Un arbre attaché sur le dos
152 pages
Français

Un arbre attaché sur le dos , livre ebook

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152 pages
Français

Description

C'est le hasard qui a mis Nora en présence de l'arbre, alors qu'elle s'était réfugiée dans un village de montagne pour fuir la société. Décidée à le planter dans sa maison natale, elle se heurte au refus de ses habitants. Elle s'installe alors dans la pension Founoun en attendant la décision du conseil municipal et là, elle rencontre "l'exilé", un homme plus jeune qu'elle, qui réveille ses sentiments...

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 36
EAN13 9782296514737
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Raja Sakka
Un arbre attaché sur le dos Roman
Un arbre attaché sur le dos
lettres du monde arabe
Un arbre attaché sur le dos
Lettres du monde arabe Collection dirigée par Maguy Albet et Emmanuelle Moysan Naaghi REMACHE,Square des pas perdus, 2012. Bouchra Belhaj BOURARA,À la lisière de soi, 2012. Hocéïn FARAJ,Instants de voix, 2012. VLADIMIR,Le Nain amoureux, etc., Nouvelles, 2012. Sami AL NASRAWI,La récompense, 2012. Mokhtar SAKHRI,L’illusion d’un espoir romain, 2012. Ahcène AZZOUG,Le destin sans frontière, 2012. Gérard BEJJANI,La parenthèse, 2011. Abdelkader BENARAB,La bataille de Sétif, 2011. Mohamed ARHAB,Les Aumônières de Dieu, 2011.Ridha SMINE,Tout lecteur est un ennemi, 2011. Sami AL NASRAWI,Fissures dans les murailles de Bagdad, 2011. Fouzia OUKAZI,L'Âge de la Révélation,2011. Rachida NACIRI,Nanna ou… les racines, 2011. Abdelaaziz BEHRI,Moha en couleurs, couscous light et autres récits…, 2011. Myriam JEBBOR,Des histoires de grands, 2011. Moustapha BOUCHAREB,La troisième moitié de soi, 2011. Ahmed-Habib LARABA,L’Ange de feu, 2011. Mohamed DIOURI,Chroniques du quartier, 2011. Nadia BEDOREH FAR,Les aléas de ma destinée, 2010. Sami Al Nasrawi,L'autre rive, 2010. Lahsen BOUGDAL,La petite bonne de Casablanca, 2010. El Hassane AÏT MOH,Le Captif de Mabrouka,2010. Wajih RAYYAN,De Jordanie en Flandre. Ombres et lumières d'une vie ailleurs, 2010. Mustapha KHARMOUDI,La Saison des Figues, 2010. Haytam ANDALOUSSY,Le pain de l’amertume, 2010. Halima BEN HADDOU,L’Orgueil du père, 2010. Amir TAGELSIR,Le Parfum français, 2010. Ahmed ISMAÏLI,Dialogue au bout de la nuit, 2010. Mohamed BOUKACI,Le Transfuge, 2009. Hocéïn FARAJ,Les dauphins jouent et gagnent, 2009. Mohammed TALBI,Rêves brûlés, 2009. Karim JAAFAR,Le calame et l’esprit, 2009. Mustapha KHARMOUDI,Ô Besançon. Une jeunesse 70, 2009. Abubaker BAGADER,Par-delà les dunes, 2009. Mounir FERRAM,Les Racines de l’espoir, 2009.
Raja Sakka
Un arbre attaché sur le dos
Roman
Du même auteur La réunion de famille, nouvelles, L’Harmattan, 2007
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-00361-0 EAN : 9782336003610
Seule la distance m’effrayait car j’étais décidée à aller à la découverte de ce point lumineux que j’avais repéré il y a plusieurs nuits. Chaque nuit, j’étais assise devant la fenêtre à regarder l’étendue devant moi et me perdais dans mes pensées. Je ne saurais dire à quoi je pensais ou peut-être que je ne pen-sais pas du tout. Mais depuis quelques nuits et dès que le soleil perdait de son éclat, un point lumineux intrigant chatouillait ma rétine. Si le point avait disparu au bout de deux ou trois nuits, je n’y aurais pas prêté attention, mais voilà vingt-cinq nuits que je le guettais de ma fenêtre et qu’il était là à la même place. Ce n’était pas la peur qui retenait mon élan, c’était autre chose. Comme j’habitais toute seule, je n’avais personne à qui demander son avis ni quiconque qui aurait pu me donner des renseignements. C’était en quelque sorte bon pour moi car si j’avais eu quelqu’un à mes côtés, il aurait sûrement atténué l’intérêt que je portais à la chose et ce fut finalement un soir du mois de mars que je me décidai enfin à y aller. Quand je quittai ma maison au bout du village, j’eus l’impression de lui dire adieu et mon cœur battait un peu plus vite que d’habitude. Je n’étais plus toute jeune. De ce fait, ma démarche n’était pas rapide. Quand mes yeux s’habi-tuèrent à l’obscurité environnante, je distinguai facilement le chemin car aucun obstacle ne barrait ma route. Après deux heures de marche, je compris que la lumière blanche se dégageait d’une lanterne. J’accélérai le pas. Curieuse-ment, je n’avais plus aucune peur. En quelques instants, je fus devant une tente grise. Dans la fente de celle-ci, à même le sol, se dressait une grosse lanterne qui dégageait la lumière en question. 5
