Vache à l âme
100 pages
Français

Vache à l'âme , livre ebook

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100 pages
Français

Description

En 2013, Marius, un vieux paysan, décide de ne plus jeter le lait de sa vache unique que les "normes" l'empêchent de commercialiser. Il décide de le déposer devant l'ancienne laiterie du village : "Qu'ils se débrouillent au musée!" Alors que les agriculteurs, en proie à la crise du lait, attendent du secours des politiques, le geste de Marius va délencher une révolution tranquille.ŠŠ

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2014
Nombre de lectures 8
EAN13 9782336338651
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vache à l’âme
Marie H élène Chiocca
Vache àlâme Vache à l’âme C h r o n i q u e d ’u n e u t o p i e r u r a l e R oman
VACHE À L’ÂME
© L’HARMATTAN, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-02799-9 EAN : 9782343027999
Marie-Hélène CHIOCCA VACHE À L’ÂME Chronique d’une utopie rurale
Quepassait-il dans la tête de Marius quand chaque se jour, il continuait d’amener sa vache au pré ? Elle ne s’éloignait jamais vraiment de lui ; ils devaient rester proches en pensée. Est-ce elle qui lui a glissé l’idée ? Deux fois par jour, il lui faisait traverser le village. Ni l’un ni l’autre ne se garaient au passage d’une voiture. Non, ils avançaient ; elle, balançant ostensiblement sa croupe blanche au milieu de la chaussée. Il l’avait eu jeune, aussi l’amenait-il chaque année au taureau pour vêler. En retour, elle lui donnait un lait riche et onctueux dont il faisait un fromage à la crème. Le reste de lait, il n’avait pas le droit de le vendre ni même vraiment de le donner. Il le jetait dans le pré qui bordait sa maison ; parfois, il barattait la crème qu’il étalait sur une tartine en épaisse couche de beurre. C’est quand il eut le sentiment que Marquise n’était plus d’accord de voir le reste de son lait, le produit de son ventre, s’absorber vainement dans la terre que Marius réagit. Ils échangèrent un long regard. Une vache vous a-t-elle déjà regardé dans les yeux ? C’est pour cette raison qu’il lui dit : « D’accord ! » Et c’était un d’accord, ferme, décidé, irrévocable. D’accord, d’accord ! Marius eut le sentiment qu’elle était contente, qu’elle irradiait de contentement, il ne jetterait plus son lait. Oui, mais quoi ? Qu’est-ce qu’il allait en faire en 2013 ? Il n’allait tout de même pas boire 20 litres de lait par jour ? C’est ce qu’elle lui donnait à peu près régulièrement et parfois même plus. Le transformer ? Mais il faudrait pour cela qu’il passe par la coopérative, acheter un tank réfrigérant, faire analyser le lait ; il faudrait que sa belle marquise subisse des contrôles, des piqûres. Elle qui ne mangeait que de la meilleure herbe, qu’il ne frappait jamais, qui ne connaissait pas les aboiements
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des chiens, qui sommeillait sans crainte et donnait le meilleur des laits. Très bien. Puisque ses semblables lui avaient créé un problème, Marius leur porterait le problème. Il avait gardé les seaux de son père ; des seaux peu ordinaires, nickelés. Son père avait été un artiste de la profession. Marius avait gardé de lui un peu de ce détachement des choses communes ; le temps, il le dégustait et la nature était son régal. Il lava les seaux, les astiqua, les fit reluire. Et à la première traite du jour, il porta devant l’ancienne fruitière deux petits seaux de lait à l’étoffe d’ivoire. Il avait retrouvé le portant qui faisait équilibre et comme un Chinois au pied souple, il avait marché sans bruit jusqu’à la grande bâtisse transformée en musée : « Le Musée de la laiterie. » Qu’ils se débrouillent au musée ! Il était trop tôt alors pour que quiconque se soit rendu compte de quelque chose. Autour du musée, trois maisons étaient à vendre, de belles bâtisses : un ancien hôtel - Le “Grand Café Hôtel Restaurant“ qui avait participé à la réputation du village autrefois - , une ancienne épicerie et une petite maison habitée par la vieille Margot qui venait de mourir. Qu’allait-on faire sans Margot ? L’âme du village, qui trottait tout le jour et s’enquerrait de l’un de l’autre sans s’épargner sa propre peine. Elle n’était plus là, elle aussi était partie, vidant le village de sa meilleure substance. - Pendant la cérémonie d’enterrement, beaucoup avaient partagé la conviction qu’elle n’était pas morte, qu’elle allait réapparaître de derrière le porche de l’église, dire : « Eh bien mes petits, vous y aviez cru ! », et s’approcher de son petit pas courant voir le cercueil qu’on lui avait réservé. « Oh bah, c’est bien joli. Fallait pas, fallait pas. ». Mais, non, elle n’était
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pas venue. C’est sûr, elle, aurait vu Marius, mais maintenant, en passant par le raccourci, personne n’avait pu le voir. A dix heures et demie, Damien, l’animateur du musée, est arrivé. Il n’a d’abord pas prêté attention aux deux seaux ; mais, comme ils le gênaient pour ouvrir les volets, en baissant les yeux et vit deux grands cercles d’un ivoire bleuté refléter le ciel dans une crème liquide. Qu’est-ce que c’était que ça ? Qu’est-ce que ça faisait là ? Personne ne l’avait prévenu à la Communication du Département. Y avait-il une fête populaire prévue ? Aurait-il à animer un exercice pratique ? Etait-ce bien du lait ? Ça sentait le lait. Ça sentait même la vache et l’étable. C’était très probablement du lait ; mais à cette heure du jour il n’avait aucunement l’envie d’y goûter. Il prit le téléphone : « Pourquoi avait-on déposé deux seaux qui avaient l’air d’être du lait devant le musée ? » On ne savait pas de quoi il parlait. Il expliqua : devant le musée, quelqu’un avait déposé deux seaux qui paraissaient bien être du lait, il se demandait qui avait fait ça et ce qu’il devait en faire. On lui répondit qu’on ne savait pas qui avait déposé ces seaux et qu’il fallait qu’il voie lui-même sur place. Il demanda qu’on se renseignât tout de même « des fois que ça vînt de plus haut et qu’on ne les ait pas prévenus puisque ça arrivait parfois ». On lui répondit : « Ça m’étonnerait ! » Il raccrocha. Un collègue de passage arriva une demi-heure plus tard et demanda : « Qu’est-ce que ça fait là ? - Je ne sais pas, on ne sait pas au musée. - Tu as demandé ici ? -Je n’ai encore vu personne ! - Et à la mairie ? – Je n’ai pas téléphoné. – Eh bien, appelle. » Ils avaient de la chance, ce matin-là, la secrétaire était de permanence. « Des seaux de lait ? C’est pas possible ! … Ah, bon, vous êtes sûr ? … Non, non, non, ce n’est pas nous. Monsieur le Maire m’aurait prévenue. Non, non, je vous dis.
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