UN CORSE AU MAROC
214 pages
Français

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UN CORSE AU MAROC , livre ebook

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Description

Un Corse, la Corse, se promène au Maroc. Au fil des jours et de sa vie, un parent de Méditerranée livre ainsi ses impressions sur un pays proche. Mais la proximité n'est pas encore, loin s'en faut, parité et ressemblance d'appréciations. Nous suivons Mathieu dans ses pérégrinations, où demeure bien sûr le Maroc de toujours, celui qu'il ne cesse jamais d'aimer tout au long de ce livre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 192
EAN13 9782296465336
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UN CORSE AU MAROC
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55182-4
EAN : 9782296551824

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Charles Versini


UN CORSE AU MAROC


L’Harmattan
Du même auteur


Mort à vingt ans.
La Rédemption des peuples, de Massada à Corte et de Corte à Massada.
Le vent de Tizzano.
Une vision en été.
Une conversation en montagne.
Pour la Corse dont la pensée originelle
a écrit ce livre.
I
« Quand reverrai-je cette ville de lumière dont je ne dis pas le nom, que je cache, pour que personne ne s’y rue, mon jardin très caché, au fond de mon oliveraie ?
La reverrais-je cette ville, ce paradis à même le sol ? Moi qui suis dans une nuit si noire, si noire !
Comment la nommer ? Certainement pas ! Je veux la soustraire à tout jamais aux yeux et aux oreilles des touristes, que jamais ils ne la voient, et que même si d’aventure ils la foulent, ils ne sachent pas les trésors qu’elle recèle. Je l’aime trop, trop pour en parler. Je ne veux pas la communiquer. Pourquoi donc le monde s’est-il ouvert de la sorte ? Pourquoi est-il permis de vendre des destinations à n’importe qui ? Nuit noire encore que ces foules anonymes et ces grands mélanges. Il y a trop de monde sur la terre aujourd’hui. Jardin autrefois, aujourd’hui saccagé par le nombre. Cette ville, cette cité qui m’attend, un avion m’y amènerait, mais j’ai peur de l’avion, peur aussi de m’asseoir près des touristes mêlés et sans visage.
Je suis trop entré en moi-même. Ah ! comment me libérerais-je, dîtes-le moi ? Qui que vous soyez cette fois…
Ah ! si seulement quelqu’un pouvait m’accompagner là-bas, la vue de la lumière dorerait mon âme. Mais qui, qui pourra m’aider ? »
Cette lettre, un petit mot qu’il avait plié dans son manteau, avait fini par tomber de sa poche, quand il avait pris ses gants, en marchant dans le froid de la mi-mars à Paris, sur le boulevard où s’agitait la multitude.
Ce morceau de papier, une jeune fille avait couru derrière lui pour le lui ramener ; alors il avait souri, il s’était dit qu’enfin, peut-être, ce « qui » qu’il cherchait devait avoir ce visage. Peut-être ?…
Mademoiselle Santoni avait tout au plus vingt ans, l’âge de sa fille, plus jeune même, bien qu’il n’avait pas eu de fille, ni de fils d’ailleurs. Mais son léger accent corse quand elle lui tendit la feuille pliée fit frissonner Mathieu.
« Mademoiselle, je distingue bien à votre accent que vous êtes de l’île de Corse. Quel étrange sentiment vous faites naître en moi ! Moi qui en suis aussi originaire. Quel destin vous a fait me suivre, et rattraper ce mot ? Tenez, dépliez-le et lisez-le, c’est pour vous sans doute que je l’ai écrit, sans savoir encore rien de votre visage. »
Andréa Santoni commença à lire en silence avec un petit sourire plein de flamme et un rare pétillement dans les yeux. Au fur et à mesure de la lecture, son visage devint plus grave et malgré sa jeunesse elle finit par dire à Mathieu : « alors il faudrait que je vous y accompagne. Mais où ? Dans quel pays ? »
Mathieu ne répondit pas. Il ne voulait pas dévoiler, ou prononcer le nom de sa ville magique. Il pensait qu’un sortilège était attaché à la pudeur de cette cité et que nul ne devait savoir à quelle ville il rêvait, fût-ce la petite corse si fraîche, si belle, qu’il avait devant lui.
De quel village êtes-vous, mademoiselle...
Santoni, Santoni Andréa, cher monsieur. Du village de Palneca, vous savez, le village aux mœurs dures, aux hommes intrépides.
Je connais cette berceuse, répondit Mathieu, qui dit qu’à Palneca aucune femme de la race ne franchissait treize ans sans être mariée, car l’impertinent qui lui effleurait la coiffe ne passait pas deux semaines s’il ne lui mettait l’anneau au doigt.
Oui, répondit Andréa, mais cette berceuse a un siècle d’âge. Et puis nous sommes ici à Paris, sur ce boulevard, ce n’est pas seulement un homme et une jeune fille qui se rencontrent mais bien deux enfants égarés de la Corse. Pour ma part et au regard de cette lettre, j’aimerais bien... (elle cherchait à faire dire à Mathieu son prénom. Celui-ci comprit et le lui énonça)...
Mathieu.
... être une amie à vous, une petite confidente, vous semblez si perdu au milieu de ce boulevard de nulle part, de nulle part par rapport à notre ailleurs, à notre Corse qui, vous le savez, constitue une autre planète, une autre galaxie.