J’étais dépitée, faire tout ce chemin pour rencontrer une lanterne ! Répondant à un désir fugitif, j’eus envie de la casser et d’éteindre ce feu qui me narguait depuis mon domicile. Je commençai tout d’abord par inspecter les lieux. Quand je pénétrai effectivement dans la tente, je constatai qu’elle était plus profonde que je ne le croyais. Tout au fond, deux hommes étaient étendus sur des nattes, l’un en face de l’autre. Ils chuchotaient et ne semblaient pas s’apercevoir de ma présence. Je toussotai un peu mais aucun d’eux ne se retourna pour me regarder. Ils parlaient dans une langue inconnue pour moi et les quelques bribes de conversation que je retins étaient incompréhensibles. Pourtant, je compris qu’ils parlaient de moi et qu’ils atten-daient ma visite. Le plus grand se leva et, sans un mot, se dirigea vers un coin à sa droite. Il y souleva un jeune arbre avec, au bout de son tronc, des racines et me le mit dans les bras. Je le laissai tomber aussitôt. Alors il me regarda fixement dans les yeux et me parla. Je ne compris vraiment rien, aucun mot ne m’était intel-ligible. Alors, en montrant l’arbre, il me fit signe que c’était mon enfant et que je l’avais porté dans mon ventre. Là, je fus vraiment indignée. Mais regardez-moi, monsieur, j’ai des jambes, j’ai un buste et une tête et des bras. Comment aurais-je pu donner vie à un arbre ? Il ne voulut rien entendre. Il se mit à me parler dans ma langue : Mais c’est ton enfant, c’est toi qui l’a mis au monde. C’en était trop pour moi. Je regrettais d’être venue à cet asile de fous. Cet homme avait l’air de croire que j’étais venue jusque-là pour récupérer un enfant que j’avais perdu ou que j’avais laissé là depuis belle lurette. Il souleva une deuxième fois l’arbre et le mit de force dans mes bras.
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Des enfants, je n’en ai pas. Je n’ai jamais eu d’amant. Le deuxième homme qui, jusque-là, ne pinçait aucun mot prit un bâton et se mit à me frapper dans le dos. De douleur, je hurlai mais je n’osais pas faire tomber l’arbre de mes bras de peur que mon supplice ne s’aggravât. L’air égaré, je fis signe aux deux hommes que j’acceptais le jeune arbre comme enfant légitime. Le deuxième homme cessa immédiatement de me frapper. Il apporta une corde à l’aide de laquelle il me fixa le jeune arbre sur le dos. Je regrettais de n’avoir pas eu d’enfant dans ma vie. S’il avait vu le jour, mon enfant aurait eu des jambes, un buste, des bras et une tête. Il aurait témoigné que j’étais un être humain, même devant un tribunal. Sa seule présence à mes côtés aurait éloigné les doutes sur mon identité. Quand j’étais sortie de chez moi, je portais une jupe grise, un pull bleu et un gilet bordeaux. Je m’étais regar-dée dans la glace avant d’entamer mon périple. Cela faisait maintenant vingt ans que vivais toute seule. Un physique ingrat avait balayé autour de moi les prétendants. Au village où j’habitais, je ne sortais que rarement, juste pour faire quelques courses ou acheter mon lait. Je vivais sur des économies que j’avais faites pendant ma jeunesse. J’aurais pu me faire des amies mais comme toutes les femmes que je rencontrais critiquaient ma façon d’être, de parler, de m’habiller, je préférais consacrer mon temps à regarder dans les nuages plutôt qu’à entendre leurs dis-cours. J’étais pressée de repartir. En chemin, j’aurais vou-lu dénouer les liens qui attachaient l’arbre sur mon dos. Je dressais du mieux que je pouvais mon buste. Curieu-sement, l’arbre ne pesait pas très lourd sur mon dos. Je marchai en direction de la lanterne posée par terre car, dans mon souvenir, elle se trouvait devant l’ouverture de la tente mais je m’étais leurrée. Arrivée près de la lanterne, qui m’aveuglait, j’étais toujours en présence de
