Arès, le dieu mal aimé
172 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Arès, le dieu mal aimé , livre ebook

-

172 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Gilbert Andrieu continue à cerner les caratéristiques des dieux de l'Olympe. Les légendes ne sont pas seulement le fruit de l'imagination. Au-delà du politique, il ne faut pas oublier la dimension spirituelle qui se cache sous les images. Pour se reconstruire, l'homme ne doit-il pas d'abord se détruire ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2017
Nombre de lectures 9
EAN13 9782140029622
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gilbert Andrieu
Arès, le dieu mal aimé
Arès, le dieu mal aimé
Gilbert Andrieu
Arès, le dieu mal aimé
Du même auteur Aux éditions ACTİO L’homme et la force. 1988. e L’éducation physique au XX siècle. 1990. Enjeux et débats en E.P. 1992. À propos des finalités de l’éducation physique et sportive. 1994. e La gymnastique au XIX siècle. 1997. Du sport aristocratique au sport démocratique. 2002. AuxPRESSESUNIVERSITAIRES DE BORDEAUX e Force et beauté. Histoire de l’esthétique en éducation physique aux 19 et e 20 siècles. 1992. Aux éditions L’HARMATTAN Les Jeux Olympiques un mythe moderne. 2004. Sport et spiritualité. 2009. Sport et conquête de soi. 2009. L’enseignement caché de la mythologie. 2012. Au-delà des mots. 2012. Les demi-dieux. 2013. Au-delà de la pensée. 2013. Œdipe sans complexe.2013. Le choix d’Ulysse : mortel ou immortel ?2013. À la rencontre de Dionysos.2014. Être, paraître, disparaître.2014. La preuve par Zeus.2014. Jason le guérisseur au service d’Héra.2014. Pour comprendre la Théogonie d’Hésiode.2014 Héra reine du ciel. Suivi d’un essai sur le divin. 2014 Héphaïstos, le dieu boiteux.2015 Perséphone reine des Enfers. Suivi d’un essai sur la mort.2015 Hermès pasteur de vie.2016 Apollon l’Hyperboréen.2016 Les deux Aphrodites.2016 © L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-09288-1 EAN : 9782343092881
POURQUOI ?  Lorsque je replace cette divinité dans l’ensemble de la mythologie – il fait tout de même partie des Olympiens – je constate qu’Arès est effectivement un mal aimé, que ce soit par son père ou que ce soit par sa mère. Ne parlons pas de sa sœur Athéna qui personnifie la guerre intelligente, alors qu’Arès semble être dénué de toute forme de réflexion, et qui n’hésite pas à lui faire subir son orgueil de fille aînée. Comme Héra, qui passe pour être une femme jalouse, ce que nous pouvons comprendre en étudiant la vie mouvementée de son époux, Arès est souvent décrit comme un être totalement privé d’esprit. À Zeus nous donnons la ruse et l’intelligence, à Athéna la raison, mais à Arès, nous avons appris à ne lui donner qu’une force brutale, spontanée, naturelle, sans objectif et sans justification. Il aime la guerre et cela semble suffisant pour parler de lui ! Il est le dieu de la guerre et cela pourrait nous instruire sur l’idée que les aèdes grecs de l’Antiquité se font de celle-ci.  Ne serions-nous pas prisonniers des légendes ? 1  Ne ferions-nous pas trop confiance aux poètes , surtout lorsque nous prenons les portraits qu’ils nous donnent pour des photographies qu’il ne faut surtout pas chercher à retoucher ? 1 J’utilise le pluriel bien que le premier à nous laisser une trace écrite soit Homère, parce que je pense que des aèdes ont existé longtemps avant lui. Les légendes dont nous parle le poète sont le reste d’un long processus d’imagination pour traduire sous forme de légendes ce que des humains plus instruits voulaient transmettre à leurs semblables. Arès, comme les autres divinités sont des dieux qui sont nés bien avant le poète !
