La Guyane et la question pénitentiaire coloniale - Forçats et récidivistes
39 pages
Français

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La Guyane et la question pénitentiaire coloniale - Forçats et récidivistes , livre ebook

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Description

Le sol. — Quand le voyageur qui a traversé l’Atlantique arrive en Guyane et que, tournant le dos à l’Océan, il regarde du côté des Andes, qu’aperçoit-il devant lui ? Il voit, au premier plan, derrière un bourrelet de sable de largeur inégale et qui est rompu çà et là par le flot, une immense plaine, le plus souvent boisée, s’étendant jusqu’à quinze, vingt, quarante kilomètres au moins du rivage. Cette plaine, en général sèche l’été, inondée pendant l’hivernage, forme cuvette sur certains points, car son niveau est fréquemment inférieur au niveau des grandes marées.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 1
EAN13 9782346115303
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
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J. LEVEILLÉ. — LA GUYANE ET LA QUESTION PÉNITENTIAIRE.

Carte extraite de la France Coloniale, par Alfred Rambaud.
Armand Colin et C ie , éditeurs.
Jules Léveillé
La Guyane et la question pénitentiaire coloniale
Forçats et récidivistes
LA GUYANE ET LA QUESTION PÉNITENTIAIRE COLONIALE
(FORÇATS ET RÉCIDIVISTES)
Aspect général . — Le 23 octobre 1884, le président du conseil supérieur de santé écrivait au ministre de la marine : « Sauf l’îlot de Cayenne qui s’avance dans la mer, sauf les trois îlots d’origine volcanique qui portent le nom d’îles du Salut, la Guyane tout entière, depuis la rivière du Maroni jusqu’au territoire contesté, n’est qu’un vaste marais, dans lequel les Européens ne peuvent ni vivre ni travailler. »
Il y a dans ce document officiel deux choses, une brève description du terrain : la Guyane n’est qu’un vaste marais, et l’affirmation d’une loi fatale en quelque sorte : les Européens ne peuvent que mourir dans une telle colonie.
Je voudrais contredire cette description que je ne crois pas suffisamment exacte, et discuter cette prétendue loi que j’accuse d’exagération.
Je reconnais d’ailleurs que, si l’on veut comprendre le passé et le présent de la Guyane, il faut examiner avant tout comment la Guyane est construite et de quel climat elle a été dotée, J’esquisserai donc le pays avant de résumer l’histoire des hommes ; j’étudierai le théâtre de l’action avant d’étudier les acteurs,
LE PAYS
Le sol . — Quand le voyageur qui a traversé l’Atlantique arrive en Guyane et que, tournant le dos à l’Océan, il regarde du côté des Andes, qu’aperçoit-il devant lui ? Il voit, au premier plan, derrière un bourrelet de sable de largeur inégale et qui est rompu çà et là par le flot, une immense plaine, le plus souvent boisée, s’étendant jusqu’à quinze, vingt, quarante kilomètres au moins du rivage. Cette plaine, en général sèche l’été, inondée pendant l’hivernage, forme cuvette sur certains points, car son niveau est fréquemment inférieur au niveau des grandes marées. Cette plaine, où surgissent quelques rares mamelons, constitue les terres basses.
Mais, si le voyageur, tournant toujours le dos à l’Océan et regardant toujours du côté des Andes, avait l’œil plus puissant, s’il pouvait percer l’horizon, il apercevrait au loin, au second plan, par delà les terres basses, les terres hautes qui commencent. Elles lui apparaîtraient, s’élevant peu à peu, montant doucement vers le ciel, découpées en trois gradins successifs qu’on peut appeler, en marchant de l’est vers l’ouest, la région des Cascades ou des Sauts, puis le plateau central de l’intérieur, enfin, la chaîne des monts Tumuc-Humac. Sur chacun des trois gradins, des mornes ou pitons se dressent isolés, ne dépassant guère 300 mètres au-dessus de la mer dans la région des Sauts, 500 mètres sur le plateau central, 1000 mètres sur les monts Tumuc-Humac.
