Quand j écrirai encore une histoire
76 pages
Français

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Quand j'écrirai encore une histoire , livre ebook

76 pages
Français

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Description

La guerre de tous les jours dans la vie de tous les jours.

Découverts par hasard peu après sa mort par un historien local, les cahiers de guerre de Christine Flahaut (1923-2008) constituent un document unique sur la vie d’un petit village wallon durant l’Occupation et la Libération. Rédigés en français populaire savoureusement émaillé de wallonismes, ils font revivre toute une époque.

Leur édition s’accompagne de nombreuses illustrations, d’explications et d’éclairages sur les faits historiques, les coutumes, les activités quotidiennes, les conséquences de la guerre.

Un ouvrage passionnant qui démontre qu'une petite flamme de vie et d’espoir peut subsister dans la tourmente de la guerre.

EXTRAIT

Le 6 juin 1944, un mardi, on était vers huit heures et demie. Il faisait un temps nuageux et il pleuvait à [par] moments. Beaucoup d’avions anglais étaient passés bas, la nuit. Joseph Parent cria à papa dans le jardin – il devait aller aux betteraves après-midi : « Ils sont débarqués en France. »
Papa venait d’écouter à la TSF. Le porte-parole des armées alliées demandait à tous ceux qui habitaient aux environs des côtes françaises, à moins de trente-huit kilomètres, d’évacuer quand ils auraient été avertis par des tracts. Ils devaient prévenir leurs voisins, prendre peu de bagages, et partir par des sentiers en se dispersant afin de ne pas être pris pour des colonnes de troupes. Ceux qui ne le pouvaient pas devaient partir à deux kilomètres. Papa crut que c’était cela que Joseph voulait dire. Il revint prendre le poste qui parlait en flamand. J’épluchais des pommes de terre. On parlait d’Eisenhower. Soudain, il dit : « Un communiqué des forces expéditionnaires alliées nous apprend que sous la couverture d’un violent bombardement aérien et naval, des forces alliées sous le commandement du Général Eisenhower ont débarqué dans le nord de la France ».

À PROPOS DE L'AUTEUR

Christine Flahaut n’aurait sans doute jamais imaginé que son journal de guerre serait un jour publié. Il a fallu l’enthousiasme et l’obstination de Michel Flahaut, un de ses lointains cousins, et du groupe Chercha asbl de Chastre, tous passionnés d’histoire – la vraie, celles des gens –, pour que ce livre voie le jour. Le message de Christine est d’une émouvante simplicité : c’est dans les moments les plus durs que l’on comprend combien la vie, la paix, l’amitié, le chaleureux voisinage d’un village, d’une communauté sont essentiels.

Informations

Publié par
Date de parution 05 janvier 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782390030157
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le manuscrit de Christine Flahaut, décédée en 2008, a été sauvegardé grâce à Louis Bontems. Sa transcription a été réalisée par Paul Gouverneur, Camille Gille, Michel Flahaut et Maryvonne Debois. Le texte final a été établi et les intertitres ont été ajoutés par Michel Flahaut et Maryvonne Debois. La présentation, les éclairages et les notes sont de Michel Flahaut. La transposition des belgicismes et des wallonismes a été proposée par Bérengère Deprez. Une dernière lecture a été assurée par Maryvonne Debois et Huguette Legrand.
Le déchiffrement des noms de personnes a été réalisé avec le concours de Henri Bernard, Luc de Burlet, Valmy Féaux, Michel Jaumotte et Yvan Palange.
René Bidoul, Luc de Burlet, Gisèle Despy-Burny, Willy Monfils et Yvan Palange ont fourni des photographies.
Madeleine Delory-Haubruge et Dorothée Martin-Vanhaeperen ont apporté un éclairage personnel sur Christine Flahaut.
Merci à tous.
L’initiative de la publication des cahiers de Christine Flahaut revient au Cercle d’histoire de Chastre, le CHERCHA asbl.
www.chercha.be
Souvenirs des quatre Nils
Conversation avec Valmy Féaux Gouverneur honoraire de la Province du Brabant wallon
J’ai personnellement peu connu Christine Flahaut, dont on va lire le journal dans cet ouvrage. Elle vivait presque recluse. On ne la voyait guère aux fêtes avec la jeunesse du village. Je crois que ses parents la tenaient de près (ou la couvaient beaucoup). Et puis, elle était plus âgée que moi d’une bonne dizaine d’années.
Mais à lire son journal où elle évoque tant d’événements et tant de personnes de Nil-Saint-Vincent, comment ne pas revivre cette période si marquante de la fin de la guerre ?
Le berceau de ma famille n’est pas Nil, mais le hameau de Beaurieux à Court-Saint-Étienne. C’est après avoir perdu un enfant en très bas âge que mes parents décidèrent de changer d’environnement. Ils vinrent s’établir à Nil-Saint-Vincent où l’Union des coopérateurs – la « Coop » – cherchait à engager un gérant pour sa succursale niloise. Ma mère fut choisie ; elle tenait donc la « coopérative » du village, sur la place Communale, en face de l’église. Mon père, lui, travaillait aux usines Henricot, à Court-Saint-Étienne.
Les débuts du magasin furent laborieux. On y vendait de l’épicerie, de l’aunage - c’est-à-dire du textile - et des primeurs. À l’époque, le vrac était d’usage fréquent : le sucre, la farine, les pommes étaient pesés sur une balance traditionnelle à plateaux, avec des poids de toutes les tailles. Ce n’est qu’après la guerre que la balance semi-automatique à aiguille et cadran gradué – invention révolutionnaire ! – a fait son apparition.
Dans la resserre du magasin, un coin de la pièce était réservé à une bibliothèque publique. Cela faisait partie du programme social de l’Union des coopérateurs. J’y tenais, le dimanche matin, le registre des prêts et, pour attirer le lecteur, je faisais fonctionner un gramophone. J’y ai lu mon premier roman, Le Dernier des Mohicans , de Fenimore Cooper.
Ma mère écrivait toutes les transactions de vente sur papier doublé de carbone, dans des registres spécifiques : blanc pour l’épicerie, jaune pour l’aunage, vert pour les primeurs. Le soir, mon père vérifiait les comptes et lorsqu’il décelait une erreur, y compris en faveur d’un client, il avait à cœur de la réparer.
Les clients venaient souvent – du moins au début – en cachette, car le climat était tendu, dans notre petit village, entre les socialistes et les catholiques. Le curé, qui habitait pourtant juste en face, n’a jamais mis les pieds à la coopérative… ni sa servante. Il en était de même pour son voisin le notaire.
En revanche, les cinq familles de gendarmes qui occupaient une grosse bâtisse sur la place fréquentaient la coopérative. L’une des épouses de gendarme, M me Baecke, se trouva enceinte en même temps que ma mère ; elles échangeaient régulièrement des conseils et des confidences à propos de leurs futurs bébés, mais restaient discrètes sur les prénoms qu’elles envisageaient. M me Baecke appela son fils Serge et ma mère m’appela… Valmy, prénom fort inhabituel qu’il fallut décider l’officier de l’État-civil à accepter. Valmy, c’est évidemment le nom du village champenois où eut lieu en 1792 la première victoire décisive de la toute jeune République française.
Tout le monde dans le village m’a toujours appelé Valmy, sauf le curé qui était totalement réfractaire à ce prénom révolutionnaire. J’ai donc été baptisé sous le prénom de mon parrain : seul le curé m’appelait Alexis. Quand je grimpais dans les ifs du vieux cimetière entourant l’église, il s’époumonait à me rappeler – en m’appelant Alexis – que le lieu n’était pas une plaine de jeux. Je mettais toujours un certain temps à comprendre que ce message m’était adressé.
Les quatre Nils, ce sont Nil-Saint-Martin, Nil-Saint-Vincent, Nil-Abbesse et Nil-Pierreux ; ils ont en commun d’être traversés par le ruisseau éponyme : le Nil. Historiquement, ces quatre Nils n’étaient pas placés sous la même autorité ; ils ont été regroupés par un décret signé par Napoléon, à Moscou, en septembre 1812.
Depuis ce temps, la Nationale 4 isole Nil-Pierreux du reste de l’entité, et le ruisseau jadis si présent ne fait plus vraiment lien. À vrai dire, on soupçonne à peine, çà et là, son existence.
Ma mère était catholique ; elle allait à la messe du dimanche. Mon père était socialiste et ne fréquentait pas l’église. Chez nous, dans la cuisine, un buste d’Émile Vandervelde, le président du parti socialiste, trônait sous un magnifique crucifix posé sur un velours vert. Comme mon père était volontiers boudeur, je servais parfois d’intermédiaire pour « raccommoder » mes parents, mais jamais je n’ai remarqué qu’ils se soient disputés pour des raisons religieuses ou politiques. J’ai été élevé dans la tolérance.
Tout petit, comme je m’ennuyais souvent à la maison (ma mère étant occupée au magasin), j’avais pris l’habitude d’aller jouer avec les enfants du boulanger voisin : Roger, Franz (il était de mon âge), Paul et Raymond. Comme ils fréquentaient l’école des Sœurs toute proche, il m’arrivait de me mettre dans le rang avec Franz pour entrer en classe, mais ma mère venait me rechercher.
Devant tant de goût pour l’étude (!), mes parents se sont hâtés de me mettre à « l’école libre laïque » qui s’était ouverte quelques années auparavant. Ma mère est allée trouver l’instituteur en lui disant que s’il voulait m’avoir comme élève, c’était maintenant qu’il devait m’accepter, même si je n’avais pas encore six ans !
En matière d’enseignement, la rivalité était grande entre les partis de gauche (libéral et socialiste) et le parti catholique, une rivalité qui ne s’est résolue que par l’adoption du fameux Pacte scolaire… en 1959.
À Nil-Saint-Vincent, la majorité politique était catholique et le resta jusqu’à la fin des années 1950. Il y avait une école communale pour filles, une école communale pour garçons et l’école libre des Sœurs, évoquée plus haut.
Au début des années 1930, à l’occasion du départ à la retraite de l’instituteur de l’école des garçons, un jeune instituteur assura un intérim d’un an à la grande satisfaction des parents ; mais, lorsqu’il s’est agi de le nommer, le pouvoir communal lui préféra un autre candidat.
Il se passa alors une chose extraordinaire, dont je ne connais aucun autre exemple en Belgique : les parents, tellement conquis par ce jeune instituteur, souhaitèrent absolument le garder pour leurs enfants et se cotisèrent pour créer une autre école à côté de l’école officielle ! Les cours furent d’abord donnés dans un grenier, puis un bâtiment fut construit avec l’aide de bienfaiteurs, sur un terrain appartenant à un ami de l’école. Tout le monde mit la main à la pâte, tant pour les aménagements intérieurs qu’extérieurs : préau, toilettes, remise et agrès de gymnastique.
L’école ouvrit ses nouveaux locaux en 1932.

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