5
Les aèdes nous tromperaient-ils ? Mais pourquoi ? Ne chercheraient-ils pas davantage à nous instruire et à nous éclairer sur une réalité qui ne peut se concevoir sans certaines critiques ?  Si j’émets quelques doutes sur de telles présentations, c’est parce que l’ensemble de la mythologie ne permet pas de les accréditer à tout instant. Homère nous parle d’Arès comme d’un être sans cervelle, mais n’est-ce pas voulu ? Si ce dieu apparaît comme le contraire même des autres divinités, n’est-ce pas pour nous inviter à chercher ce que nous cachent les légendes ? Parce qu’Arès est différent, ne mérite-t-il pas un peu plus d’attention de notre part ? À vrai dire, en dehors de Zeus, par principe, et d’Athéna, qui personnifie la raison, il est rarement fait allusion aux idées que pourraient avoir les autres dieux. Nous pouvons penser qu’Athéna et Arès forment un couple symbolique, un couple de forces contraires qui peuvent même se combattre. Cette opposition, qui est surtout imagée chez Homère, pourrait bien voiler une réalité plus profonde qui se rapporterait davantage à l’évolution de la pensée chez les Grecs au moment où les légendes commencent à se figer plus ou moins, grâce à l’écriture.  Je crois aussi qu’il faudrait pouvoir tenir compte d’une différence qui n’est certainement pas quelconque entre un récit oral et un récit écrit. La spontanéité de la poésie déclamée, comme elle pouvait l’être chez Alkinoos lorsqu’Ulysse est reçu chez les Phéaciens, n’est plus aussi prégnante dans la poésie écrite d’Homère ou d’Hésiode. Elle ne fait plus pleurer pour les mêmes raisons ! Mais cette poésie qui peut être à l’origine de la philosophie, quel que soit l’avis que peut avoir Platon sur les récits d’Homère, n’est pas qu’une ébauche d’histoire sans preuve, un récit fondé sur des souvenirs plus ou moins estompés.  En fait, les poètes appartiennent à un monde réel, un monde qui est le leur, mais aussi un monde contre lequel ils partent parfois en guerre comme Hésiode. Bien avant lui, des aèdes ont certainement supporté la vie de leur époque et tenté de la changer à partir de leurs idéaux. Pour ce faire, ils ne pouvaient pas livrer bataille, ils ne pouvaient qu’user de leur
6
propre force qui était leur art de travestir la réalité à l’aide de mots et d’images, tout ce qu’ils souhaitaient transformer. Les descriptions qu’ils donnaient à leurs semblables ne pouvaient être qu’exagérées, maquillées, forcées afin d’attirer l’attention d’un auditoire. Il fallait que chaque héros, chaque divinité trouvent un écho dans la mémoire des simples mortels.  Arès, comme les autres divinités est devenu un personnage, mais il est surtout devenu le prototype de la violence sans raison, de l’énergie que les hommes déploient lorsqu’ils sont contraints dans leur propre façon d’être. Il est le guerrier par excellence, mais celui d’avant, celui qu’Athéna ne guide pas vers une mort glorieuse. Or ce changement est un changement réel auquel les aèdes aspirent. Ce sont eux qui font un choix et qui rendent Arès presque méprisable. C’est l’avènement de l’esprit qui le condamne et, comme la philosophie ou l’éducation n’existent pas encore, les poètes ont donné aux valeurs opposées des modèles capables de guider les moins instruits. Chaque divinité est un exemple de ce qui peut être vécu ! Retenons, mais je le redirai souvent, que les aèdes ont donné des images qui correspondent à des choix logiques ou politiques, choix qui s’inscrivent dans une histoire qui n’est pas légendaire. La guerre a changé de nature avec les migrations doriennes et la guerre de Troie qui nous montre un Arès mal aimé n’est qu’une guerre de poète, le souvenir d’une guerre qui ne se fait plus.  Sans entrer dans les détails pour le moment, ne peut-on pas noter que Zeus a passé le plus clair de sa vie à faire des enfants, à des déesses ou des mortelles, pour organiser le monde à sa façon, lui donner des lois et surtout des divinités qui peuvent l’aider avec des fonctions bien précises ? D’une certaine façon, nous pouvons dire qu’il passe l’essentiel de son 2 temps à nommer des ministres .  Tandis qu’Apollon est chargé de surveiller l’oracle de Delphes à la place de Thémis, qu’Héphaïstos est chargé de surveiller le feu des Enfers, plus particulièrement les Cyclopes, Aphrodite a pour mission d’engendrer l’amour qui rend les 2 ANDRIEU G.La preuve par Zeus. Paris, L’Harmattan, 2014.