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l’étoffe rude et grise de la tente. On avait à coup sûr déplacé la lanterne. A la lumière de celle-ci, je vis une femme habillée en caftan africain multicolore et qui avait enroulé autour de sa tête un foulard rouge-vif. Elle était agenouillée, et ra-massait des cailloux par terre. Comme je la regardais fixement, elle leva le regard vers moi. Comme c’est mignon de porter son petit sur son dos comme vous le faites. Autrefois, quand mes enfants étaient jeunes et qu’ils pleuraient, je les attachais par un foulard sur mon dos. Quand je marchais ou faisais la cuisine, ils étaient bercés par le balancement de mes hanches et ils dormaient. C’est une astuce que nous utilisons, femmes pauvres que nous sommes ! C’était une femme à la peau noire. Nous appartenions au même continent bien que j’eusse la peau moins foncée. Mais la laisser dire que le jeune arbre était mon enfant, il n’en était pas question. Je vois bien que vous êtes une brave femme, mais voyez-vous, je ne porte pas cet arbre sur le dos pour le bercer. Il m’a été imposé de force par les deux hommes, tout au fond, que vous voyez là-bas. Je me retournai pour les lui montrer mais ils n’étaient pas à la place où je les avais laissés. Je regardai encore une fois la femme en caftan africain. S’il vous plaît, madame, aidez-moi à me débarrasser de ce fardeau. Je sus qu’elle m’avait entendue car elle hocha la tête. Elle lança dans l’air les cailloux qu’elle tenait dans sa main droite et ils retombèrent en chute libre sur le sol. La surface où ils atterrirent était plate et les pierres formèrent un dessin bizarre sur le sol.
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Mes cailloux me disent que ton destin est lié à celui de l’arbre. Il ne te quittera qu’une fois arrivé sur une terre qu’il aimera. Je vois que les feuilles de l’arbre sont flé-tries. Je te conseille de lui donner à boire. Autrement, il va souffrir et tu souffriras aussi. Curieusement, je buvais les paroles de la femme au foulard rouge. Je n’osais prononcer aucun mot ni aucune syllabe. Avec sa voix douce, elle m’avait fait admettre l’inadmissible et elle m’avait fait croire en l’absurde même. Je me retournai et constatai qu’effectivement les feuilles de l’arbre qui étaient d’un vert éclatant tout à l’heure avaient changé de ton. Mais comment peut-on donner à boire à un arbre ? Mais en l’emmenant à la rivière, pardi. Et me voilà chargée de l’alimentation de l’arbre comme si le fait de le porter sur mon dos ne suffisait pas. Veuillez m’accompagner à cette rivière, brave dame. Je m’attendais à un refus de sa part car elle avait peut-être un repas à préparer. Elle se mit debout d’un bond. Allons à la rivière, le pauvre petit a tellement soif. Elle me prit par le bras et se dirigea vers l’ouverture de la tente. Elle devait connaître le chemin par cœur car, très vite, nous fûmes dehors et j’avais oublié mon intention première de me débarrasser de l’arbre. Dehors, il faisait nuit sombre. Mes yeux ne distin-guaient que l’éclat des bracelets de la femme, dont je tenais le bras. De l’autre main, je vérifiai les cordes autour de mon buste, mais sur mon pull bleu, aucune trace de corde et, pourtant, l’arbre était encore attaché sur mon dos. J’allais m’en ouvrir à la femme mais, d’un coup de coude dans mes côtes, elle m’incita à accélérer le pas. Comme elle était plus grande que moi, je courais presque pour suivre son rythme. Au bout de quelque temps, j’entendis le
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