Mathieu était remué et surpris par ce qui n’arrive habituellement que dans les contes mais qui, ici, se racontait dans la réalité la plus parfaite. Une compatriote à lui, parmi des millions de gens, s’était saisie de sa lettre confidence écrite à lui-même et elle semblait l’avoir reçue comme le courrier d’une poste rêvée qui prenait ici le visage du réel.
Mais s’il semblait à Mathieu vivre ces instants comme dans un conte, c’est qu’il était dans le désespoir. En temps ordinaire, il savait que la vie réelle est souvent plus invraisemblable qu’un conte.
II
Ils allèrent prendre un pot devant la Tour Eiffel, dans un bar du Trocadéro. C’était sans doute difficile pour Mathieu de s’asseoir devant cette construction métallique qui surplombait la ville, mais Andréa adoucissait tout. Qui était-elle au juste Andréa Santoni ? Après une enfance passée en Corse, elle avait vécu à Marseille, la grande ville des Corses de l’extérieur ; son grand-père avait travaillé à Beyrouth et à Tanger, dans les casinos. Sa parentèle était solide, et pratiquement jusqu’à aujourd’hui elle était restée assez étroitement surveillée par sa famille. Que dire d’elle encore ? En dehors des siens, pas grand-chose, car elle n’avait pas alors de véritable autonomie. Certainement, par son héritage de discipline familiale, évoquait-elle davantage la force de la droiture qu’une idylle spontanée. C’est pourquoi Mathieu avait été si enclin à se faire accompagner, car il n’envisageait avec elle aucune relation charnelle, rien que de la complicité fraternelle, une confidence, une relaxation. Il pouvait bien se reposer sur elle puisque nulle inclinaison corporelle ne venait perturber son désir d’épanchement verbal ainsi que la complicité silencieuse et entendue qu’il avait voulu tisser avec elle dès le premier regard, sans jamais devoir aller au-delà. La différence d’âge – Mathieu devait avoir déjà cinquante ans ou légèrement plus – le protégeait d’ailleurs de devoir faire quelque chose.
A cinquante ans, Mathieu avait déjà épousé plusieurs femmes. Seule la première était Corse, à un âge où le mariage corse est naturel, à l’âge de la jeunesse. Après, sauf en présentation de raison, méthode qui répugnait au caractère de Mathieu, il était bien difficile d’envisager sur l’île une relation certaine. Bien des jeunes gens des villages, il n’y a pas si longtemps, à qui on demandait pourquoi ils ne remplaçaient pas leurs dents, jeunes gens de vingt-quatre ans tout au plus, ne répondaient-ils pas dans un sourire de sagesse bien ajouré : « à quoi bon ? L’amore è fattu ! ». C’est-à-dire que l’amour avait déjà été fait ; pourquoi donc alors s’inquiéter de l’apparence ? Mais si jeune, cela ne manque pas de surprendre ! Pourtant, cette phrase à elle seule résumait les mœurs locales en matières matrimoniales, sans parler du charivari réservé aux « vieux » qui se mariaient ou remariaient, une orgie de crécelles et de tintements de casseroles bruyantes.
Le fonds des mœurs était ainsi. Mathieu, en bon philosophe, ne désirait pas le changer et avait fini par se rendre à cette évidence.
Mathieu Bucchini était revenu enchanté de sa rencontre avec Andréa mais il ne voulait pas non plus la revoir tout de suite. Il était ainsi fait, il avait besoin d’une indépendance toujours accrue, ne pas se rendre esclave d’une nouvelle entrevue trop rapprochée. Sachant qu’il n’établirait pas une relation d’amour sentimental avec elle, alors elle serait pour lui une petite sœur qu’il verrait plus tard.
Mathieu Bucchini, depuis tant d’années

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