7
hommes vulnérables, les enchaîne à la terre cultivée et leur fait oublier le Ciel. Il y aurait d’autres exemples, mais, déjà, nous pouvons dire que Zeus ne laisse rien au hasard. Pourquoi aurait-il mis au monde un enfant dénué d’intelligence, inutile en apparence si ce n’est qu’il peut passer pour le modèle d’un combattant violent ou une sorte de monstre utilisant sa force ? Mais, si Arès combat pour son plus grand plaisir, soutenant les Troyens au lieu des Grecs, après avoir promis le contraire à sa mère, quel modèle peut-il bien représenter ? Métis personnifiait la Prudence – elle semble l’avoir perdue devant Zeus qui devait l’avaler en rusant – Nyx personnifiait la Nuit, Érèbe les Ténèbres infernales…, tous les dieux avaient soit un caractère particulier soit une fonction clairement définie. Mais ce bouquet légendaire de fonctions est pensé et ne fait que préciser l’ordre que Zeus s’efforce d’imposer. Certes, il s’agit d’abord d’une présentation poétique, mais l’effort d’Hésiode pour nous parler de la genèse des dieux est aussi un effort politiquement engagé 3 comme il le montre dans Les travaux et les jours, son second poème. Marie-Christine Leclerc nous le fait comprendre en montrant que le poète est un précurseur dans ce domaine :  «Son esprit de système, acharné à envisager le monde des dieux dans sa totalité et à le faire coïncider avec le monde physique (Théogonie), à intégrer dans cet ensemble le monde des hommes (Travaux) et leurs origines mythiques (Catalogue des femmes), bref à dominer l’univers entier comme un tout, va dans le sens des explications globales que les philosophes rechercheront par la suite.» (p.17)  Faut-il rappeler que la chronologie n’existe pas dans la mythologie, qu’il est difficile d’en établir un semblant, qu’il faut éviter de suivre les efforts des poètes qui lui ressemblent. Hésiode ne parle-t-il pas d’Arès avant qu’il ne vienne au monde ou que Zeus ne l’enfante ? Si la troisième race est vouée aux travaux d’Arès, et si elle est supprimée par un déluge, c’est probablement pour marquer les imaginations et souligner le 3 HÉSIODELa Théogonie. Les travaux et les Jours et autres poèmes. Traduction de Philippe Brunet. Commentaires de Marie-Christine Leclerc. Paris, Librairie Générale Française, 1999.
8
besoin de faire la guerre autrement ! La troisième race déplaît à Zeus qui la remplace par la quatrième. Or la quatrième représente nos ancêtres directs et les demi-dieux doivent être pour nous des modèles. La gloire qu’ils obtiennent sur le champ de bataille, le sol des Troyens ou bien la conscience des guerriers, gloire qui leur assure une certaine immortalité, est en rapport avec notre propre mémoire et notre éducation.  La mythologie n’est pas une suite d’histoires isolées, elle est surtout une longue histoire et je reste convaincu que les aèdes ont tissé des enseignements qu’il faut débusquer dans les symboles qui nous les cachent. Lorsqu’Hésiode écrit la Théogonie, il articule des fonctions divines plus que des noms ou des généalogies. SaThéogonie, comme j’ai essayé de le 4 montrer , ne peut se comprendre que si elle donne du sens à l’actualité, celle des paysans dominés par des aristocrates dont la justice laisse à désirer. Autrement dit, le personnage que j’étudie ici ne peut se comprendre qu’en le replaçant dans un e e contexte politique autour du IX et du VIII siècle avant notre ère et en le rapportant à des préoccupations idéologiques qui sont celles des poètes prenant la suite des aèdes.  Plus que le fils de Zeus et d’Héra, Hadès est une force de destruction qui semble totalement aveugle quant aux conséquences de ses méfaits, mais il est surtout le reflet d’une guerre qui n’existe plus et qui a disparu avec les invasions doriennes essentiellement dès -1200.  Étudier Arès en dehors des autres divinités, en dehors d’un contexte à la fois politique et religieux, même au sein de la population olympienne ne peut que nous laisser très éloignés de sa véritable personnalité. Parce qu’Arès est le fils de Zeus, le monarque du Ciel, il ne peut être qu’un personnage important et demande à être compris dans chacun de ses actes tout en le situant toujours au milieu des autres. Quelle est réellement cette force que les aèdes veulent nous faire voir et qui se cache sous une violence aveugle ? 4  ANDRIEU G.Pour comprendre la Théogonie d’Hésiode. Paris, L’Harmattan, 2014.
9
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents