VERS L OCCIDENT   ROMAN
115 pages
Français

VERS L'OCCIDENT ROMAN , livre ebook

-

115 pages
Français

Description

Vers l'Occident n'est pas un fait divers. Souvent l'on entend de ces histoires d'immigrés fuyant leur misère sur des embarcations de fortune. Souvent, en quelques lignes, leur existence passe sur nous comme nos yeux sur la colonne d'un quotidien. Mais s'est-on jamais demandé ce que pouvaient ressentir, penser, imaginer, ces hommes et femmes prêts à tout quitter pour rejoindre un rêve ? Vers l'Occident est des ces histoires...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 46
EAN13 9782296463547
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A mon père
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-10513-3 EAN : 9782296105133
Vers l’Occident
Vincent Larramendy
Vers l’Occident
roman
LyHarmattan
Chapitre I
L’embarquement, la première nuit
’océan ronflait en de longs soupirs d’écumes. Batsimba L regarda quelques instants l’eau blanche ruisseler le long de son pied nu puis leva la tête en direction de son frère. « Banzuzi, tu ne crois pas qu’il y a un deuxième ba-teau ? – Est-ce que tu en vois un ? demanda calmement celui-ci, sans détourner son regard de l’horizon. – Non, répondit Batsimba, en baissant son visage vers le sable mouillé, silencieux, inquiet. – C’est parce qu’il n’y en a pas d’autre, ajouta Ban-zuzi. – Mais...tous ces gens… » Sa voix se perdit dans le murmure des vagues. Sur la berge, face à cette mer aveugle, plusieurs dizaines de personnes, certains hagards, d’autres souriant, confiants en leur décision d’un voyage sans retour, s’amassaient autour d’un petit homme chauve et trapu. Un enfant sanglota dans le silence de la nuit. Un vieillard frissonna. Quelques visa-
8
VERS L’OCCIDENT
ges aux traits tendus se rapprochèrent encore de l’homme assis sur le rebord d’une embarcation à la peinture défraî-chie, puis, après un toussotement rauque, celui-ci prit la parole. « Mes amis, mes frères, je suis Ousmane, écoutez-moi, approchez-vous. Voilà. Écoutez tous ! Là-bas, derrière l’horizon, l’archipel des Canaries vous attend, l’Europe vous tend les bras ! Dans cinq jours nous atteindrons les côtes espagnoles dans cinq jours vous serez libres, libres de dormir sans crainte, libres de travailler pour un salaire honnête. Je sais que nous sommes nombreux, je sais que la barque est petite, mais il faudra s’y faire, durant cinq petits jours, cinq jours de traversée pour de longues années paisi-bles… Nous allons partir, approchez les uns après les au-tres et souvenez-vous : j’aimerais que vous régliez votre traversée avant de monter à bord » ajouta-t-il d’un air bien-veillant. Un homme s’approcha, remit plusieurs billets à Ousmane qui, après une légère tape dans le dos, l’invita à prendre place au fond de la barque à moteur. « Que Dieu te garde, Kaci ! » lança celui-ci avant de se tourner vers les nouveaux arrivants. Une vieille femme s’avança à son tour, suivie de près par sa fille dont les mèches aux reflets noirs dépassaient çà et là d’un turban de soie blanche. Ousmane descendit du rebord, plongea les pieds dans l’eau bouillonnante d’écume puis hocha la tête. « Bonsoir Fadima, fais que ta traversée soit aussi agréable que de poser le regard sur ta fille. »
VERS L’OCCIDENT
9
Les deux femmes le saluèrent puis Aicha, rougissan-te, lui remit l’argent demandé avant de suivre sa mère aux côtés du premier arrivant. Vingt-deux. Ils étaient vingt-deux. Banzuzi compta une nouvelle fois la masse informe dans la nuit. Vingt deux. Certaines des personnes présentes devaient sûrement se trouver là pour accompagner leurs proches avant le départ. Embrasser leur famille une fois encore, une dernière fois, puis disparaître dans les ténèbres de cette plage baignée de nuit, voilà ce que la moitié de ces gens allait faire. Oui, cela devait être l’explication d’un si grand nombre. Ils allaient partir, retourner en ville, ils ne pouvaient tous être de la traversée. Banzuzi posa ses yeux sur le frêle esquif, immobile, les joues fouettées par le vent glacial de l’océan, puis laissa enfin la réalité terrifiante bri-ser les vaines espérances. Le voyage se ferait à vingt-deux dans une embarcation de dix personnes. Ils n’allaient pas partir, monteraient avec lui, tous chargés d’un petit mor-ceau d’espoir, d’un petit morceau de foi, enfoui quelque part entre imaginaire et réalité, prêts à le dresser fièrement quand la raison rendrait compte d'un avenir certain, dénué de vie, quand la raison hurlerait de faire demi-tour. Et alors ils le brandiraient, alors ils s’y accrocheraient, et alors, comme le barrage tempère la violence des flots, il adouci-rait la douleur du présent. Car tout irait mieux demain.
10VERS L’OCCIDENT
Alors que son aîné, terriblement angoissé, comptait une fois encore le nombre de passagers, comme prisonnier d’une réalité qu’il ne pouvait admettre, Batsimba croisa le regard d’Aicha avant que celle-ci ne s’avance vers l’embarcation. Il ferma ses paupières, tenta de saisir l’étincelle, brillante, éphémère, qui venait d’apparaître dans la nuit, désireux de savoir si elle n’était pas le fruit de son imagination puis ou-vrit de grands yeux ébahis en sa direction. Elle n’était pas fille des trompeuses ombres nocturnes. Aicha ne s’était pas évanouie, elle appartenait au monde réel. Rien ne lui sem-blait plus agréable que cette démarche ronde et limpide sous le karakou perlé, que ce mouvement de bras, gracieu-sement balancé au rythme des pas de ce corps qui s’avançait vers l’embarcation. La jeune fille se retourna alors timidement, leva ses grands yeux verts en direction de Batsimba qui n’avait en-core pas décroché son regard d’elle, puis, honteuse de son attirance à présent trahie, tourna brusquement la tête en direction de l’océan. Le garçon troublé de l’intérêt que lui avait porté l’inconnue, dans un battement de paupières, s’avançait à présent plus profondément vers le large, vers la barque bal-lottée par les flots, désireux de ne pas laisser disparaître dans la nuit sa blanche apparition. « Je… je crois qu’ils vont tous monter avec nous, murmura Banzuzi tout en levant le regard vers son petit frère. » Mais Batsimba ne l’écoutait pas, marchait en direc-tion des ombres mouvantes, marchait seul, comme brus-
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents