Tempêtes
247 pages
Français

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Tempêtes , livre ebook

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247 pages
Français

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Description

Un psychiatre aide un patient à se libérer des souvenirs d'un autre vie. Une histoire en rappelle une autre ; un visage rassemble à un autre. Une jeune fille court après celui qu'elle aime ; des couples se déchirent. Au fil des pages, passion, transport et larmes. Mais ce n'est pas seulement une histoire d'amour...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 51
EAN13 9782296458192
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Tempêtes
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13128-6
EAN : 9782296131286

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Lao Montida


Tempêtes


roman


L’Harmattan
Premier jour Isolement
quand le monde déroule son infinitude
sans autre réalité
que celles que les hommes
fixent sur le papier
ou inventent dans leur cœur


À moins que ce ne soit au cours d’un de ces rêves volcaniques, rien ce matin-là, alors que je m’éveillais, intérieurement replié comme un enfant à naître, rien ne m’avait préparé à la tempête qui allait ébranler mon fragile édifice.
Le petit hôtel dans lequel je travaillais se situait en amont de la station. D’un accès difficile – le patron y acheminait marchandises et clients avec son véhicule à chenille – les skieurs appréciaient particulièrement l’accès direct aux pistes. Située sur un promontoire, la bâtisse offrait par temps clair un magnifique panorama sur la vallée. Un chemin serpentant sous les sapins permettait de descendre au village en trente minutes.
Le Sherpa allait rester plusieurs jours totalement isolé du reste du monde ; téléphone coupé, voie d’accès impraticable, téléphérique fermé. Le mauvais temps interdisant également le vol des hélicoptères. Une quinzaine de personnes se retrouva prisonnières des neiges.
Parmi les clients rentrés à temps, certains attendirent, tendus et inquiets, le retour de leurs proches. Avant de se résigner. Puis, la nuit tomba brusquement. Sur les rafales de vent. Sur la vallée engloutie. Sur les visages inclinés. Absents, le patron et la patronne, partis au ravitaillement juste avant le début de la tempête, ainsi que quelques clients surpris sur les pistes ou en bas dans la station.

Ce premier soir, curieusement, un vent léger et joyeux souffla dans l’établissement – personne ne se doutait alors que l’isolement durerait sept jours.
Le groupe électrogène ayant refusé de démarrer, les cheminées du salon et du bar furent doublement nourries.
C’était un dimanche. Les clients, arrivés la veille m’étaient, pour la plupart, inconnus.
À l’exception d’une douce dame âgée inquiète sur le sort de son vieux mari et une jeune fille boudeuse et nyctophobe, chacun alla de sa joyeuse remarque sur le retour aux bougies et lampes à pétrole. Le Sherpa retrouva pour les uns son aspect d’antan quand il n’était encore qu’une vaste bergerie dans les alpages ; il prit pour d’autres l’inquiétant et lugubre aspect d’un manoir hanté. Dans les deux cas il gagna en charme et en fascination.
Le personnel. Roland, le chef cuisinier, taciturne et antipathique, s’improvisa pour un temps patron de l’établissement ; Babeth, sa femme, toujours égale et joyeuse, occupait le poste de femme de chambre sous la surveillance de Josette ; Josette, la plus âgée, renfrognée et désagréable, travaillait au bon maintien de la maison ; Ester et Javier, les plus jeunes, complétaient l’équipe – Javier en qualité de plongeur et aide cuistot, Ester, servait au restaurant et aidait au ménage. Sans oublier le barman, Diego – à votre service.

Quelques clients se retrouvèrent au bar avant de passer à table. Pas d’électricité et donc pas de musique d’ambiance. Au début, chacun parle à voix basse, puis, peu à peu, l’atmosphère se modifie et les voix s’échauffent. Les humeurs changent et les corps, comme les langues, se délient.
Une tempête pareille, ça n’arrive pas souvent, dit le vieil homme.
Vous voulez dire qu’elle sera terrible, demanda la vieille dame ?
Elle durera certainement plusieurs jours.
Ne dites pas cela ! Dieu sait où se trouve mon mari ? (la vieille dame paraît troublée mais sa voix ne tremble pas.) Mais vous pouvez vous tromper, n’est-ce pas ?
Le vieil homme aux cheveux blancs se contenta de sourire gentiment.
Accoudé au comptoir, un homme vêtu d’une combinaison de ski de couleur rouge passait nerveusement sa main dans son cou, rouge également.
Bon sang ! J’aurais dû descendre tout de suite quand le brouillard est tombé. Je venais juste de prendre un télésiège. Le temps de monter, il était trop tard.
Même chose pour moi. J’ai hésité. Je m’arrête à l’hôtel ou je continue ? J’aurais dû descendre bien sûr. Ma femme faisait du shopping en bas.
La mienne aussi. Où vont-elles passer la nuit ?
J’ai écouté la météo ce matin. Ils ne parlaient pas de tempête. Une perturbation. Chutes de neige.
Quelle poisse ! Mais j’y vais demain matin. Je descends c’est sûr. À la première heure.
Alors on descend ensemble. Moi la profonde ça m’fait pas peur. Surtout la fraîche.
J’allai servir des boissons à deux femmes d’âge moyen. La première aux cheveux bruns, simple et jolie, tenait ses jambes croisées dans un jean noir et ses bras sur un pull over rouge. La seconde, aux cheveux blond cendré, élégante, portait un fuseau noir et une veste de cachemire grise sur un chemisier blanc. Nos regards se croisèrent un instant et j’en fus troublé.
Nous sommes arrivés ce matin.
Nous aussi. La météo annonçait une semaine de mauvais temps. Mon mari a pesté durant tout le trajet.
Vous venez de loin ?
De Toulouse. Par la route, ajouta la brune avec un bel accent du midi.
Mon dieu, quel courage !
Et vous ?
Nous avons passé mon mari et moi quelques jours chez des amis à Annecy. Alors bien sûr…
Le port gracile et la voix envoûtante de la blonde avaient capté mon attention.
Vous êtes là pour une semaine ?
Seulement, hélas.
Le bar se vida le temps du repas. Habitué à voir peu de monde et à passer des heures entières à lire, je m’étais depuis quelques semaines laissé aller à une douce nonchalance et je ne me sentais pas d’humeur à changer de rythme – encore moins à écouter des propos frivoles ou insipides.
Ordinairement mon travail au bar consistait au service de cafés le matin avant le départ des skieurs et de quelques boissons sur la terrasse Sud durant les heures d’ouverture des pistes. Il m’arrivait de servir des apéritifs le soir. Après quoi, le temps du repas, je m’installais près de la cheminée avec un bouquin en attendant les rares amateurs « du dernier verre avant d’aller se coucher. » Vers vingt-deux heures au plus tard, j’avais éteint les feux et descendais vers la chambre que je partageais avec Javier, en sous-sol.
Ce premier soir, et pour la première fois, le bar fit salle comble.
La pièce aux murs de pierre grise, au plafond lambrissé et au parquet de chêne ciré, n’avait d’autre éclairage que la lueur des flammes de la cheminée et la pâle lumière d’une lampe à pétrole suspendue au-dessus du comptoir diffusant son odeur âcre. Passé la porte, on longeait à droite le comptoir de bois et sa rampe de laiton flanqué de trois hauts tabourets sur sa longueur et d’un quatrième sur le retour. Sur la gauche, adossées au mur, deux tables rondes à plateau de marbre et pieds métalliques encadrées de deux chaises. Deux marches plus loin, on descendait dans la partie salon. Un chaleureux carré de banquettes entourait l’âtre d’une cheminée dont l’hôte métallique pyramidale tombait assez bas pour empêcher de voir son vis-à-vis.
La tempête s’était intensifiée et le vent sifflait aux jointures des menuiseries. Était-ce l’atmosphère tamisée, le crépitement du feu, la conscience trouble de l’isolement, la chaleur d’un refuge douillet ou bien tous ces éléments ajoutés, toujours est-il que les hommes étaient joyeux et les femmes excitées. Ou l’inverse.
Peu à peu s’étaient garnis tous les sièges du bar. Les femmes blotties dans les coussins du salon aux tons chauds, orange et brun ; les hommes installés sur les tabourets ou aux deux tables face au comptoir. Les hommes parlaient entre eux, s’exprimaient peu. Les femmes s’observaient, s’évaluaient, souriaient. Trop inquiet pour rester seul dans sa chambre, on s’approche comme un chat, à pas mesurés, on entame une conversation banale, on fait connaissance.
La soirée se prolongea plus que je ne l’aurais souhaité. Je fis mon

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