Tizzano
189 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Un artiste-peintre en rupture de cadre, égaré dans les décombres d'une passion amoureuse, est tout à coup subjugué par le visage d'une célèbre romancière. La nécessité de rencontrer cette obsédante icône finira par le pousser à l'écriture d'un roman. Confronté, à travers les affres drolatiques de la narration, aux prétentions de son rival de papier et aux périls de l'édition, "embarqué" dans la quête rocambolesque d'un nouveau sujet, il sera alors conduit à son corps défendant à d'insulaires et détonantes rencontres...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2009
Nombre de lectures 38
EAN13 9782336269634
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

En couverture : « Un temps pour elle », une création d’Olivier Lenoir
Tizzano

Fabrice Bonardi
Du même auteur
Aux éditions l’Harmattan Corse, la croisée des chemins — Essai (1989) L’ombre au tableau — Roman (2005)
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296079021
EAN : 9782296079021
Sommaire
Page de titre Du même auteur Page de Copyright
« J’écrivais sur un oubli : je suis distrait. Je n’ai de mémoire que dans le cœur. »
Montesquieu
Aux auteurs de mes nuits.
Une d’entre elles mise à part, les -éventuelles- ressemblances avec des personnes ou des situations existantes seraient purement fortuites.
Elle était précédée d’une poussette, d’où émergeaient de petits doigts de pied ébouriffés. Sa silhouette apparaissait comme ça, au hasard du quartier. Son visage était doux, son allure gracieuse et empreinte de réserve. Une petite pointe de distance, comme une façon de se tenir un peu à l’écart du monde, achevait de la distinguer. C’était encore le printemps, et je ne savais rien d’elle.
Semaine après semaine, jour après jour, je regardais ses allées venues dessiner la carte d’un monde dont elle était l’épicentre. La vie, Paris, et puis le quartier lui-même, tout s’était peu à peu recentré autour d’elle. Pourtant je commençais à peine à cerner le rythme de ses jours, à mesurer toutes ces étendues de temps grignotées à l’ordonnancement habituel d’une famille. Au début, cette façon de s’attarder dans le grand jardin qui bordait l’arrondissement aurait pu sembler anodine. Maintenant j’étais persuadé que tout cela débordait du cadre d’une vie ordinaire.
Elle, de son côté, ne me voyait pas ; ne me remarquait pas ; ne me soupçonnait même pas. Assis sur une butte en herbe qui surplombait le jardin d’enfants, je la fixais de loin, par-dessus mon carnet de croquis, jusqu’à ce que le soir ait déposé des ombres tièdes sur ses épaules. Dans la forme de retrait où elle se tenait, en regard du cercle des autres mamans et de leurs préoccupations domestiques, je pressentais des rêves inassouvis, comme autant de bourgeons auxquels on n’avait pas permis d’éclore.
Il fallut une autre saison pour que je parvienne enfin à lui adresser un petit bonjour , presque timide. Elle avait répondu d’un mouvement de tête, juste poli. Un mois plus tard, j’accrochais un semblant de sourire à ses lèvres. Bien sûr, cette façon de la croiser ne devait plus rien au hasard. Et alors le monde avait continué de se resserrer.
Un dimanche matin, alors que je rentrais d’un vernissage qui avait débordé de son cadre, je l’avais aperçue de loin, qui descendait la rue que je m’efforçais de remonter. Elle semblait presque venir à moi.
Mais elle était flanquée d’un homme, plutôt grand, dont le visage me parut assez terne, et qui dirigeait d’un œil satisfait sa femme et son début de lignée. Cette petite famille traditionnelle avait bifurqué vers l’église juste avant que nous ne nous croisions.
Hier encore, cette façon à peine perceptible qu’elle avait eu de porter le regard sur moi m’aurait empli de bonheur. Là, l’irruption, certes naturelle mais néanmoins brutale, de cette sorte de personne qu’on appelle un mari avait été un choc. Jusqu’alors, celui-là ne se tenait nulle part à ses côtés. Tirée derrière elle comme un rideau opaque, cette absence m’avait protégé d’imaginer toute intimité de ce genre.
Je renonçais aussitôt à l’idée de lui parler un jour, à cause de cette évidence qui, jusque là, m’avait épargné : elle n’était pas libre, et alors continuer de penser à elle ne pouvait conduire qu’à de la souffrance.
C’étaient de belles résolutions, auquel le sommeil ne voulut hélas rien entendre : elle continuait de s’infiltrer dans mes rêves. Un peu comme si une vie parallèle s’installait la nuit, et qu’il faille commencer les jours en affrontant son absence. Mais les rêves ne sont pas des refuges bien satisfaisants, et puis ils ont de ces porosités par où s’insinuent les reproches. Eux, quand ils ont pris position, ils abaissent toutes les protections et les défenses, et alors la mauvaise conscience peut prendre place en toute quiétude.
