La Fabrique de la "race"
263 pages
Français

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La Fabrique de la "race" , livre ebook

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Description

Comme le "genre", la "race" est un construit social et il est étonnant de voir comment un même groupe humain peut être déplacé sur l'échelle chromatique selon les besoins du moment. Cet ouvrage éclaire la naissance du concept de "race" en France et surtout dans le monde anglophone, ainsi que le concept, à l'origine américain, de whiteness. L'ouvrage s'intéresse également aux rapports complexes entre biologie, éthique et politique, avec les tentatives de fabriquer une "race" plus forte, plus adaptée ou plus contrôlable.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2007
Nombre de lectures 100
EAN13 9782336262246
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sommaire
Collection Racisme et eugénisme Page de titre Page de Copyright INTRODUCTION La notion de race au XVIII e siècle en France et aux États-Unis Le paradigme de la « whiteness » et les identités blanches dans l’Angleterre contemporaine Les plus noirs des Blancs : revendications identitaires des Irlandais en Angleterre à la fin du XX e siècle Femmes britanniques et soldats afro-américains : des liaisons indésirables — gestion des relations interraciales durant la Seconde Guerre mondiale De l’espoir à l’impatience : l’émancipation et la participation économique des femmes de « race » noire en Afrique du Sud Les guerriers zoulous et la bataille d’Isandhlwana (1879) : Henry Rider Haggard ou l’ambivalence d’un mythe victorien La reconnaissance du droit coutumier aborigène en Australie Sport féminin : amélioration ou détérioration de la « race » dans l’Angleterre du début du XX e siècle La réglementation au Royaume-Uni de la sélection in vitro d’embryons humains : vers l’enfant à la carte ? Le retour de l’Homme criminel ? ADN, criminalité et déterminisme biologique Les auteurs
Collection Racisme et eugénisme
dirigée par Michel Prum
La collection “Racisme et eugénisme” se propose d’éditer des textes étudiant les discours et les pratiques d’exclusion, de ségrégation et de domination dont le corps humain est le point d’ancrage. Cette problématique du corps fédère les travaux sur le racisme et l’eugénisme, mais aussi sur les enjeux bioéthiques de la génétique. Elle s’intéresse à toutes les tentatives qui visent à biologiser les rapports humains à des fins de hiérarchisation et d’oppression. La collection entend aussi comparer ces phénomènes et ces rhétoriques biologisantes dans diverses aires culturelles, en particulier l’aire anglophone et l’aire francophone. Tout en mettant l’accent sur le contemporain, elle n’exclut pas de remonter aux sources de la pensée raciste ou de l’eugénisme. Elle peut enfin inclure des ouvrages qui, sans relever véritablement de l’étude du racisme, analysent les relations entre les différents groupes d’une société du point de vue de l’ethnicité.
Parmi les ouvrages déjà publiés dans la collection :
Diane Afoumado : Exil impossible, préface de Serge Klarsfeld (2005)
M.C. Barbier, B. Deschamps et M. Prum (dir.) : Tuer l ’ Autre (2005)
Lucienne Germain et Didier Lassalle (dir.), Les Politiques de l’immigration en France et au Royaume-Uni (2006)
Marine Le Puloch, Le Piège colonial (2007), préface d’Élise Marienstras
Henri Nahum, La Médecine française et les Juifs, 1930-1945, préface de Jean Langlois (2006)
Martine Piquet, Australie plurielle (2004)
Michel Prum (dir.) : Changements d’aire (2007)
Michel Prum (dir.) : De toutes les couleurs (2006)
Michel Prum (dir.) L ’ Un sans l ’ Autre , (2005)
Michel Prum (dir.) : Sang impur (2004)
Michel Prum (dir.) Les Malvenus (2003)
Didier Revest : Le Leurre de l’ethnicité et de ses doubles (2005)
La Fabrique de la "race"

Michel Prum
© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http:l/www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296042674
EAN : 9782296042674
INTRODUCTION
Michel Prum

On ne naît pas Noir, on le devient. Ce pastiche de la célèbre formule de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient » 1 peut paraître irrecevable. Pourtant, au-delà de son apparente incongruité, ce parallèle ne nous semble pas dénué de toute pertinence. Certes le taux de mélanine à la surface de la peau est une donnée biologique innée (comme le sont les caractères sexuels primaires ou secondaires), mais ce que l’on met derrière l’idée d’un Noir ou d’un Blanc, d’une femme ou d’un homme, se construit dans un environnement social donné. La « race », comme le « genre », est une construction historique, et non quelque chose de naturel et d’éternel. Il n’y a pas, en dehors des fantasmes des uns et des autres, d’« éternel féminin », et il n’y a pas non plus une « essence » de la négritude, pas plus que le terme de « whiteness », aujourd’hui objet de recherche dans le monde anglo-saxon, ne définit une quelconque « nature » blanche. Historiquement, il y a eu une vie avant la « race », et l’on peut espérer qu’un jour on considérera les êtres humains indépendamment de leurs phénotypes « raciaux », bref qu’on oubliera la « race ».
Cette dimension sociale du concept de « race » a été explorée par la littérature anglo-saxonne. David Roediger, par exemple, introduit le critère de « critical whiteness ». Ainsi dans un entretien accordé en 2005 à CounterPunch, il déclare que « l’examen critique de la “whiteness”, qu’il soit universitaire ou non, implique simplement une volonté de détruire l’illusion qui voudrait que la “blancheur” soit naturelle, biologique, normale, et ne nécessitant pas impérativement une explication » 2 . Le titre de l’ouvrage de Noel Ignatiev de 1995, How the Irish Became White 3 (Comment les Irlandais sont devenus blancs), est en lui-même révélateur de cette approche de la « race ».
Les exemples historiques qui viennent étayer la dimension de la « race » comme construit social et politique sont nombreux. Dans le contexte de l’Irlande, Maurice Goldring a très bien montré comment on inventa une « race » irlandaise après que la Loi d’émancipation des catholiques de 1829 eut rendu surmontables les barrières qui excluaient le peuple du pouvoir politique 4 . De même les premiers Italo-Américains, soupçonnés d’avoir dans leur sang la fameuse « goutte » de sang noir, ont-ils été racialisés comme non-Blancs, au teint « olivâtre », ce qui permettait de les sous-payer sur les chantiers 5 . On pourrait multiplier les exemples dans les différentes aires culturelles. « C’est l’antisémite qui crée le Juif », écrivait Jean-Paul Sartre dans ses Réflexions sur la question juive 6  ; c’est le raciste qui crée la race, et non l’inverse. « Ce que Sartre a dit à propos de la judéité demeure vrai, l’opprimé, c’est d’abord l’oppresseur qui le fabrique 7 . »
On peut situer le début de ce processus de racialisation de nos sociétés à la fin du Moyen-Âge, au moment où l’Occident chrétien découvre de nouvelles cultures et où, très vite, le capitalisme naissant comprend l’intérêt d’une main-d’œuvre noire bon marché. La Traite, dont on a célébré en 2007 le bicentenaire de l’abolition par le Parlement de Westminster, le 25 mars 1807, est intimement liée à la fabrique de la « race ». On ne peut exporter des millions de Noirs comme de la marchandise, du « bois d’ébène », et en laisser mourir des millions dans des conditions sub-humaines – sauf à faire en sorte que ces Noirs ne soient plus vraiment des êtres humains, qu’ils sortent de l’humanité. Il faut donc relire la Bible, reprendre la malédiction de Cham, dans la Genèse, et faire du coupable fils de Noé un Noir. Cham est donc ethnicisé a posteriori. Ainsi au XV e siècle, le Portugais Gomes Eanes de Zurara relie la traite des Noirs à la malédiction de Cham. Selon Léon Poliakov, c’est l’érudit allemand Georg Horn qui serait le premier, en 1666, à l’université de Leyde (Pays-Bas), à avoir proposé une division de l’humanité en fonction de la postérité de Noé, les Blancs descendant de Japhet, les Asiatiques de Sem et les Noirs de Cham 8 . Le siècle des Lumières, malgré les écrits courageux de Montesquieu et de quelques autres, devait reprendre cet héritage relativement récent de hiérarchisation raciale, et ouvrir ainsi la voie au racisme à prétention scientifique du XIX e siècle.
C’est sur la « division systématique de l’espèce humaine en races [...] dans la deuxième moitié du XVIII e siècle » que revient Élise Marienstras, Professeur émérite à l’Université de Paris Diderot (Paris 7), dans une contribution qui couvre la France et les États-Unis. Cette seconde partie du siècle des Lumières est, pour les deux pays, marquée par une révolution. Mais cette révolution, nous est-il rappelé, intervient dans des contextes presque oppos

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