Un enfant du pays
151 pages
Français

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Un enfant du pays , livre ebook

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151 pages
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Description

Aucun de nous ne savait ni qui elle était ni d'où elle venait et nous n'avions qu'une seule manière d'espérer mieux la connaître : lui raconter une histoire. Si votre conte était beau, lui plaisait, notre reine de Saba faisait de vous son roi Salomon. Je ne vous rapporte ici que quelques-unes de ces histoires extraordinaires, vécues ou inventées, qui ont valu à leurs bienheureux auteurs, jeunes et sans expérience, d'être retenus auprès d'elle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 177
EAN13 9782296684010
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un enfant du pays ou Confidences à une inconnue
 
Illustration : Jean Lallemand (1929-2007)
Photo : Dominique Piednoël
 
 
© L'Harmattan, 2009
5-7, rue de l'Ecole polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-09977-7
EAN : 9782296099777
 
Rachid Chebli
 
 
Un enfant du pays
ou
Confidences à une inconnue
 
 
L'Harmattan
 
Du même auteur :
 
Au-delà de Jabal Tank (roman), L'Harmattan, 1996
La fête clandestine (nouvelles), L'Harmattan, 1999
 
Pour Driss Chraïbi
 
A ma mère morte.
A ma mère vivante .
Préface
 
Pourquoi cette préface ?
Tout simplement pour exprimer à quel degré j'ai voulu, par le biais de ces lignes étoilées, éclairer la constellation du langage qui, bien entendu, ne m'a pas attendu pour briller sur les consciences de lecteurs et lectrices assidus que vous êtes.
Il est toujours difficile de parler de soi, c'est un exercice des plus spécieux.
La première occurrence du moi comme substantif, on le sait, vient de Pascal qui lui a fourni le support de sa déconstruction.
Quant à moi, enfin moi... Rachid Chebli, j'essaierai de parler de moi sans oublier les autres, de dire, transmettre et diffuser les raisons et les motivations qui m'ont conduit à l'exercice périlleux de l'écriture.
J'ai considéré, dans ma vie, disposer de deux grandes chances : la première, c'est d'avoir lu Bergson ; la seconde, c'est de l'avoir compris. Ce qui m'a autorisé à admettre qu'il était aisé d'affadir tous les déterminismes (l'intuition dépassant les cadres hermétiques de l'intelligence) auxquels on nous prête un lien d'asservissement sans nous révéler qu'il suffit de faire appel à notre courage et à notre témérité pour que ce mot indigeste ne soit plus que sept consonnes et cinq voyelles.
L'effort donc, cette pluie d'espoir, cette averse de rêves que la pire des circonstances ne parviendra jamais à dévaster ou à ankyloser est, comme le dit Bergson : pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l'œuvre où il aboutit, parce que grâce à lui, on a tiré de soi plus qu'il n'y avait, on s'est haussé au-dessus de soi-même. Or, cet effort n'eût pas été possible sans la matière : par la résistance qu'elle oppose et par la docilité où nous pouvons l'amener, elle est à la fois l'obstacle, l'instrument et le stimulant ; elle éprouve notre force, en garde l'empreinte, et en appelle l'intensification.
Il a donc fallu travailler, se dispenser d'oublier qu'il était nécessaire de continuer à le faire et omettre de s'en réduire à un faisceau de contingences heureuses ou de circonstances fortuites pour s'impatienter de la réussite ; s'est agrégée à cette dimension vive de mon opiniâtreté la mise en relief d'écueils que l'on doit se hâter de conjurer comme celui du mirage rétrospectif dont il faut proscrire l'idée farouche selon laquelle nous aurions pu faire mieux que ce que nous avons fait jusqu'ici.
En effet, à force de blanchir sa destinée, on aboutit à cette idée maîtresse de fausseté que nous pouvons nous satisfaire de la vie que l'on n'a pas eue et qu'il est commode d'ambitionner une vie que l'on n'aura jamais.
Il n'y a qu'un moyen de parvenir à son but en faisant fi des instruments qui permettent d'en mesurer la probabilité, c'est de se mettre en route et de voir jusqu'où l'on peut aller tel l'homme arpentant les sommets sans lever son visage vers le point culminant de la montagne et qui parviendra sans nul doute à déposer sa tête dans les nuages sans n'avoir jamais levé les yeux au ciel.
J'ai la plus grande admiration mais aussi une tendre compassion pour ce pauvre Sisyphe, bien que je sois profondément affecté par ses astuces répétées trompant ainsi les plus grands ; mais ma sensibilité à son endroit reste prisonnière de l'idée de persévérance à laquelle je consens, et j'affirme avec pudeur qu'à sa place, je me serais plu à terminer ce travail interminable.
Je profère donc, avec force et humilité, que j'ai vaincu le Serpent de mer du Déterminisme.
 