Il fallait encore me raisonner, tenter même de recomposer le fil de ma propre vie, qui en était à une sorte de milieu.
La seule vocation dont je me souvenais fut d’avoir à quitter mes parents le plus tôt possible. Le reste, la peinture, ne fut qu’un moyen ; elle allait m’exposer, vers l’âge de vingt-cinq ans et à mon corps défendant, aux regards publics. Voilà ce que j’étais à ce moment-là, un jeune artiste qui dut endosser aussi le costume de professeur d’arts plastiques. Cinq ans plus tard, on parlait de succès, et les vernissages finissaient souvent par une de ces nuits d’amour sans amour, qu’on voudrait avoir oubliée dès le matin.
C’était à cette époque que j’avais rencontré Elvire. Elle ignorait que j’étais peintre, et puis mon début de notoriété avait même semblé l’embarrasser. J’étais tombé amoureux de cette différence, et elle de mon regard qui l’enveloppait. En quelques mois, les choses s’étaient installées. Deux années plus tard, la distance qu’elle entretenait avec mon travail m’apparut moins subtile. Je dus alors me résoudre à considérer qu’il s’agissait désormais d’une stricte indifférence. Elle n’aimait plus de ma peinture que le reflet de son joli visage. Les autres sujets devinrent suspects, à plus forte raison si des femmes entraient dans la composition. Pourtant, je ne voulais voir encore dans tout cela qu’un témoignage d’amour certes excessif, mais presque attendrissant.
Évitant de peindre tout ce qui aurait pu la heurter, je me coulais peu à peu dans la représentation qu’elle se faisait de moi. C’était comme ça, bien sûr, que je m’étais laissé gommer du paysage artistique. La peinture elle-même ne devint qu’une sorte de passe-temps. Et puis Elvire s’était habituée aussi à mon surcroît de présence. Au passage, nous avions manqué le moment de faire un enfant. Au bout de huit années, le silence était tel, que je n’osais même plus le briser.
Quand les illusions se sont érodées au point que le présent menace de s’effondrer comme un pan de falaise, on se dit qu’on pourrait s’efforcer de tout consolider, d’endiguer le mal. C’est souvent à ce moment-là, alors que le regard ne devrait encore balayer que les grains de sable dans les rouages, qu’il effleure déjà de nouveaux rivages, où le temps lui-même paraît intact.
Pour me remettre à peindre, il fallait redevenir celui que j’étais vraiment. Cette fois, le moment était venu. Oh, bien sûr, il était déjà venu avant, à plusieurs reprises même, mais il n’était jamais resté longtemps. Là, c’était différent : je partais avec lui.
Éviter une rupture brutale. Il paraît que les hommes sont pusillanimes, quand les femmes seraient tranchantes. Aujourd’hui, je n’en suis plus vraiment sûr. Mais à l’époque, je laissais les choses traîner, jusqu’à ce que l’évidence de la fin ne s’imposât d’elle-même. Le mieux aurait été qu’Elvire tombe amoureuse d’un autre, bien sûr. Que ce soit elle qui soit heureuse de partir. Ça ne marche pas comme ça. Le rôdeur ne vient jamais quand on l’attend. Il surgit toujours à l’improviste.
J’avais alors tourné mille fois dans ma tête ce qu’il aurait fallu dire. À la fin, je n’avais rien dit du tout. J’étais parti sans un mot, en plein journal de vingt heures.
Quand on s’en va comme ça, on croit que c’est simple, qu’il suffit de tirer la porte derrière soi. En fait, ce n’est pas du tout simple, le plus souvent on s’est juste éloigné, on n’a encore aucune idée des ennuis qui se préparent. Mais c’est égal, on se sent prêt à rattraper les rêves et les tableaux auxquels on avait renoncé, à embrasser toute la vie à la fois.
Très vite pourtant, les petites aventures se mettent à tourner, de plus en plus court, et alors la liberté ressemble de nouveau à la solitude. Quand on ne se retrouve dans le silence que par défaut, comme dans un vide du monde où il n’y aurait plus le choix, la solitude devient à son tour une sorte de gâchis.
Voilà, c’est à peu près à ce moment-là, que cette femme à poussette m’avait renversé. Après mille détours pour la rencontrer, et au moment d’échanger enfin quelques mots, il avait donc fallu renoncer. Pourtant je le voyais bien, qu’elle n’était pas heureuse, enfermée dans une vie qui ne lui ressemblait pas. Mais il y avait cet homme, surgi de derrière son rideau opaque pour la mener à l’égl

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