La Guyane n’est donc pas du tout un pays plat. Elle offre sans doute à l’Européen, qui descend de son navire, d’abord une terre basse ; mais cette terre basse n’est que le rez-de-chaussée de la maison. La terre basse une fois franchie, la Guyane au contraire présente bientôt, à des altitudes, progressivement croissantes, le triple et successif étage de ses terres hautes. L’histoire de la colonie s’est, il est vrai, principalement déroulée sur le littoral ; les terres hautes ne sont guère parcourues que depuis trente ans, depuis qu’il y a des chercheurs d’or. Mais le rédacteur de l’avis du 25 octobre 1884, qui, prenant la partie pour le tout, la terre basse pour toute la Guyane, prononce cette sentence : « Le pays tout entier, du Maroni jusqu’au territoire contesté, n’est qu’un vaste marais », me rappelle ce touriste anglais qui, débarquant à Calais, remarque que la fille d’auberge qui le sert est rousse, et écrit gravement sur ses tablettes : En France toutes les filles d’auberge sont rousses.
Quant au sous-sol de la Guyane, il comprend ordinairement deux couches superposées : d’abord, à la surface, un terrain d’alluvion, composé très inégalement d’humus, de sable et d’une argile imperméable ; ensuite, à la partie inférieure, un lit de roche primitive où dominent le gneiss et le schiste.
Le climat . — La Guyane est caractérisée par l’abondance des pluies et par la permanence d’une température élevée. Deux saisons s’y partagent l’année : l’hiver, qui va de novembre à juillet et qui est surtout la saison humide et fraîche ; l’été, qui va de juillet à novembre et qui est surtout la saison sèche et chaude. La moyenne de la chaleur est de 28° ; le maximum dépasse rarement 31° ; le minimum ne s’abaisse guère au-dessous de 23°. Il pleut de 160 à 180 jours par an ; et la quantité d’eau tombée représente la hauteur considérable de 3 à 4 mètres.
La configuration du sol et le climat une fois indiqués, voyons les phénomènes réguliers qui vont se produire. Les pluies de l’hivernage s’abattent sur le pays. Une partie de ce torrent se jette dans les fleuves, en accélère le cours et se perd dans l’océan. Une autre partie lave et dénude le sommet des montagnes et des collines, enlève l’humus et l’entraîne au bas des vallées, où la végétation, sous la triple influence de l’eau, de la chaleur et d’une terre profonde, devient luxuriante. Enfin la majeure partie de cette masse liquide, roulant de gradin en gradin, se précipite des terres hautes sur les terres basses et s’accumule au bord de la mer dans l’immense cuvette, tapissée d’argile, qui la reçoit et qui la retient.
Quand l’hivernage a cesse, le soleil, qui n’est plus contrarié par là pluie, chauffe sans trêve ni merci la surface dès terres basses ; l’évaporation s’accomplit ; les plantes et les poissons périssent dans la vase où grouillent les reptiles ; on cherche en vain le lac que parcouraient naguère les canots ; il ne reste plus, sur beaucoup de points, qu’un marais fétide où trop souvent le voyageur imprudent s’enlise et trouve la mort.
J’ai sommairement décrit la scène où va se dérouler l’histoire de la Guyane. J’aborde maintenant l’histoire.
LE PASSÉ DE LA GUYANE
La déconcerte.  — En l’année 1500, un compagnon de Christophe Colomb, qui se nommait Vincent Pinçon, arrivait d’Europe sur la côte du Brésil. De l’Amazone il remontait jusqu’à l’Orénoque, et découvrait ainsi, en une seule campagne, toute la série des Guyanes : la Guyane brésilienne, française, hollandaise, anglaise, vénézuélienne. Je ne dois parler ici que de la Guyane française.
Premières tentatives de colonisation. — Pendant cent cinquante ans, la Guyane ne fut guère visitée que par des aventuriers. En 1604, ce sont des Gascons 1  ; en 1626 2 et en 1643 3 , des Rouennais ; en 1652 4 et 1664, des Parisiens. Ils débarquent peu nombreux à chaque fois, légers d’argent, traînant à leur suite quelques centaines de blancs, qu’ils ont engagés pour trente-six mois, qu’ils payent mal, qu’ils nourrissent peu, mais qu’ils fouettent libéralement. Les chefs de ces expéditions ne sont pas des colons qui veulent défricher le sol, mais des oiseaux de proie en quête d’un butin. Ils vivent dans l’orgie ; ils se querellent entre eux ; ils brutalisent les indigènes ; bientôt ils disparaissent, dévorés par l’intempérance, par les discordes intestines et par la juste colère des Indiens.

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