En second lieu et pour élargir mes propos, je dirais que j'éprouve le besoin robuste et obstiné de vous conter les raisons m'ayant acheminé vers l'écriture, une fois de plus, de nouvelles.
Bien que ce genre reste parfois otage des catégories où l'on tente maladroitement de l'enfermer, il reste pour moi le récif sur lequel je m'agrippe et m'accroche et dont je m'évertue à densifier la richesse et la fécondité.
Les causes de cette permanence du genre auquel je m'adonne sont évidemment abondantes mais les principales sont aisément identifiables.
Tout d'abord, et cela va de soi, pour un amoureux alangui du Pays de Caux, que les lignes contenues dans ces nouvelles évoquent fastueusement la figure avenante de Maupassant ; Maupassant ou mes lectures d'enfance, celui qui a façonné mon désir inébranlable de dépeindre le réel avec les armes de l'imagination. C'est l'artisan de la genèse de la réalité, il a su la décrire, la peindre et la dessiner dans ses contours les plus alambiqués : l'amour, la mort, la folie, le déshonneur, la brisure de la conjugalité, autant de thèmes arraisonnés par l'auteur bestiaire. Les mots, par la magie de leur force, effleuraient une description totale et parfaite de ce qui est. Voilà également ma passion : pointer le réel, hasarder de se l'approprier par la matière qu'il offre à percevoir. Mais cette tâche est particulièrement quintessenciée.
En effet, qu'aperçoit-on du réel quand on se contente des mots pour le saisir ? S'il est difficile de s'en emparer par les mots, c'est proprement parce que l'objet que l'on s'évertue à décrire est bien trop complexe pour parvenir à être cueilli par ces derniers. De plus, et ce lieu commun est récurrent, il s'échappe à mesure que l'on s'en approche. Cependant, lorsque nous faisons l'examen agréable de la lecture des écrivains réalistes et naturalistes, nous nous accordons à l'évidence que ce qui est décrit est fondamentalement ce que nous pourrions avoir sous les yeux. La puissance de ces peintures du monde social, en l'occurrence du pays de Caux pour Maupassant, mais l'on pourrait tout autant mentionner Zola et la vie ouvrière, confère à celui qui les lit l'impression surprenante d'observer de l'extérieur ce monde comme si vous y étiez.
Cet amour de l'écriture, qui répond à un besoin ineffable d'être le narrateur de diverses situations, témoigne non pas de ce que nous cachent les apparences mais de ce que nous figure la vie. C'est en ce sens qu'il est essentiel de s'attarder sur ce qui forge les rudiments de la littérature réaliste : être le narrateur des détails et du comportement des personnages ; tout cela s'articulant ici, puisqu'il s'agit de nouvelles, autour d'un seul événement.
 
Rachid Chebli
L'inconnue du quatrième (I)
 
Nous ne l'avions jamais vue et aucun de nous ne savait pourquoi ni comment elle était arrivée chez nous ; nous avions seulement entendu parler d'elle par les grands qui se donnaient rendez-vous dans son appartement où les événements se déroulaient invariablement de la même façon : les prétendants faisaient la queue dans le couloir en attendant leur tour ; la porte était généralement ouverte, vous la poussiez et vous entriez dans un long couloir ; au bout de ce couloir, un salon et trônant dans ce salon, la maîtresse des lieux était allongée sur un sofa, ses longs cheveux rejetés en arrière ; elle vous faisait alors signe de vous asseoir, fermait les yeux et se laissait peu à peu envahir par votre histoire ; et vous, vous n'avez qu'une crainte : que ses yeux s'ouvrent, que son bras se lève et sans appel, vous fasse signe de vous arrêter.
Vous compreniez alors que vous aviez échoué.
Il ne vous restait plus qu'à vous lever et partir.
Vos rivaux, debout dans

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