire ne parvint pas à trouver le sommeil. Elle se repassait la fin de l’après-midi en boucle, à la recherche d’indices. L’esprit en ébullition, elle s’agitait nerveusement dans le lit.
— Calme-toi, tu m’as réveillé. Demain, je dois travailler, lui asséna sèchement Hadrien, qui venait de se dresser sur ses avant-bras.
— Demain, nous sommes samedi, tu ne travailles pas, lui rétorqua Victoire.
— J’ai deux urgences demain matin. Si tu voulais bien me laisser dormir, cela me ferait plaisir. Cela fait des semaines que je te dis de prendre du Benzo. Si tu m’écoutais enfin, tu irais mieux.
— Tu sais bien, lui répliqua Victoire, que lorsque j’ingurgite des somnifères, je ne suis plus la même, et surtout, je subis tous les effets secondaires. À cette heure-ci, je ne vais pas te faire un dessin des répercussions désastreuses de ce genre de pilule.
— Ah non, surtout pas ! Qu’est-ce que tu y connais, toi, en la matière ?
— Oui, c’est vrai, j’oubliais que je travaille dans un cabinet psychiatrique depuis bientôt trente ans, parce que tu le veux bien, non parce que je le vaux bien, sous statut de potiche à tout faire, qui plus est, nulle et moche.
— J’aimerais bien pouvoir dormir, grommela Hadrien, qui se retourna violemment sur son flanc droit, tournant ainsi le dos à Victoire.
— Oui, excuse-moi, ce n’est pas le moment. On en reparlera plus tard, tu as raison.
Victoire comprit qu’elle devait capituler, si elle voulait éviter que la situation s’envenime. Elle ne voulait pas mettre définitivement en péril ses chances de dialogue avec Hadrien qui pouvait sombrer dans un mutisme prolongé lorsqu’il se sentait agressé. Elle n’avait plus qu’à espérer que sa métaphore, envoyée par mail, parle à l’inconscient de son mari, lorsqu’il la lirait le lendemain.
Il consacrait chaque matin un petit quart d’heure à la lecture de ses mails qui, pour la plupart, émanaient de ses patients. Appel au secours, appendice d’une séance trop brève ou encore simple coup de cœur ou coup de gueule, ces missives restaient sans réponse. Apparemment, un psychiatre ne répond jamais au courrier de ses patients. C’était tellement vrai qu’une patiente ayant fait un sérieux transfert, pour être certaine que sa lettre arrive à destination, venait la déposer en personne chaque matin au cabinet. Les lettres s’amoncelaient sur le bureau d’Hadrien qui y jetait un coup d’œil furtif, mais ne faisait rien. Tant et si bien que cette pauvre dame, qui ne cessait de lui déclarer sa flamme, finit, selon l’adage « qui ne dit mot consent », par se prendre pour la femme du psy. Morale de l’histoire : n’écrivez jamais à votre psy, cela restera lettre morte. Si vous voulez éviter l’internement, ne tombez pas amoureux de lui parce qu’il peut prendre un plaisir certain à vous voir transie d’amour. Son silence vous sera fatal, vous ne vous en remettrez jamais. Lui bien, parce que vous ne serez pas la première ni probablement la dernière !
Victoire ne se prenait pas pour la femme du psy, elle l’était. C’était la raison pour laquelle elle estimait que son mail méritait une réponse. La balle était à présent dans le camp d’Hadrien qui, en moins de cinq minutes, avait replongé dans un sommeil profond, alors que Victoire restait éveillée. Elle essaya de calmer son mental en se concentrant sur sa respiration, en vain. Cette nuit-là, les heures s’égrenèrent avec lenteur.
Elle se repassa en boucle le film de la journée. Une et une seule question occupait son esprit : Hadrien était-il lié, de loin ou de près, à la tournure qu’avait prise la consultation de ce 2 mars chez le professeur Barker ?
Lassée de passer pour une « folle », Victoire avait pris l’initiative de ce rendez-vous chez ce spécialiste, chef de service du Centre Universitaire Médical de Bruxelles, communément appelé CUMB. Elle voulait couper court aux rumeurs qu’Hadrien faisait circuler à propos de sa bipolarité. Victoire, femme énergique, pleine d’entrain et d’enthousiasme, ne comprenait pas le pourquoi de ce diagnostic. Après avoir consulté une multitude de sites internet, rempli une dizaine de tests sur cette maladie, elle était convaincue de ne pas souffrir de bipolarité.
— Bonjour, Madame, je vous en prie, installez-vous.
Le professeur Barker invita Victoire à prendre place sur un siège en cuir synthétique,

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